Interpellation

Le plus grand lac d’Europe occidentale se réchauffe. La température de la couche de surface a constamment dépassé les normes mensuelles et se réchauffe à raison de 0.46°C par décennie. Parallèlement, au fond du lac, la température a augmenté de 1°C depuis 2012, année du dernier brassage complet des eaux, ce qui entrave la réoxygénation des couches profondes, alerte la Commission internationale pour la protection des eaux du Léman (CIPEL), qui est financée par le Canton pour près d’un quart de son budget. Cela met en péril la qualité de l’eau mais aussi tout l’écosystème lacustre. Loisirs, pêche professionnelle, approvisionnement en eau peuvent être impactés à terme.

Le Léman magnifique est un immense îlot de fraîcheur et une ressource stratégique, sur les plans touristique, aquatique, végétal et faunistique. Permettant de réoxygéner les couches profondes, le dernier brassage complet des eaux remonte à 2012 déjà. Des nutriments essentiels restent prisonniers des profondeurs, pourtant essentiels aux phytoplanctons qui sont à la base de la chaîne alimentaire. Si la qualité de l’eau est jugée satisfaisante aujourd’hui et la situation écologique plutôt bonne, la CIPEL appelle à rester vigilant afin de préserver la qualité des eaux, qui doit être au cœur des priorités publiques.

Moins de pluie et un fort rayonnement du soleil entraînent un dépassement continu des normes de température de la couche de surface (jusqu’à 10 m de profondeur). Depuis le début des relevés en 1900, les eaux n’ont jamais été aussi chaudes qu’en 2022, selon le rapport scientifique récemment publié par la CIPEL.

Les effets d’un dérèglement peuvent être multiples sur les équilibres physiques, chimiques et biologiques du lac – avec des répercussions humaines inévitables. Des eaux plus chaudes favorisent la prolifération d’algues et de cyanobactéries. Des espèces exotiques envahissantes perturbent la biodiversité lacustre, à l’exemple de la moule quagga. En moins de dix ans de colonisation, la quantité de cette dernière est estimée à 300’000 tonnes. Les moules quagga pourraient se multiplier par un facteur de 9 à 22 d’ici vingt ans, selon l’étude récente menée conjointement par les universités de Genève et de Constance ainsi que l’EAWAG (l’institut renommé des sciences et technologies de l’eau). Porté par une jeune pousse lausannoise, un projet entend limiter la prolifération de cette espèce invasive, en travaillant avec les pêcheurs et en valorisant coquilles et biomasse récupérés des filets ; il est en phase pilote avec la ville de Nyon, en vue de matériaux biosourcés et de ressources énergétiques.

Le plan d’action de la CIPEL énumère plusieurs mesures techniques jusqu’en 2030. Il cite en particulier la lutte contre les pollutions chroniques et pour des sols à nouveau perméables, la limitation des déversements d’eaux usées par temps de pluie, la réduction des résidus médicamenteux, des microplastiques et des micropolluants, l’action contre les espèces invasives végétales et animales.

Nous posons dès lors les questions suivantes au Conseil d’Etat :

  • Quelles mesures techniques pertinentes le Canton met-il en œuvre, afin d’assurer la résilience de l’écosystème lacustre et la qualité des eaux du plus grand réservoir d’Europe occidentale ?
  • Inscrit-il la qualité des eaux lémaniques dans son plan climat 2024 ?
  • Comment entend-il restaurer la diversité des espèces naturelles et diminuer les risques, en collaborant avec les actrices et acteurs majeurs des deux côtés du Léman ?
  • Toutes les stations d’épuration du bassin lémanique renforcent-elles la réduction des pollutions chroniques, des déversements d’eaux usées par temps de pluie, des microplastiques, des résidus médicamenteux et des micropolluants ?
  • L’Etat est-il disposé à soutenir des projets pilotes, pour lutter contre des espèces invasives et favoriser la diversité naturelle ?
  • Peut-il encourager la récupération et la valorisation des moules quagga à une plus large échelle dans le cadre d’une économie circulaire ?