Interpellation

Le 1er janvier 2024 a marqué l’entrée en vigueur de la nouvelle Loi sur la taxe des véhicules automobiles et des bateaux (« LTVB »). Ayant fait l’objet de longs débats et discussions, tant précédemment à son analyse par le Grand Conseil vaudois que lors de son adoption le 21 mars 2023, la LTVB a été présentée comme le fruit d’un compromis entre les différentes visions et considérations qui avaient précisément été débattues. Visant notamment à accroître l’électrification du parc automobile, la LTVB a également pour but d’assurer l’assainissement du parc automobile par un système de bonus et de malus appliqués selon les émissions de CO2 des véhicules (art. 6 et 7 LTVB) : plus un véhicule émet de CO2, et est plus généralement polluant, plus la taxe de base sera accentuée. A l’inverse, moins un véhicule émet de CO2, plus il pourra bénéficier d’un abattement sur le montant de sa taxe.

Dans ce contexte, et en ligne avec le projet qui avait été proposé par le Conseil d’Etat, le Grand Conseil a entériné des bonus possibles allant jusqu’à 90% de rabais sur la taxe de base (art. 7 al. 1 LTVB) et des malus allant jusqu’à 50% de cette même taxe. Ce malus et les montants y relatifs présentent une importance particulière dans la mesure où la majoration ainsi appliquée sert à financier les mesures de soutien à la mobilité électrique (art. 10 LTVB). A ce sujet d’ailleurs, le Grand conseil avait étendu – en modifiant sur ce point le projet d’origine du Conseil d’Etat – les possibilités de subventionnement en ne les limitant pas exclusivement aux voitures automobiles légères ou aux motocycles, mais en les appliquant aussi aux cyclomoteurs dotés d’un système de propulsion électrique et d’une éventuelle assistance au pédalage jusqu’à 45 km/h (art. 10 al. 3 LTVB). Etant précisé que, selon la lettre explicite de l’art. 10 al. 1 et 3 LTVB, l’aide individuelle à l’achat d’une voiture automobile légère ou d’un motocycle doit être financée par la majoration de l’art. 7 al. 2 LTVB alors que cette source de financement n’est pas impérativement liée à l’aide individuelle à l’achat portant sur les cyclomoteurs. Enfin, les montants issus de ce malus peuvent aussi être affectés en tout ou en partie à d’autres projets en rapport avec la réduction des émissions de CO2 liées à la mobilité, notamment pour promouvoir la mobilité partagée (art. 11 al. 1 LTVB).

Dans l’ensemble, il découle de ce qui précède que le système de bonus et malus est central à la LTVB – le volet « malus » spécialement car il sert à financer une grande partie des mesures de soutien à la mobilité électrique et à la réduction des émissions de CO2.

Or, le 4 octobre 2023, le Conseil d’Etat a adopté le Règlement d’application de la LTVB (« RTVB ») dont les règles tempèrent fortement une partie des mesures prévues dans la LTVB qui avaient pourtant spécialement été mises en avant par le Conseil d’Etat comme centrales à la modification législative. Et qui avaient ainsi été considérées par le Grand conseil lors du vote de la LTVB en cette forme. Parmi ces tempéraments, les suivants étonnent particulièrement :

  • alors que les bonus (en application de l’art. 7 al. 1 LTVB) s’élèvent bien jusqu’à 90% maximum de la taxe de base, les malus (en application de l’art. 7 al. 2 LTVB) ne sont appliqués que jusqu’à 25% de cette taxe de base, soit la moitié de ce la LTVB permet (art. 9 al. 2 RTVB) ;
  • les véhicules dont les émissions de CO2 ne sont pas connues voient leur taxe majorée de 15% seulement, ceci alors qu’il s’agit généralement des véhicules les plus polluants (art. 9 al. 3 RTVB) ;
  • et aucune mesure de soutien à la mobilité électrique ou à d’autres mesures visant à réduire les émissions de CO2 (art. 10 et 11 LTVB) ne sont prévues.

Par ces tempéraments importants, le Conseil d’Etat apparaît aller à l’encontre des principes et développements qu’il avait pourtant lui-même mis en avant au moment de l’adoption de la LTVB. Il exclut en outre, pour l’heure, toute mesure de soutien à la réduction des émissions de CO2 liées à la mobilité dans le Canton de Vaud. Enfin, et comme cela a brièvement été abordé lors des discussions sur le budget 2024, cette situation entraîne une perte financière nette pour le Canton.

A ce jour, tous les détenteurs de véhicules automobiles soumis à la LTVB ont reçu l’avis de la taxe 2024. Il est donc possible, déjà maintenant, de tirer des constats objectifs liés aux choix ainsi faits par le Conseil d’Etat.

A la lumière de ces éléments, les signataires adressent respectueusement au Conseil d’État les questions suivantes :

  • Quelles sont les raisons qui expliquent le choix du Conseil d’Etat de ne pas appliquer un malus maximum de 50% comme le lui permet la LTVB ?
  • Quel est le montant de la perte financière due au choix du Conseil d’Etat d’appliquer un malus maximum de 25% et non de 50% comme le lui permet la LTVB ?
  • Quelles sont les raisons qui expliquent le choix du Conseil d’Etat de ne mettre en œuvre aucune mesure de soutien à la mobilité électrique (art. 10 LTVB) ou à d’autres mesures de réduction des émissions de CO2 (art. 11 LTVB) ?
  • Le Conseil d’Etat a-t-il eu des échanges ou mis en œuvre une consultation spécifique des communes (aujourd’hui seules source possible de subvention en la matière) par rapport à son choix de ne pas faire application de l’art. 10 al. 3 LTVB pour mettre en œuvre une subvention pour les cyclomoteurs ? 
  • En l’absence de toute mesure de soutien au sens des art. 10 et 11 LTVB, quel usage est fait des sommes obtenues par la majoration de l’art. 7 al. 2 LTVB ?
  • Le Conseil d’Etat estime-t-il que les tempéraments mentionnés aux questions 1 et 2 supra sont compatibles avec les engagements pris par le Canton de Vaud en application de son Plan climat ? Cas échéant comment ?