Interpellation

Une enquête menée par Le Temps a révélé plusieurs cas de harcèlement sexuel au sein du corps de police vaudois et genevois. Les témoignages recueillis font état d’une violence rare et d’une régularité des actes qui laissent penser qu’il s’agit là de pratiques courantes. Les conséquences pour les victimes sont catastrophiques, puisqu’on y lit des séquelles d’angoisse et de destruction de la personnalité encore présentes bien après qu’elles aient démissionné, sans trouver d’autres solutions pour sortir de ce calvaire.
La réaction des collègues ou de certaines hiérarchies qui ressort de l’article est choquante, laissant les victimes seules face à une situation jugée acceptable. Il ressort de cet article qu’il s’agit d’un environnement masculin qui serait propice à ce genre d’actes et que le rapport hiérarchique fort empêcherait les victimes de dénoncer ce qui leur arrive, de peur des représailles. L’école de Savatan a notamment été pointée du doigt, de même que le système voulant que toutes les nouvelles recrues étaient annoncées, photos et informations à l’appui, publiquement à l’interne… ce qui faciliterait le « tableau de chasse » des harceleurs, qui se serviraient de cette base de données interne pour contacter les futures recrues déjà pendant leur formation !
Il n’est pas mentionné si certains des témoignages recueillis sont issus de la Police lausannoise, mais il ressort de l’article que deux procédures administratives sont en cours au sein de ce corps de police pour des cas similaires. La Police Municipale semble avoir déjà réagi avec certaines mesures, notamment en mettant en place une « ligne spéciale » pour dénoncer ces cas et en prenant publiquement, dans cet article, position sur le caractère intolérable de ces agressions. Toutefois, il ne ressort pas de mesures visant à prévenir ces cas de se produire à l’avenir.
Le caractère (très) masculin de la Police a déjà été abordé à de nombreuses reprises au sein du Conseil communal de Lausanne, avec une volonté claire de rendre l’accessibilité de ces emplois aussi égalitaire que possible, notamment dernièrement avec une résolution votée suite à une interpellation de Mme Thanh-My Tran-Nhu qui a le teneur suivante : «  Le Conseil communal souhaite que la Municipalité : – supprime de ses critères d’embauche le fait d’avoir fait l’armée pour l’engagement d’agent-e de police à quelque grade que ce soit; – veille à édicter des critères d’embauche exempts de discrimination, notamment liée au sexe. ». Il ressort en effet de cet article, et de la pratique, que plus un environnement est masculin, plus les risques de harcèlement existent, et plus les plaintes sont difficiles à formuler et à poursuivre.
Il apparaît d’autant plus choquant, comme le relève d’ailleurs le commandant de la Police Municipale de Lausanne dans ce même article, que ce genre de comportement soit le fait de personnes engagées pour assurer la sécurité de la population. L’impression de multitude et de « normalité » de ces comportements qui se dégage de l’article est inquiétant et mène à s’interroger sur les mesures qui sont mises en place non seulement pour répondre à ces cas lorsqu’ils se produisent (comment des harceleurs peuvent-ils encore exercer en tant que Policiers ?) mais, surtout, pour empêcher qu’ils ne se produisent. Car la solution ne consiste pas uniquement dans la sanction de tels comportements, mais bien dans la prévention et dans la protection de toutes les policières et de tous les policiers pour qu’ils ne se produisent plus. En plus de constituer des atteintes violentes et dangereuses pour les victimes, qu’il faut prévenir par tous les moyens possibles, de tels comportements sont indignes du corps de police et doivent être bannis pour le bien de tou-te-s les employé-e-s, de l’image du corps de Police et de la Ville, mais aussi de l’entier de la population qui doit pouvoir compter sur une Police fiable et digne de confiance.
Face à cette situation, nous souhaitons poser les questions suivantes à la Municipalité :

  1. Quelles mesures de prévention spécifiques la Municipalité a-t-elle ou prévoit-elle de mettre en place face au harcèlement sexuel dans le corps de Police ?
  2. Suite aux enquêtes administratives qui sont en cours, la Municipalité a-t-elle demandé une enquête interne ou un audit spécifique au sein de la Police Municipale sur la question du harcèlement sexuel ?
  3. La Municipalité a-t-elle mis en place des mesures spécifiques de contrôle par rapport au harcèlement sexuel dans le Corps de police, notamment pour restreindre l’accès au fichier des nouvelles et nouveaux aspirant-e-s ?
  4. La Municipalité a-t-elle pris des mesures pour augmenter la part des femmes dans le corps de Police ? Si oui, quelles sont-elles ? Si non, pourquoi ?
  5. Les Policières, ainsi que les autres employées de la ville de Lausanne, victimes de harcèlement sexuel ont elles accès à une aide procédurale pour le dépôt d’une plainte ou pour la suite de la procédure ?
  6. Comment fonctionne la « ligne de téléphone spéciale » de la Police Municipale mise en place pour les cas de harcèlement sexuel et y a-t-il un lien avec la cellule ARC de la Ville de Lausanne ?

Xavier Company, Claude Grin, Eric Bettens, Sara Gnoni, Daniel Dubas, Sara Soto