Quel avenir pour le plan cantonal vaudois sur le dépistage des IST au regard des récentes décisions de Swissmedic relatives à l’auto-prélèvement par écouvillon et à la réunion des échantillons ?

Interpellation

A la fin du mois de juillet 2023, l’Institut suisse des produits thérapeutique (Swissmedic) a informé l’Aide Suisse contre le Sida (ASS) considérer que tout prélèvement par frottis réalisé en lien avec le dépistage de la gonorrhée et de la chlamydia devait impérativement intervenir par du personnel médical afin d’être conforme à la loi. Une position, contestée par l’ASS, qui s’explique par des questions purement administratives liées à l’écouvillon utilisé (l’eSwab de la société Copan, similaire à celui utilisé pour le dépistage d’une infection au coronavirus), qui – strictement parlant – bénéficie d’une autorisation uniquement pour un usage « médical » et non pour un auto-prélèvement (« self-sampling ») par la personne concernée[1]. En outre, Swissmedic a également retenu que la réunion des échantillons (« pooling »)[2] appliqué en pratique n’était pas non plus conforme aux exigences légales, retenant que chaque écouvillon devait être placé dans un tube différent. Or, cette dernière pratique pourrait entraîner une forte augmentation des coûts (traitement pré-analytique ou trois analyses au lieu d’une) et une utilisation inutile de matériel, pour un avantage nul compte tenu du fait que la réunion des prélèvements n’a aucun impact sur la fiabilité du résultat et que l’identification du ou des site(s) infecté(s) n’a aucune utilité pour le traitement. Dans l’ensemble, aucun produit n’est aujourd’hui techniquement explicitement autorisé pour l’auto-prélèvement et la réunion d’échantillons, pour des motifs purement règlementaires.

Cette situation, et la position défendue par Swissmedic, a mené l’ASS à suspendre dès le 28 juillet 2023 toute possibilité de dépistage à domicile (« Check at home ») concernant la gonorrhée et la chlamydia, le temps qu’une solution soit trouvée. Ce contexte peut toutefois avoir des conséquences bien plus larges que la seule réduction de l’offre Check at home : depuis de nombreuses années, les centres de dépistage et fournisseurs médicaux procèdent en effet très fréquemment aux prélèvements par l’intermédiaire de la personne elle-même (qui effectue directement les frottis, sans l’aide d’un membre du personnel médical), puis appliquent le pooling des échantillons prélevés. Une solution qui a l’avantage de fortement réduire les coûts des dépistages, de simplifier les procédures et de lever les éventuelles barrières psychologiques liées aux prélèvements par un tiers. Cela sans affecter aucunement l’efficacité et le fonctionnement du dépistage lui-même.

Or, si ces pratiques du self-sampling et du pooling ne sont plus possibles, il est évident que les conséquences négatives seront importantes sur les programmes cantonaux de dépistage, notamment :

  • des coûts bien plus importants, non seulement à charge de la LAMal et/ou de la personne concernée (selon sa franchise), mais aussi de l’enveloppe à disposition du plan cantonal ;
  • une diminution de la fréquence et du nombre de dépistages tels que recommandés;
  • une augmentation du nombre de cas de gonorrhée et de chlamydia au sein de la population, faute de dépistages adéquats suffisants ;
  • une augmentation des conséquences médicales négatives liées à ces deux infections lorsqu’elles demeurent non-traitées.

Des risques d’autant plus grands que les cas d’IST connaissent actuellement une croissance au sein de la population, de sorte qu’il est essentiel d’éviter tout obstacle supplémentaire aux dépistages.

A la lumière de ces éléments, les signataires adressent respectueusement au Conseil d’État les questions suivantes :

  • Quelle est la position du Conseil d’Etat par rapport (i) à l’auto-prélèvement et au pooling des échantillons appliqués, jusqu’à présent, dans le cadre du dépistage de la gonorrhée et de la chlamydia, et, dans ce cadre, (ii) à la détermination de Swissmedic du 28 juillet 2023 relative à ces deux pratiques ?
  • Quelles conséquences le Conseil d’Etat identifie-t-il pour le plan cantonal sur le dépistage des IST si l’auto-prélèvement et/ou le pooling des échantillons n’est/ne sont plus possible(s) ?
  • Le cas échéant, le Conseil d’Etat prévoit-il une augmentation de l’enveloppe financière allouée au plan cantonal sur le dépistage des IST afin de compenser l’augmentation des coûts découlant de la suspension de l’auto-prélèvement et/ou du pooling des échantillons ?
  • Quelles alternatives le Conseil d’Etat identifie-t-il à l’auto-prélèvement et/ou au pooling des échantillons afin d’assurer le maintien d’un niveau de dépistage suffisant de la gonorrhée et de la chlamydia au sein de la population ?
  • Quelles autres mesures sont prévues par le Conseil d’Etat pour maintenir, voire augmenter, le niveau de dépistage de la gonorrhée et de la chlamydia dans le cadre de son plan cantonal de dépistage ?
     

[1] Il est à noter que l’auto-prélèvement est recommandé par l’OMS ; OMS, Consolidated guidelines on HIV, viral hepatitis and STI prevention, diagnosis, treatment and care for key populations (https://www.who.int/publications/i/item/9789240052390), notamment p. 103.

[2] Soit le fait de placer plusieurs écouvillons relatifs à une seule personne (pour les frottis pharyngé, rectal ainsi qu’urétral et/ou vaginal) dans un même tube afin de réduire à la fois les coûts d’analyse et la quantité de matériel utilisée. Une pratique courante appliquée depuis plusieurs années par les centres de dépistage et recommandée par l’OMS spécifiquement en lien avec le dépistage de la gonorrhée et de la chlamydia ; OMS, op.cit., p. 101.