Depuis une année maintenant, le monde de l’énergie est en ébullition.

Et pour cause: en septembre 2021, le Conseil fédéral nous annonçait déjà un risque de pénurie d’électricité concret pour l’hiver… 2025-2026. La situation s’est ensuite tendue d’avantages avec l’arrêt, pour corrosion ou retard de maintenance, de plus de la moitié des centrales nucléaires françaises (qui n’ont toujours pas redémarré à ce jour), ce qui nous a valu une fin d’année 2021 très tendue sur les marchés de l’énergie, avec des prix historiquement hauts et de forte tensions d’approvisionnement. Mais le pire était à venir et est arrivé le 28 février 2022 avec l’invasion de l’Ukraine par la Russie, ce qui a mis un coup de frein supplémentaire à l’approvisionnement de l’Europe en gaz russe, qui diminuait déjà régulièrement depuis le début 2021.

L’Europe, dont les réseaux d’électricité et de gaz sont interconnectés et interdépendants, est donc privée de deux sources majeures d’énergie, que sont le gaz (russe) et l’électricité nucléaire français, démontrant ainsi la totale dépendance que nous avons face à ces énergies fossiles et non renouvelables, et notre absence de résilience face à leur manque.

Les conséquences ont été directes : les prix du gaz et de l’électricité ont été multiplié par vingt en une année, passant des prix les plus bas jamais enregistrés à la sortie de la pandémie, aux prix les plus hauts jamais enregistrés. Cette évolution remet en cause, par un simple constat, la décision fédérale (toujours contestée par les Vert·e·s qui, une fois de plus, avaient une longueur d’avance) de libéraliser le marché de l’énergie (production et distribution). Afin de vous rendre compte des prix auxquels ont dû faire face les énergéticiens, qu’ils tentent tant bien que mal de ne pas reporter sur leurs clients, imaginez que votre facture d’électricité mensuelle passe de 50 francs actuellement à… 1’000 francs, et cela en l’espace d’un an. C’est ce qu’il se passe pour certains clients électriques qui s’approvisionnent sur le marché libre, alors que pour les clients du marché régulé (comme tous les ménages), ce prix a augmenté, certes de manière importante, mais nettement moins: la facture de 50 francs sera majorée de 25% à 35%, donc se montera à 63 francs.

La deuxième conséquence, c’est le risque très concret de pénurie d’énergie pour cet hiver déjà. Il implique des mesures à mettre en place en urgence, selon le plan de la Confédération :

1)     réaliser des économies d’énergie volontaires immédiates (qui auraient pu être réalisées au préalable, mais mieux vaut tard que jamais…)

2)     Si cela ne suffit pas, se préparer à couper certains consommateurs tels que les piscines, jaccuzzi, escalators, etc.

3)     Si cela ne suffit toujours pas, demander aux gros consommateurs de réduire leur consommation de 10% à 50%.

4)     Et finalement, si cela ne permet toujours pas de limiter suffisamment la consommation : se préparer à couper l’électricité dans les quartiers à tour de rôle, par période de 4 heures, en ne préservant que les services d’urgence.

Ces mesures drastiques et urgentes sont nécessaires car nous consommons, spécialement en hiver, bien plus d’énergie que nous en produisons. Nous importons ainsi, chaque hiver, des quantités importantes d’énergie nucléaire française. Il n’est pas certain que nous en manquions cet hiver, car les économies volontaires seront peut-être suffisantes, ou les centrales seront réenclenchées à temps, ou alors l’hiver ne sera pas trop froid et limitera notre besoin en énergie. Mais ce qui est certain, c’est que nous n’avons pas préparé le terrain pour une sobriété énergétique nécessaire, ni pour une production locale, renouvelable et respectueuse de l’environnement, et que le risque de pénurie restera présent les hivers qui viennent.

Alors si cette crise, que nous devrons subir cet hiver et les prochains, peut avoir du bon, c’est dans la mobilisation sans précédent en faveur des économies d’énergie, de l’efficacité énergétique et de la production locale et renouvelable. Les entreprises d’audit énergétique sont prises d’assaut. Les investissements dans ces mesures d’économie d’énergie sont facilement rentabilisés au vu des prix actuels. Si l’on peut regretter, à juste titre, que les alertes des Vert·e·s sur le réchauffement climatique et les effets négatifs de la surconsommation n’aient pas été entendus jusque-là, nous devons encourager, inciter, relayer et réaliser les assainissements énergétiques, les mesures d’économie et les écogestes, afin qu’ils se pérennisent, pour nous mener vers une société plus sobre, plus résiliente, durable. C’est mon vœu pour que cette crise, avec tous les défis qu’elle comporte, avec toutes celles et ceux qu’elle va précariser encore davantage, nous permette tout de même d’avancer dans la bonne direction de la sobriété et de la transition énergétique.