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Comme cela nous est régulièrement rappelé, les allergies alimentaires sont malheureusement toujours plus fréquentes[1]. Affectant, selon les estimations, jusqu’à 8% de la population suisse, elles peuvent avoir des conséquences parfois très graves pour la personne concernée, notamment en cas de choc anaphylactique ou d’œdème de Quincke. S’y ajoutent en outre aussi les intolérances alimentaires, qui affectent près de 20% de la population[2] et peuvent avoir des conséquences négatives marquées sur le bien-être des personnes affectées, en particulier en cas de cœliaquie (pour le gluten). Bien que pouvant concerner tous types d’aliments, les allergies et intolérances alimentaires se rattachent en grande majorité à certaines catégories d’aliments bien identifiés. Ainsi, chez l’enfant, 90% des allergies alimentaires sont dues à l’œuf, l’arachide, le lait de vache, le soja, le blé, et les oléagineux (noisette, noix, pistache, amande), le poisson ou les crustacés[3]. Des allergènes fréquents qui sont spécifiquement listés dans l’Ordonnance du DFI concernant l’information sur les denrées alimentaires[4].

Les questions et problématiques relatives aux allergènes sont particulièrement importantes dans le domaine de la restauration. Dans la mesure où les produits n’y sont par principe pas pré-emballés, le consommateur n’est pas en position de connaître la liste des ingrédients les composant, y compris les allergènes[5]. En outre, contrairement au droit européen, le droit suisse n’impose pas la mention des allergènes fréquents sur les menus, à la condition que le restaurateur puisse fournir – sur question – des informations à ce sujet au consommateur[6]. Une solution présentant toutefois des problèmes concrets tant le suivi des informations – et le respect des indications données par le consommateur – peut être difficile en plein service. Dans son rapport de mars 2021 au Postulat 19_POS_116[7], le Conseil d’Etat relevait que lors d’une campagne de contrôles menée en 2018, 48% des inspections avaient révélé des lacunes et erreurs en matière d’allergènes. Un point critique considérant que, selon la loi, il appartient à l’exploitant du restaurant de prévoir un procédé interne de transmission de l’information quant aux allergènes et de dispenser au personnel la formation en la matière. Et que sa responsabilité personnelle – tant civile que pénale – est engagée en cas d’erreur.

En conséquence, il est absolument essentiel tant pour la personne du consommateur que celle du restaurateur que des connaissances claires et détaillées soient données sur les allergènes, l’information y relative et la meilleure façon de les travailler. A titre d’exemple, il serait bénéfique d’enseigner quelles alternatives aux denrées alimentaires connues pour être allergènes existent afin de les privilégier[8]. De même, il devrait être usuel de « marquer » ou mentionner explicitement un allergène invisible contenu dans un plat, afin d’éviter des accidents[9]. Or, aucun des 8 modules de cours obligatoires et facultatifs se rapportant au Certificat cantonal d’aptitudes (nécessaire pour obtenir la « patente »)[10] ne mentionne explicitement la thématique des allergènes et allergies alimentaires… ! Cette mention ne figure par ailleurs nulle part dans le Règlement de l’examen professionnel en vue de l’obtention du certificat cantonal d’aptitudes et du diplôme pour licence (RCCAL), y compris et notamment à l’art. 11 traitant des matières du programme complet des cours. Dans les faits, seul le Guide des bonnes pratiques dans l’hôtellerie et la restauration (BPHR) y fait une brève mention, de principe général[11].

Dans l’ensemble, cette situation est incompréhensible et intolérable, tant les conséquences d’une réaction allergique peuvent être graves pour toutes les personnes concernées. Et les mesures à prendre pour limiter les risques simples. Il est donc impératif de formaliser, enfin, l’existence d’au-moins un cours dispensé dans le cadre de l’obtention du Certificat cantonal d’aptitudes. Un élément pour lequel, lors des débats ayant porté sur le Postulat 19_POS_116, le président de la faîtière GastroVaud s’était déclaré favorable si tel était le vœux du Conseil d’Etat[12].

A la lumière de ce qui précède, les signataires demandent au Conseil d’Etat de créer une base légale ou d’adapter les bases légales existantes afin d’intégrer une formation aux allergènes et allergies dans les matières impératives pour l’obtention du Certificat cantonal d’aptitudes.

 

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[1] Constat déjà tiré en 2008 par Bandelier et al., Allergies alimentaires rares, in revue médical suisse, p. 1024 (https://www.revmed.ch/revue-medicale-suisse/2008/revue-medicale-suisse-154/allergies-alimentaires-rares).

[2] Dans l’ensemble : https://www.blv.admin.ch/blv/fr/home/lebensmittel-und-ernaehrung/ernaehrung/empfehlungen-informationen/naehrstoffe/allergien-und-unvertraeglichkeiten.html.

[3]Bandelier et al., p. 1025.

[4] Annexe 6 à l’OIDAI (céréales contenant du gluten, crustacés, œufs, poissons, arachides, soja, lait, fruits à coque, céleri, moutarde, graines de sésame, sulfites, lupin et mollusques). Au niveau européen : Règlement UE 1169/2011 du 25 octobre 2011, Annexe II.

[5] Pour les produits pré-emballés, l’art. 11 OIDAI et l’art. 36 ODAIOUs imposent une mention explicite aux denrées alimentaires ayant un potentiel allergisant.

[6] Art. 5 al. 1 let. d OIDAI.

[7] Postulat Séverine Evequoz et consorts, Assurer l’information du consommateur en matière d’allergènes ?. Voir aussi https://www.rts.ch/info/suisse/10418742-les-restaurateurs-peinent-a-appliquer-la-loi-sur-les-allergenes.html pour les allergies et https://www.rts.ch/info/suisse/11570637-pour-manger-sans-gluten-au-resto-les-promesses-du-serveur-ne-suffisent-pas.html pour les intolérances.

[8] Par exemple les graines de lin sont très peu allergènes et peuvent remplacer les graines de sésame ; de nombreuses farines ne contiennent pas de gluten et peuvent venir remplacer la farine de blé ; etc.

[9] Par exemple un plat contenant du Tahini (pâte de sésame) devrait également contenir des graines de sésame pour l’aspect visuel de l’allergène ; de même, un plat contenant de la sauce de poisson devrait être explicitement mentionné comme tel.

[10]https://www.gastrovaud.ch/formation/cours-pour-la-licence/.

[11]https://www.vd.ch/fileadmin/user_upload/themes/economie_emploi/protection_consommateur/fichiers_pdf/BPHR.PDF.

[12] Débats du 15 mars 2022 (point 31 de l’ordre du jour).