Valéry Beaud

La Municipalité est-elle plus intéressée par le rendement des terrains que par le montant des loyers?

Interpellation urgente

La réalisation de la première étape de l’écoquartier des Plaines-du-Loup a permis la construction d’environ 1’200 logements ainsi que le développement de diverses activités sur 21 lots répartis en 5 pièces urbaines (PU A à E) et avec 18 investisseurs (voir figure 1).

Figure 1 : étape 1 de l’écoquartier des Plaines-du-Loup (source : Ville de Lausanne).

Pour cette étape 1, l’ensemble des investisseurs paye le même taux de 5 % de la redevance du droit distinct et permanent de superficie (DDP), pour la grande majorité sur une valeur du terrain identique de CHF 600.- par m2 de surface de plancher déterminante (SPd), à l’exception des programmes en marché libre et en PPE.

La réalisation de cette première étape a par ailleurs confirmé que parmi les investisseurs, ce sont les coopératives d’habitants qui apportent le plus de diversité et d’innovation, qui présentent le plus d’espaces communs, d’échanges et de partage, le plus de variété de logements ou qui intègrent le plus de matériaux biosourcés tel que le bois dans leur construction. Elles participent aussi largement à la mise en place de la vie de quartier et au bien vivre ensemble.

Le 23 novembre 2024 a été lancé l’appel d’offres à investisseurs pour la deuxième étape du quartier. Elle prévoit la construction d’environ 1’200 logements ainsi que le développement de diverses activités sur 21 lots répartis en 9 pièces urbaines (PU F à N) (voir figure 2).

Si la lecture du cahier des charges de l’appel d’offres permet de constater avec satisfaction la prise en compte de plusieurs demandes issues du bilan de l’étape 1 ainsi que de plusieurs évolutions positives, quelle ne fut pas la surprise à la découverte de la valeur du sol définie pour les logements à loyer abordable (LLA), qui a bondit de 33% par rapport à celle de l’étape 1, à CHF 800.- par m2 de SPd!

Figure 2 : étape 2 de l’écoquartier des Plaines-du-Loup (source : Ville de Lausanne).

Lors de l’appel d’offres de l’étape 1 en octobre 2015, l’indice suisse des prix à la consommation (IPC) pris en considération était de 97.7 points (septembre 2015). L’IPC en novembre 2024 au moment du lancement de l’appel d’offres de l’étape 2 est de 104.9 points. Ainsi, selon la calculatrice de l’IPC (Office fédéral de la statistique), le montant indexé des CHF 600.- de 2015 serait de CHF 644.- (variation de +7.4 %), bien loin des 800.- par m2 de SPd compris dans le présent appel d’offres.

Ainsi, force est de conster que la Municipalité a décidé, sans explication et en contradiction totale avec l’ensemble de sa politique du logement, visiblement pour de pures raisons financières, de fortement augmenter la valeur du sol et par ricochet les loyers des LLA. Ainsi, à titre d’exemple, pour un appartement de 100 m2, l’augmentation annuelle de loyer liée à la seule augmentation de la valeur du sol sera de CHF 1’000.-, alors même que d’autres facteurs viennent déjà mettre une forte pression sur les loyers (augmentation des coûts de construction, etc.). Dans ces conditions, la Ville de Lausanne aurait dû renoncer à augmenter la valeur du sol pour les LLA.

Il peut encore être relevé qu’outre ce montant de CHF 800.- par m2 de SPd, la Ville de Lausanne impose différentes autres contributions financières aux investisseurs, la plupart en augmentation par rapport à l’étape 1, soit pour les LLA : frais d’équipement (35.- non remboursés), équipements de récolte des déchets (7.-), études préparatoires (1.25.-) et frais de développement (12.-). Au total, CHF 855.25 par m2 de SPd, soit CHF 4’276.25.-/an pour un appartement de 100 m2.

Enfin, par rapport à l’étape 1, il est aussi utile de souligner que les investisseurs ne bénéficient plus de la possibilité d’obtenir un bonus de constructibilité pour les performances énergétiques, sur lequel la charge foncière était offerte. Les investisseurs doivent également assumer la gestion des terres polluées aux dioxines et furanes (PCDD/F) sur l’étendue de leur DDP.

Ces différents éléments étant exposés, nous souhaitons poser les questions suivantes à la Municipalité :

1) Pourquoi la Municipalité a-t-elle décidé d’augmenter massivement la valeur du sol définie pour les logements à loyer abordable (LLA) ?

2) Dans le contexte actuel de pénurie de logement et d’augmentation des coûts de construction et des loyers, la Municipalité ne pourrait-elle pas renoncer à cette augmentation ou la limiter à la seule augmentation de l’indice suisse des prix à la consommation (IPC) ?

3) La Municipalité n’estime-t-elle pas que cette augmentation de la valeur du sol pour les LLA est contraire à sa politique du logement ?

Nous remercions d’avance la Municipalité pour ses réponses.

Valéry Beaud                                                        

Karine Roch, Ilias Panchard, Marie-Thérèse Sangra, Naomi-Alexandra Matewa, Anne Berguerand, Paloma Graf, Olivier Thorens, Alexandra Gerber, Romane Benvenuti

Résolution du Conseil communal

Le Conseil communal souhaite que la Municipalité renonce à l’augmentation massive de la valeur du sol définie pour les logements à loyer abordable (LLA) et qu’elle fixe cette valeur au maximum à CHF 650.- par m2 de surface de plancher déterminante (SPd) pour les projets qui proposent des loyers suffisamment inférieurs aux limites LAA (art. 28 RLPPPL), qui comprennent des locaux communs à destination du quartier ou pour les projets particulièrement innovants.