
Police lausannoise : qui a fermé les yeux et comment nettoyer les écuries d’Augias?
Interpellation urgente
Ces derniers mois, plusieurs affaires graves ont touché la police lausannoise : deux décès de mineurs en scooter à la suite d’interventions policières, révélation de messages et photos à caractère raciste, antisémite, misogyne et j’en passe dans des groupes WhatsApp internes, arrestations arbitraires ainsi que violences et abus répétés.
Cela s’ajoute à une longue série de problèmes déjà dénoncés au Conseil communal et dans les médias depuis plus de dix ans notamment par le groupe des Vert-e-s : racisme, contrôles au faciès, insignes d’extrême droite (Thin Blue Line), formation lacunaire, plaintes découragées, absence d’une police de proximité crédible, refus de mettre en place une instance indépendante pour traiter les plaintes, etc.
Bien trop souvent, la Municipalité a répondu en minimisant et peu d’actions ont été entreprises. Mais les faits montrent aujourd’hui que ce ne sont pas des cas isolés : c’est une culture institutionnelle qui a permis à ces dérives de se reproduire et de s’installer. Les révélations récentes sur les groupes WhatsApp racistes montrent bien pourquoi d’autres abus étaient banalisés et très peu dénoncés : contrôles au faciès, arrestations arbitraires, violences, vols de téléphones ou d’argent, destruction de passeports ou de biens personnels (sacs de couchage, etc.).
Dès lors, une question fondamentale se pose : comment croire que la hiérarchie policière et la Municipalité n’en savaient rien ? Si des collectifs, des journalistes et des élu·e·s reçoivent régulièrement des informations et dénoncent ces pratiques, il est difficile d’imaginer qu’aucun signalement n’ait jamais atteint le commandant ou le municipal en charge.
Face à la gravité de la situation, nous réaffirmons qu’un audit complet et indépendant de la police lausannoise est nécessaire, que les agents impliqués doivent être sanctionnés et que des réformes profondes s’imposent, tout d’abord par la mise en place rapide de postulats d’ores et déjà acceptées par une majorité du Conseil communal, en attente d’une réponse de la Municipalité, notamment :
- Création d’une instance indépendante en matière de plaintes (postulat Panchard),
- Mise en œuvre du récépissé en cas de contrôle (postulat Jaffar),
- Interdiction du plaquage ventral (postulat Mayoraz),
- Lancement d’une véritable police de proximité (postulat Panchard)
Ces réformes sont indispensables si l’on veut restaurer un lien de confiance entre la population et l’institution policière. Sans cela, pas grand-chose ne changera et de nouveaux drames sont à craindre.
Au vu des éléments précédents, nous nous permettons de poser les questions suivantes à la Municipalité :
La Municipalité reconnaît-elle que les événements récents sont le signe d’un problème structurel et non d’affaires isolées, et qu’ils appellent une réforme de fond en comble de l’institution ?
La Municipalité peut-elle nous affirmer solennellement que ni la hiérarchie policière ni elle-même n’avaient jamais eu connaissance de comportements problématiques, d’abus de pouvoir ou de dérives qui auraient pu l’alerter sur l’existence d’un problème bien plus grave tel que celui révélé ces dernières semaines ?
- Quelles mesures ont été ou seront prises pour établir l’ensemble des responsabilités hiérarchiques et politiques dans ces affaires ?
- La Municipalité envisage-t-elle de transformer les suspensions actuelles en licenciements définitifs pour les agents concernés par les comportements les plus graves ?
- L’enquête interne sera-t-elle élargie à d’autres groupes de discussion et à d’autres sections de police-secours, afin de vérifier l’ampleur des comportements problématiques ?
- La Municipalité s’engage-t-elle à diligenter un audit externe et indépendant de la police lausannoise ?
- La Municipalité peut-elle nous indiquer le nombre de fois où le comité d’éthique (créé en 2021) s’est réuni, quand pour la dernière fois et quelles ont été les résultats de ses travaux ?
- La Municipalité peut-elle nous indiquer le nombre de fois où la commission de déontologie s’est réunie cette année, quand pour la dernière fois et quelles sont les résultats de ses travaux ?
- Comment la Municipalité entend-elle renforcer la transparence et la possibilité de plainte, notamment via une instance indépendante comme proposée dans le postulat Panchard ?
- La Municipalité est-elle prête à mettre en œuvre rapidement le récépissé de contrôle (postulat Jaffar), afin de lutter contre les contrôles abusifs et discriminatoires ?
- La Municipalité est-elle disposée à interdire définitivement le plaquage ventral (postulat Mayoraz), méthode dangereuse et à l’origine de drames documentés ?
- Quelle est la feuille de route de la Municipalité pour réintroduire une véritable police de proximité digne de ce nom, malgré sa communication hâtive visant à rejeter le postulat Panchard à ce sujet pourtant adopté par une large majorité de ce conseil communal ?
- Quelles mesures seront prises pour encadrer l’action des policiers en civil et garantir que tous les agents soient identifiables (interdiction de se masquer ou de cacher leur matricule) ?
- La Municipalité envisage-t-elle de mettre en place un mécanisme permettant la participation directe des personnes concernées (habitant-e-s, associations, collectifs) dans la définition et l’évaluation des politiques de sécurité ?
- La Municipalité prévoit-elle de créer une commission ou un organe de suivi associant élu-e-s, experts indépendants et société civile, pour assurer la transparence et le contrôle démocratique de la police ?
- Quelles mesures seront prises pour s’assurer que les ordres hiérarchiques issus de décisions politiques donnés aux agents soient effectivement appliqués ?
- Quels canaux internes la Municipalité compte-t-elle mettre en place pour permettre aux agents et employé·e·s de dénoncer des abus et dérives, sans crainte de représailles, afin que ces informations n’aient plus à passer par des élu·e·s ou les médias pour être traitées ?
- La Municipalité est-elle prête à publier régulièrement des données sur les sanctions disciplinaires infligées aux agents de police afin de renforcer la transparence ?
- La Municipalité défendra-t-elle la création d’un registre — au moins cantonal, mais idéalement romand ou national — des agents de police condamnés, suspendus ou licenciés, afin d’éviter qu’ils ne soient ensuite réengagés dans d’autres corps de police communaux ou cantonaux ? Et si oui comment ?
Ilias Panchard
Romane Benvenuti, Prisca Morand,Naomi-Alexandra Matewa
