Postulat

Les pesticides de synthèse sont des molécules, développées en laboratoire et produites en usines, qui lient artificiellement un atome de carbone à d’autres éléments et qui ne sont pas biodégradables. Ils sont conçus pour détruire des cellules vivantes, ou pour perturber le bon développement ou fonctionnement d’organismes vivants. Tous les pesticides de synthèse sont par conséquent toxiques. Ils se caractérisent également par leur persistance dans l’environnement ; une contamination à large échelle, le transport à longue distance ; la bioaccumulation et la bioamplification. Ils ont des effets cancérigènes, mutagènes, reprotoxiques, perturbateurs endocriniens, neurotoxiques et/ou immunodépresseurs.

Suivant le type de culture, d’avril à fin août, des dizaines de ces substances sont épandues entre herbicides, fongicides et insecticides (comme les fameux néonicotinoïdes responsables de l’effondrement des populations d’insectes) sur nos cultures. En 2014, quelques 300 tonnes de glyphosate ont été déversées sur le territoire suisse. Par infiltration, saturant les sols, ces polluants finissent par atteindre les eaux souterraines.

Les
résultats du dernier rapport de l’OFEV, État
et évolution des eaux souterraines en Suisse
(OFEV,
2019)1
révèlent cette pollution préoccupante pour notre santé, 80% de
notre eau potable provenant de ces eaux. L’étude repose sur
environ un dixième des 300 pesticides de synthèse autorisés en
Suisse,
soit sur
45
substances, 28 molécules actives et 17 métabolites,
qui
en sont les
produits de dégradation et sont souvent plus mobiles et plus
persistants (ex : l’AMPA pour le glyphosate).2
Entre
2007 et 2016, plus de 50% des stations de mesures ont relevé la
présence de plusieurs de ces substances. De plus, 20% des stations
présentent des taux de métabolites supérieurs aux limites fixées.
Dans les régions soumises à une activité agricole intensive, ce
taux grimpe à 65%.

La parution de ce rapport a été relayée par la presse (Le Temps, 24 Heures, TSR) le 15 août dernier réalimentant les inquiétudes au sujet de l’exposition aux résidus de substances toxiques que sont les pesticides de synthèse et des risques réels encourus par la population. En particulier l’herbicide Chloridazone (interdit en EU depuis 2018, en réévaluation en Suisse) et le fongicide Chlorothalonil ainsi que leurs métabolites sont cités dans l’article du Temps, car dépassant de loin les seuils limites.

Mais au-delà de la question des valeurs limites dépassées pour certaines de ces substances (OPOVA – Ordonnance sur les limites maximales) se pose la question d’un système d’encadrement – les normes en vigueurs – qui ne prend en considération ni l’effet cocktail, ni l’exposition chronique (potentiellement depuis la vie prénatale), ni l’impact spécifique des perturbateurs endocriniens sur la population et la biodiversité. Ces concepts étant bien connus des scientifiques depuis deux décennies, l’adage « c’est la dose qui fait le poison » est obsolète. C’est pourtant bien sur celui-ci que se base toujours et erncore ce système, dès lors lui aussi obsolète.

Si depuis cet été le Conseil d’Etat dispose d’un plan d’action visant à réduire l’utilisation du glyphosate, il apparaît dès lors clairement qu’il ne s’agit là que de la pointe de l’iceberg. Dans le contexte du prochain scrutin des deux initiatives « Eau propre » et « Une Suisse sans pesticides de synthèse », les député-e-s soussigné-e-s demandent au Conseil d’État d’établir un rapport établissant son plan d’action permettant de répondre aux risques importants pour la santé humaine, animale et pour l’environnement que représentent ces différents produits toxiques.

Ce rapport devra notamment rappeler qui est responsable dans le Canton des mesures et du suivi des pesticides de synthèse, ainsi que le type d’analyse que le Canton peut effectuer dans l’eau, les eaux souterraines, l’air, les sols, les organismes vivants, les aliments et les personnes (urine, sang, cheveux). Il devra exposer les éventuelles études épidémiologiques permettant de rendre compte du degré de contamination réel par ces substances de la population et des organismes vivants dans le Canton de Vaud, en tenant compte, si< possible, de l’effet cocktail.

Il devra également présenter les mesures prévues par le Conseil d’État pour endiguer cette pollution qui menace les êtres humains et leur environnement. En particulier, les priorités d’actions qui pourraient être mises en œuvre pour réduire significativement cette pollution y seront présentées. Concernant les eaux souterraines, le rapport énumérera également les mesures particulières de protection que le canton entend prendre, notamment concernant l’utilisation de produits phytosanitaires de synthèse identifiés comme les plus toxiques.

Léonore Porchet

1
https://www.bafu.admin.ch/bafu/fr/home/themes/eaux/publications/publications-eaux/resultats-observatoire-eaux-souterraines-naqua.html

2 voir tableau p.65 de l’étude