Postulat

Qui ne connaît pas autour de soi un ami ayant fait un burn out, une famille touchée par le suicide, un proche par la dépression ? Une mauvaise santé mentale est non seulement une terrible souffrance individuelle, mais aussi une souffrance pour la communauté et un poids très lourd, économique comme de responsabilité, pour l’institution publique. En 2017, le SECO estime le coût des burn out à 4,2 milliards de francs par année, alors que les cassures de santé mentale pèsent pour plus de 18 millards par an dans le budget national de la santé. C’est particulièrement vrai dans le canton de Vaud : une récente étude semble montrer que les Vaudoises et Vaudois ont un état psychique plus fragile que la moyenne suisse1. Il convient dès lors d’en prendre acte et de renforcer les politiques publiques de promotion de la santé mentale.

La bonne ou la mauvaise santé
mentale n’a pas une cause « unique ». Elle découle d’une
interaction entre des facteurs biologiques, génétiques,
économiques, sociaux et psychologiques. Si les déterminants
biologiques et génétiques ne sont pas modifiables, les facteurs
économiques, sociaux et psychologiques peuvent l’être et faire
l’objet d’interventions en promotion de la santé mentale. Des
interventions efficaces en santé mentale cherchent également à
réduire le degré de stigmatisation dont les troubles psychologiques
et psychiatriques font encore l’objet. Il s’agit alors de
développer des stratégies de sensibilisation qui se basent sur la
prise de conscience des chiffres (85% des problèmes de santé dont
souffrent les jeunes sont relatifs à la santé mentale, près de 50%
de la population remplira des critères de dépression une fois dans
sa vie) pour informer la population sur la prévalence de ces
problèmes et la très grande efficacité des traitements s’ils
sont accessibles précocement.

La promotion de la santé
mentale s’effectue par des interventions ciblant le niveau
individuel, social, structurel et environnemental. Les interventions
peuvent être menées par le secteur de la santé, mais aussi
résulter d’autres politiques publiques, comme la cohésion
sociale, la formation de base, etc. Par ailleurs, les facteurs de
risques se cumulent dans certains groupes de la population (groupes à
risque). Cela recouvre les personnes vivant dans l’isolement
social, notamment les personnes âgées, mais aussi les personnes
avec un handicap, ayant vécu une histoire de violences familiales,
les familles monoparentales, les membres d’une minorité sexuelle,
les enfants dont les parents présentent des troubles psychiques ou
d’addictions, etc.

Les interventions doivent donc
se faire au niveau individuel et social, mais aussi structurel et
environnemental. Les
interventions visant le niveau individuel
cherchent à promouvoir l’estime de soi, le sentiment d’efficacité
personnelle, les compétences de vie et d’adaptation aux
changements, la résilience, les formes de pensées positives, les
compétences sociales, etc. Ils encouragent aussi les modes de vie
qui améliorent et protègent la santé mentale, comme l’activité
physique, l’alimentation équilibrée, la consommation modérée
d’alcool, le maintien du réseau social, etc.
Les interventions au niveau social
visent à améliorer la qualité des relations au niveau de la
famille et des communautés. Les interventions sociales efficaces
favorisent les relations entre parents et enfants de la petite
enfance à l’adolescence, le soutien social, les réseaux
d’entraide, la qualité du lien, le bénévolat, l’inclusion et
la participation sociale.
Les interventions au niveau structurel et environnemental
favorisent des environnements permettant une bonne qualité de vie,
par des structures, des systèmes, des cultures et des normes qui
soutiennent la santé mentale, par exemple en aidant les jeunes à
obtenir les qualifications de base.

Le « bilan des mesures de la législature 2013-2017 » ne fait état d’aucune mesure explicite dans le domaine de la promotion de la santé mentale2. Cela ne veut pas dire que l’Etat de Vaud n’entreprend aucune action de nature à promouvoir la santé mentale : les interventions de l’unité PSPS ou le programme de lutte contre le suicide dans le milieu scolaire sont des interventions bénéfiques pour le niveau individuel ; le programme de soutien aux proches aidants impacte positivement au niveau social ; les subsides à l’assurance maladie diminuent le stress financier de beaucoup de ménages par une action au niveau structurel.

Néanmoins, bien que de
nombreuses stratégies pertinentes pour la promotion de la santé
mentale existent déjà, elles ne semblent garantir ni une couverture
globale de la population, ni une couverture suffisante des
populations à risque. De plus, la promotion de la santé mentale
n’est pas adressée comme un objectif explicite de ces
interventions existantes : les dispositifs relatifs ne sont donc
pas explicités et les effets non mesurés. Il manque enfin un
guichet unique, compétent et responsable, pour la coordination de la
politique de promotion de la santé mentale.

Pour faire face à l’enjeu
important que représente la santé mentale, il apparaît aux
député·e·s soussigné·e·s que le canton de Vaud doit se doter
d’une stratégie systématique visant à piloter et à coordonner
les interventions de promotion de la santé mentale afin de couvrir
davantage les besoins de la population vaudoise.

Dès lors, les député·e·s
soussigné·e·s demandent un rapport établissant :

  • Un inventaire des stratégies déjà en place pour la promotion de la santé mentale, la gestion des cassures de santé mentale et la déstigmatisation des troubles psychiques, ainsi que pour éviter les rechutes et les péjorations de la santé mentale auprès des personnes ayant déjà eu des cassures. Cet inventaire précise les bases légales, les organisations responsables et l’allocation de ressources. Il décrit la manière dont la promotion de la santé mentale est intégrée dans le fonctionnement de routine des organisations subventionnées concernées (formation des professionnel·le·s à la problématique, actions concrètes, etc.) et les indicateurs d’impact sur la santé mentale existants.
  • Une étude des besoins non couverts à l’échelle de la population. Celle-ci examine chaque phase et transition de vie3 et décrit les besoins populationnels à combler et les groupes à risque nécessitant des actions ciblées dans chacune de ces phases de vie.

Ce rapport proposera en conséquence un plan d’action interdépartemental en la matière. Celui-ci examinera l’inscription de la promotion de la santé mentale comme objectif dans la stratégie de santé publique du Canton, de celle du Conseil d’Etat et d’Unisanté, les actions à mener pour combler les lacunes identifiées (par exemple avec des projets de promotion de la santé mentale ayant fait leurs preuves dans d’autres cantons), les mesures permettant la coordination des organisations impliquées et la formation de leurs professionnel·le·s en la matière, ainsi que les ressources allouées à ces institutions pour les tâches de promotion de la santé mentale.

Léonore Porchet

1
Rapport OBSAN sur la santé dans le canton de Vaud :
https://www.obsan.admin.ch/fr/publications/rapport-de-base-sur-la-sante-pour-le-canton-de-vaud-0

2 Selon le Rapport sur la politique de santé publique du canton de Vaud 2018-2022. La promotion de la santé mentale intervient en amont des troubles psychiatriques. Les prestations de psychiatrie et de la psychiatrie communautaire relèvent du curatif et ne rentrent pas dans ce périmètre.

3 L’approche par « phase de vie » a été choisie dans la « Stratégie national Prévention des maladies non transmissibles 2017-2024 » et la campagne de « Santépsy.ch ».