Feuille verte n°34 (février 2018)

 La construction du nouveau stade de football à Lausanne a été ces dernières années au cœur des discussions du Conseil communal qui a finalement approuvé à une grosse majorité un projet de compromis : le projet du stade de la Tuilière n’est certes pas parfait, mais il est désormais satisfaisant en terme sportif, populaire et écologique. Si nous regrettons, comme Verts, certains aspects, comme le fait qu’il ne s’agisse plus d’un stade d’athlétisme multi-sports, ou que la pelouse soit chauffée, notre voix a aussi été entendue, notamment en ce qui concerne la production d’énergie solaire, la pelouse synthétique qui permettra un usage facilité pour d’autres types de manifestations (comme des concerts), ou encore la restriction de l’utilisation du chauffage de la pelouse aux seules rencontres internationales pour lesquelles il est obligatoire.

C’est dans ce contexte d’entente et de compromis qu’INEOS, nouveau propriétaire du Lausanne-Sport, entre en scène. Cette compagnie basée à Rolle est majoritairement active dans les marchés de la pétrochimie et de l’automobile1. Active dans la fracturation hydraulique, dans la prospection gazière et pétrolière en eau profonde2et citée dans les Paradise Papers3, INEOS n’est pas une entreprise qu’on l’on peut qualifier d’exemplaire en matière de durabilité. Ce rapprochement avec le sport lausannois nous déplaît donc. En outre, dernièrement, INEOS a demandé de multiples modifications du projet de stade voté, notamment le remplacement du terrain synthétique par un terrain en herbe, qui ne pourrait être utilisé que pour les matchs de football et pour aucune autre manifestation ni entraînements4. Ceci va à l’encontre de nos demandes réitérées de voir une exploitation optimale de nos infrastructures sportives qui sont financées par l’argent communal. Alors que la ville va investir quelques 76 millions de francs dans un stade flambant neuf, dont l’objectif était qu’il soit le plus polyvalent possible, afin de permettre une réelle application du « sport pour tous » et garantir un investissement pour la population et non pour quelques utilisateurs uniquement, INEOS prend ses désirs pour des ordres et souhaite imposer des modifications de taille au nouveau stade (public !), sans considération aucune pour le processus démocratique qui a façonné son projet.

Les Verts sont de fervents défenseurs du sport pour tous, mais aussi du patrimoine lausannois, sous ses formes les plus variées. Ainsi, nous défendons tant au Conseil communal que par le biais d’actions politiques notre patrimoine bâti, forestier… mais aussi sportif. Nous sommes attachés au sport populaire, celui qui peut être pratiqué par le plus grand nombre et qui participe à la santé de la population et au lien social. Nous soutenons également le sport d’élite tant par l’engouement qu’il peut susciter que par la formation donnée aux jeunes de la Ville et du Canton. Le sport d’élite que nous valorisons est toujours un sport de proximité, avec une première équipe source d’inspiration, accessible et loin des indécents millions du sport d’élite international. Avec l’arrivée d’INEOS à la tête du Lausanne-Sport, se pose à nouveau la question des limites que nous souhaitons poser. Si nombre de supporters se réjouissent de l’arrivée des millions qui accompagnent INEOS, nous ne pouvons que regretter l’attitude de ce nouveau propriétaire et craindre ses intentions à la tête du club phare de notre Ville. Alors que la Ville s’est battue et a investi beaucoup d’argent dans le sauvetage de ce club, rappelant ainsi sa valeur patrimoniale, le nouveau propriétaire n’a pas attendu longtemps pour transformer le logo historique en support de publicité commerciale, en y faisant figurer son propre logo et en en modifiant les couleurs.

Un partenariat public-privé doit être envisagé pour le financement de nos infrastructures sportives. Le naming (nommer une infrastructure selon le sponsor principal) se développe partout et rapporte plusieurs millions de francs à des stades (cf. le Postfinance Arena à Berne). A ce titre, les Verts ont demandé à la Municipalité, dans le cadre du financement du centre sportif de Malley comme du stade de la Tuilière, de rechercher un partenaire privé local et qui remplisse des critères de durabilité. Nous encourageons même la Ville à être plus pro-active dans ces recherches. Les fonds sont là, pourquoi sommes-nous aussi timides à les demander ? Le CIO, par exemple, réside dans notre Ville depuis plus d’un siècle, sans y payer d’impôts, et ne participe pas au financement de nos installations sportives, alors même que son nouveau siège, décuplé en taille, est sur le point d’être inauguré. Mais pourquoi, en tant que capitale olympique, n’osons-nous pas lui demander un financement? Il en va de même de la multitude d’associations sportives qui siègent dans notre ville, ou des différentes banques régionales ou entreprises importantes, à l’éthique respectable, qui pourraient voir leur nom décorer un stade ou une patinoire, en échange d’une importante contribution financière.

En résumé, il existe des possibilités de partenariats respectant la vision exprimée par les Verts et soutenue par le Conseil communal. INEOS ne remplit aucune des conditions éthique, sociale ou environnementale que nous avons exprimées pour des partenariats public-privé et son attitude démontre qu’elle souhaite davantage s’approprier le club et le stade, que d’offrir quelque chose aux Lausannois-e-s. Nous serons ainsi attentifs, lors de la réponse de la Ville à ses demandes, ainsi que lors des débats sur le futur naming du stade, de rappeler que de tels honneurs doivent se mériter et qu’il convient de choisir avec attention nos partenaires, qui ont nécessairement une influence sur l’histoire des clubs et sur l’image de la Ville.

Xavier Company

Conseiller communal, co-président des Verts lausannois

Sophie Michaud Gigon

 Conseillère communale et  membre de la commission municipale des sports