Valéry Beaud

Interpellation

La dernière révision générale de l’estimation fiscale des immeubles dans le canton de Vaud remonte à 1992. Depuis, seule une actualisation au fil des opérations immobilières et des rénovations est effectuée. Cette pratique génère de fortes inégalités entre propriétaires : d’un côté, les personnes qui possèdent leur bien depuis longtemps bénéficient de valeurs fiscales sous-évaluées ; de l’autre, les nouvelles personnes propriétaires ou celles ayant rénové leur bien voient leur imposition réévaluée à la hausse.

Le Conseil d’État a été récemment interpellé sur le sujet par une députée d’Ensemble à Gauche, avec une demande d’évaluation de l’ampleur de la sous-estimation fiscale à l’échelle cantonale, mais la situation ne semble pas prête d’évoluer.

À Vevey, les autorités ont tenté, en vain, d’actionner l’article 22 de la Loi sur l’estimation fiscale des immeubles, lequel permet à une commune de requérir une révision si elle peut démontrer un écart manifeste entre la valeur fiscale et l’estimation portée au registre. Dans cette ville, les calculs effectués par la commune montrent un manque à gagner potentiel de 1.3 million de francs par an (article 24 Heures du 10 mars 2025).

À Lausanne, la situation est similaire. Dans le même article, le Syndic Grégoire Junod a lui-même reconnu les effets délétères de l’absence de révision : des appartements identiques peuvent être taxés de manière très inégale selon leur date d’achat. Ce système crée non seulement des injustices fiscales, mais il décourage également les rénovations énergétiques, car celles-ci entraînent une réévaluation immédiate de l’immeuble concerné.

Dans un contexte où les communes vaudoises font face à des défis budgétaires croissants, notamment face aux mesures de coupes budgétaires prévues aux niveaux fédéral et cantonal, cette sous-estimation généralisée représente un véritable manque à gagner. Or, malgré les données disponibles, aucune évaluation précise n’a à notre connaissance été faite pour Lausanne. Il est pourtant essentiel de disposer d’une image claire de l’ampleur du phénomène afin de défendre les intérêts financiers de la Ville et garantir une plus grande équité fiscale entre contribuables.

Ces différents éléments étant exposés, nous souhaitons poser les questions suivantes à la Municipalité :

  • La Municipalité partage-t-elle le constat selon lequel l’absence de révision générale de l’estimation fiscale des immeubles crée une inégalité de traitement manifeste entre les propriétaires lausannois ?
  • La Municipalité dispose-t-elle d’une estimation, même approximative, du manque à gagner fiscal pour la Ville de Lausanne en raison de la sous-évaluation fiscale des immeubles ? A-t-elle tenté de produire une telle estimation ou de demander au Canton de le faire ?
  • Quel est le pourcentage d’immeubles situés sur le territoire lausannois dont la valeur fiscale n’a pas été révisée depuis 1992, depuis 2000 et depuis 2010 ?
  • La Municipalité envisage-t-elle de faire usage de l’article 22 de la Loi sur l’estimation fiscale des immeubles, comme l’a tenté la commune de Vevey, pour demander une révision partielle ou générale des valeurs fiscales lausannoises ?
  • En cas de refus du Canton, la Municipalité serait-elle prête à envisager un recours juridique, seule ou avec d’autres communes, pour faire valoir les intérêts communaux?
  • La Municipalité est-elle en contact avec d’autres villes concernées pour coordonner une action politique ou juridique commune sur ce sujet ?
  • Enfin, considérant les effets dissuasifs sur les rénovations énergétiques, la Municipalité soutient-elle l’idée d’exclure temporairement la part de la plus-value liée aux investissements pour améliorer l’efficacité énergétique des réévaluations fiscales des immeubles, comme proposé par les Verts libéraux au niveau cantonal ?

Nous remercions d’avance la Municipalité pour ses réponses.

Valéry Beaud, Ilias Panchard