Postulat

Cela fait maintenant plus d’une année que la directive du Conseil d’Etat sur la fiscalité agricole du 6 septembre 2017 est entrée en vigueur. Le délai d’applicabilité des remises d’impôts accordées pour les aliénations (31.12.2018) est échu. Par ailleurs, la justice s’est exprimée récemment sur la fiscalité agricole, notamment dans un arrêt du Tribunal fédéral de juillet 2018 (2C_217/2018). Enfin, la canton a abaissé de 1 UMOS à 0,6 UMOS la limite inférieure pour qu’un immeuble agricole soit considéré comme une entreprise agricole au sens de la LDFR.

Les premières expériences faites à l’ère de la nouvelle jurisprudence du Tribunal fédéral de 2011, depuis l’entrée en vigueur de la directive, sont contrastées. Alors que la pratique des rulings fiscaux semble fonctionner, d’autres zones d’ombre et de grandes incertitudes demeurent. Les agriculteurs concernés et leurs mandataires peinent à savoir comment ils seront traités du point de vue fiscal ; de nombreux dossiers semblent être suspendus au stade de la réclamation, voire avant la taxation, et il est difficile de tirer de premiers enseignements généraux sur la base de la pratique des différents offices d’impôts, qui semble diverger dans certaines situations.

Afin de garantir la sécurité du droit et la prévisibilité dans un secteur déjà durement touché par la tristement célèbre jurisprudence du Tribunal fédéral de 2011, il devient impératif de faire un premier bilan. Ce premier bilan permettra aux associations professionnelles, aux mandataires, aux fiscalistes et surtout aux principaux intéressés, les agriculteurs, d’y voir (un peu) plus clair, dans un ciel déjà très sombre.

Le rapport au présent postulat devra en particulier aborder les aspects suivants, bien sûr dans le respect du secret fiscal et de façon anonymisée le cas échéant :

Le Conseil d’Etat peut-il fournir des renseignements sur l’application de la directive de l’automne 2017 ? Combien de contribuables ont sollicité des remises d’impôts, pour quels montants totaux ? Y a-t-il eu des réclamations portant sur l’application de la directive, voire des litiges judiciaires ? Quel premier bilan le Conseil d’Etat tire-t-il de l’application de cette directive ?

Toujours en ce qui concerne la directive, le Conseil d’Etat envisage-t-il de prolonger, comme imaginé lors de son adoption, le délai au 31 décembre 2019 applicable aux cas de réalisations systématiques où un différé peut être demandé mais où l’imposition a lieu car le contribuable renonce au différé ?

En ce qui concerne la taxation sur le revenu selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, comment le Conseil d’Etat, ou pour lui l’ACI, s’est-il assuré que la résolution du Grand Conseil exigeant une estimation « raisonnable » du prix de sortie soit mise en oeuvre de façon harmonisée par tous les offices d’impôts ?

  • L’ACI pratique-t-elle systématiquement l’approche rétrospective retenue par le Tribunal fédéral de 2018 dans l’arrêt précité ?
  • Le Conseil d’Etat peut-il communiquer la liste complète des communes ayant accepté de pratiquer les remises prévues par la directive ?
  • Comment l’ACI compte-t-elle tenir compte du passage de 1 UMOS à 0.6 UMOS récemment voté par le Grand Conseil dans sa pratique fiscale ?
  • Le Conseil d’Etat peut-il confirmer que l’ACI ne résout pas à titre préjudiciel des questions de droit foncier rural – souvent déterminantes pour le sort fiscal réservé à un agriculteur – qui devraient être tranchées par la commission foncière rurale ?

Raphaël Mahaim