Postulat

Des énergies fossiles sont utilisées pour l’extraction des matières premières, pour la fabrication des matériaux de construction (béton, métal), leur transport, puis durant la phase de chantier, notamment pour le gros œuvre. Ces émissions dites « grises » doivent être réduites à zéro au plus tard en 2050 pour respecter le Plan climat du Canton. Il est donc urgent d’agir.

Le béton est, à lui seul, responsable de près de 6% des émissions de CO2 en Suisse. L’extraction des matières premières utilisées pour sa fabrication (calcaire, sable, gravier) détériore des sites naturels et paysager de grande valeur, tel que la colline du Mormont. Même s’il paraît irréaliste de renoncer complètement au béton, il est indispen­sable d’en limiter l’utilisation et d’encourager l’utilisation de matériaux de construction alternatifs, naturels, durables et locaux, tel que le bois, le béton de chanvre ou la terre crue.

Pour ce qui est de l’isolation thermique, Il existe maintenant des matériaux biosourcés très performants, à base de bois, de papier recyclé, de chanvre, lin, laine ou paille. Il s’agit de ressources renouvelables, avec des émissions de gaz à effet de serre très faibles, parfois négatives, facilement recyclables voire compostables. Il n’y a donc plus de raison de recourir aux isolants synthétiques (polystyrène, polyuréthane), fabriqués à base de pétrole, ou aux isolants minéraux très énergivores (laines de roche ou de verre).

De manière générale, il faut inciter à la sobriété énergétique, sur tout le cycle de vie des bâtiments et infrastructures. Nous nous sommes habitués à démolir l’ancien et à con­struire du neuf, en produisant des déchets qui sont ensuite transportés par camion vers des centres de tri et recyclage des déchets de chantier ou dans des décharges aux quatre coins du canton. Pour le climat et l’environnement, il est nécessaire de changer de paradigme, en favorisant la rénovation et la réaffectation. Si une démolition s’impose, il faut réemployer au maximum les éléments et matières constructives, subsidiairement les recycler.

Dans le cadre de la révision de la loi sur l’aménagement du territoire et les constructions (LATC) ou celle du plan directeur cantonal, les cosignataires de ce postulat invitent le Conseil d’Etat à étudier l’opportunité de définir une stratégie pour réduire l’impact écologique et énergétique de la construction, par les mesures suivantes en particulier:

1. Minimiser l’em­preinte environnementale lors des nouvelles constructions, notamment

  • en exigeant des maîtres d’ouvrages un écobilan,
  • en définissant des indicateurs écologiques et/ou des seuils de « budget carbone » en kgCO2/m2 pour les bâti­ments, à la construction voire sur leur cycle de vie (par exemple dans la révision prochaine de la loi sur l’énergie)
  • en intégrant des critères pour réduire l’empreinte carbone ou environnementale dans le cadre des marchés publics (appel d’offres publics, procédure ouverte, sur invitation ou en gré à gré) ou des concours
  • en privilégiant les bâtiments adaptés aux besoins des habitants/­usagers futurs, sans les surdimensionner.

2. Favoriser les rénovations ou transformations plutôt que les démolitions, par exemple en agissant au niveau du plan de gestion des carrières et celui des déchets, ou en définissant des droits à bâtir plus bas que la construction existante dans les zones et quartiers non destinés à une densification, pour inciter à conserver le volume existant.

3. Limiter les excavations et gros œuvre qui sont particulièrement énergivores et se font au détriment de la pleine terre, par exemple

  • en diminuant le nombre de places de parc pour voitures et deux-roues motorisés autorisées par logement,
  • en abrogeant la possibilité de dérogation aux limites pour les constructions souterraines.

4. Prévoir un bonus de droits à bâtir pour les projets de rénovation ou de construction exemplaires, selon des critères à définir.

5. Permettre aux communes d’adopter des règlementations plus exigeantes en faveur de constructions ou rénovations durables.

6. Affirmer l’exemplarité de l’Etat pour ses propres constructions ainsi que celles des entités proches (CHUV, Unil, ECA, etc.), en appliquant des principes de neutralité carbone, notamment :

  • privilégier la rénovation à la démolition et à la reconstruction ;
  • veiller systématiquement au réemploi des matériaux de construction ;
  • mener une politique active en matière de recyclage des déchets de chantier ;
  • favoriser, aussi bien en cas de rénovation que lors de nouvelles constructions, les matériaux naturels, durables et locaux.