Postulat

De longue date, de nombreux parents font le choix d’un accouchement en maison de naissance. Ce choix est motivé par diverses raisons : la recherche d’un cadre moins médicalisé, sécuritaire, grâce au suivi global avec la même sage-femme durant toute la maternité. Les maisons de naissance répondent également aux besoins d’intimité et de sécurité émotionnelle demandés par les femmes et leur partenaire, garantissant l’autodétermination des femmes et une meilleure implication du père à toutes les étapes du processus.

Les sages-femmes accoucheuses en milieu extra-hospitaliers sont expertes pour les populations dont la grossesse est physiologique et qui souhaitent vivre une naissance naturelle. Elles offrent un choix qui répond à une demande croissante (les restrictions hospitalières liées à la pandémie de covid-19 (restriction de la présence du père à l’accouchement, suppression des visites, contraintes sanitaires comme le port du masque lors de l’accouchement, etc.) ont encore augmenté cette demande, qui a réellement connu un engouement sans précédent.)

A ce jour, le statut des maisons de naissance vaudoises (extra-hospitalières) est précaire. Seuls quelques articles du règlement sur les établissements sanitaires et les établissements apparentés de droit privé dans le Canton de Vaud (RS 810.03.1) portent sur les maisons de naissance. Ces structures reçoivent une autorisation d’exploiter de la part de la Direction générale de la Santé, quant aux sages-femmes, elles reçoivent un droit de pratique pour leurs activités.

Au-delà de ces quelques mécanismes en grande partie adéquats, les maisons de naissance semblent bien souvent déconsidérées par la Direction générale de la Santé. Les autorisations d’exploiter pour de nouvelles maisons de naissance sont très difficiles à obtenir, sans que l’on puisse réellement comprendre pourquoi ou sont assorties de conditions parfois étonnantes. Récemment, une maison de naissance s’est vu prolonger son autorisation d’exploiter pour 2 ans seulement, alors que la durée d’une telle autorisation est de 5 ans (art. 9 du règlement précité). Une autre maison de naissance a dû attendre 2 ans pour obtenir son autorisation d’exploiter, alors qu’elle avait reçu devant son avocat, le feu vert oralement par les autorités. Une autre encore s’est vu contrainte, sous pression du Service de Santé Publique, de se retirer d’une proposition de locaux adaptés par la commune et disponibles de suite. Cette équipe de sages-femmes doit attendre maintenant 3 ans ou plus pour que se libèrent les locaux intramuros imposés par le Service de Santé Publique.

Dans le projet de nouvelle planification hospitalière mis en consultation au printemps 2021, mais temporairement ajourné, on pouvait lire les accusations suivantes à l’encontre des maisons de naissance extra-hospitalières :

“Les accouchements en maisons de naissances et à domicile présentent des risques importants pour la mère et le/les enfant-s en cas de complications. L’expérience montre que ces situations ne sont pas rares (un accouchement en maison de naissances sur cinq donne lieu à un transfert à l’hôpital).

Fort de ce constat et désireux de favoriser les accouchements en maisons de naissances tout en assurant un haut niveau de sécurité, le Conseil d’Etat encourage les hôpitaux, les maisons de naissances et les sages-femmes à développer des maisons de naissances dans les murs des hôpitaux (intramuros).”

Ces propos diffamatoires sont critiquables à divers titres. Du point de vue de la littérature scientifique et des études conduites sur les risques liés aux naissances, les statistiques des maisons de naissance vaudoises, supervisées chaque année par le CHUV, sont excellentes. L’argument tiré du nombre de transferts est particulièrement choquant : ces 20 % de transferts sont justement le signe d’une prudence exemplaire. Sur les 20 % incriminés, 18 % des transferts sont non urgents et nécessitent simplement une aide médicale, principalement pour une stimulation du travail de l’accouchement avec ou sans péridurale. Seuls 2 % restants nécessitent une prise en charge lorsqu’un risque de complication apparaît, les transferts en milieu hospitalier sont toujours assurés.

La défiance exprimée ça et là à l’égard des maisons de naissance a également des conséquences fâcheuses quant à la collaboration avec le personnel médical et le milieu hospitalier. Si de nombreuses collaborations se déroulent parfaitement bien, il existe aussi des situations caractérisées par une absence de dialogue et des décisions très choquantes quant au suivi des enfants et des mères : hôpitaux qui refusent une collaboration harmonieuse avec les sages-femmes, médecins qui refusent de prodiguer des soins aux enfants nés en maison de naissance, difficulté d’obtention les dossiers médicaux des femmes, etc. 

La Direction générale de la Santé de l’Etat de Vaud semble vouloir favoriser les modèles de maisons de naissances intra-hospitalières (intramuros) au détriment des maisons de naissance extra-hospitalières (extramuros). Les député.e.s soussigné.e.s, tout comme les accoucheuses extra-hospitalières vaudoises, soutiennent toutefois l’idée d’ouverture de la variante de « centres intramuros » gérés par des sages-femmes en autonomie afin d’augmenter le choix des couples. Le libre choix du lieu de naissance doit être reconnu à tous les parents.

Il y a donc lieu de mettre fin à cette situation d’incertitude et de reconnaître pleinement les maisons de naissance extra-hospitalières. Cette reconnaissance permettra aussi d’améliorer la pleine et entière collaboration avec les milieux hospitaliers.

Ainsi, par le présent postulat, la soussignée, au nom de l’Intergroupe F, demande au Conseil d’Etat d’étudier la possibilité de lui soumettre toutes bases légales utiles permettant une juste reconnaissance des maisons de naissance extra-hospitalières dans le canton et d’améliorer et valoriser la collaboration avec les milieux hospitaliers et médicaux, dans l’intérêt des parents et des nouveau-nés.

Anne-Laure Botteron

Députée, Gros-de-Vaud

Candidate au Grand Conseil