Les vieilles marmites en politique
« C’est dans les vieilles marmites qu’on fait les meilleures soupes. » Cette expression bien connue remonte au temps où on ne lavait jamais les récipients dans lesquels les soupes mijotaient et les confitures cuisaient. Ainsi rien ne vaudrait l’expérience du passé et les méthodes maintes fois éprouvées. La politique s’inspire aussi de cette pensée populaire. Pour des résultats généralement peu probants, souvent négatifs et parfois tragiques.
Interdire de demander l’aumône dans des lieux publics et à proximité des lieux où l’argent liquide circule encore ; baisser fortement les impôts de façon non-ciblée en prétendant soutenir ainsi la classe moyenne ; prétendre vouloir sauver le climat en investissant des dizaines de milliards, qui vont manquer ailleurs, dans le nucléaire ; interdire aux dealers de fréquenter un quartier ou une place en affirmant que la vente de drogue baissera ; refuser de venir en aide aux réfugiés menacés en Méditerranée et dans les Balkans sous prétexte de ne pas « créer d’appel d’air » ; créer un cadre pénal le plus punitif possible « pour empêcher la récidive et protéger la population » ; durcir les conditions de naturalisation pour soi-disant mieux intégrer les personnes de nationalité étrangère.
Les exemples sont légion. Évidemment, me direz-vous, ils ont été choisis de façon subjective et illustrent une vision politique écologiste et solidaire. Cependant, ces exemples illustrent l’absurdité, qui tire fréquemment vers le cynisme, des raisons politiques évoqués. Pourquoi ne pas assumer le véritable but de ces mesures politiques ? Car leur intention réelle est bien souvent soit injustifiables moralement, soit dur à défendre politiquement. S’appuyer sur le « on a toujours fait comme ça » s’avère être un refuge bien confortable.
La politique n’a que rarement été un lieu propice à l’inventivité. Les idées nouvelles y sont moquées sur l’autel du conformisme. La crainte de prendre des risques s’y ajoute. Un projet innovant s’avère plus difficile à défendre car il faut convaincre de son bien-fondé et de sa faisabilité, trouver des majorités nouvelles et affronter les critiques dans le débat public. On comprend ainsi aisément pourquoi tant de projets développés par les exécutifs ou proposés par les législatifs ne sortent pas des chemins déjà empruntés.
Or face aux défis qui s’accumulent, le monde politique, comme chaque citoyenne et citoyen, se doit de prendre du recul et d’oser développer des alternatives collectives. En oubliant les solutions d’hier qui nous forcent désormais à cheminer fébrilement par mauvais temps sur l’arête de tous les défis du moment. Dans une cordée qui menace de nous emporter collectivement. Puisse cette nouvelle année faire plus de place à l’audace, en politique et ailleurs. Un autre monde est possible. Il nous reste à le construire.