Notre agriculture est en souffrance mais ce n’est pas la faute au loup ! Gardons-nous d’utiliser cet animal comme bouc émissaire tout désigné et nous détourne de notre responsabilité face au grave dérèglement environnemental. Il est encore temps de passer d’un combat contre la nature à un partenariat avec le vivant.

Je m’oppose, comme certaines femmes paysannes qui sortent du bois, à une régulation plus sévère des loups décidée par le Conseil fédéral en novembre 2023. Le Plan Loup élaboré par la Confédération en partenariat avec les cantons et les organisations d’intérêts nationaux offre un cadre approprié à la régulation de ce grand carnivore. Des études scientifiques et de terrain permettent la mise en œuvre de moyens durables pour parvenir à une cohabitation équitable, nous en sommes fermement convaincues.

Perpétuer la tradition pastorale et de l’élevage dans un environnement bousculé est un défi complexe mais impérieux. Le monde agricole doit trouver des solutions constructives de partage de l’espace alpestre et rural entre faune sauvage, tourismes et agriculture car d’autres défis écologiques plus complexes l’attendent et demain dépend de ce que nous apprenons aujourd’hui. Ce travail de conciliation ne fait que commencer, il ne doit pas être entravé par des messages nourrissant la peur et la haine. La révision de l’ordonnance sur la chasse a été décidée sous la pression des lobbys agricoles, des chasseurs et dans un climat d’exacerbation émotionnelle. Elle témoigne d’une vision de la nature dominée par l’humain et d’une agriculture belliqueuse, elle témoigne également d’une mauvaise compréhension des faits scientifiques connus sur les loups.

La perte de la biodiversité devrait nous alarmer sur notre rapport au vivant et sur le partage des ressources et nous orienter vers de nouvelles approches agricoles. L’histoire de l’agriculture regorge d’exemples démontrant les limites du contrôle de l’humain sur la nature. Chaque espèce peut légitimement défendre sa place, sa nourriture, défendre son territoire et sa progéniture. Aujourd’hui, en tant qu’humain, faisons-le avec responsabilité, intelligence et sensibilité, acceptons courageusement le défi de la cohabitation et sans naïveté ni angélisme, repoussons avec détermination les tentatives simplistes, hâtives et à court terme, de régulation proactive du loup dans nos régions.

Courrier des lecteurs publié dans 24Heures le 2 février 2024