Motion

L’actualité soulève des questions légitimes quant au rôle des élus, leurs liens éventuels avec des groupes d’intérêt et les « avantages matériels » dont ils pourraient éventuellement bénéficier dans l’exercice de leurs fonctions. Dans un système politique largement fondé sur le principe de milice et la démocratie de proximité, il importe de faire en sorte que les règles liées à l’acceptation de cadeaux soient établies avec clarté et transparence. Le respect de ces principes est nécessaire afin en particulier d’éviter que la classe politique ne soit soupçonnée de bénéficier de largesses indues. Périodiquement, il est judicieux de consolider la nécessaire transparence sur le bon fonctionnement des institutions.

En cette matière, le flou et la confusion semblent souvent alimenter une certaine forme de méfiance à l’égard de la « classe politique », prenant parfois la forme d’un discours caricatural du type « tous les politiciens sont pourris », qui peut frontalement porter atteinte aux institutions et à la bonne marche de l’Etat. Par ailleurs, il existe un besoin de prévisibilité pour les élus et les membres des autorités eux-mêmes qui doivent pouvoir identifier où se situe la limite entre ce qui est admis et ce qui ne l’est pas.

Le Conseil d’Etat vaudois dispose actuellement de règles en la matière, mais apparemment seulement sous la forme d’une directive (Directive no 50.02 Prévention et gestion des conflits d’intérêts au sein de l’administration cantonale vaudoise – Règles en matière de cadeaux et d’invitations), laquelle s’applique d’ailleurs à toute l’administration cantonale. Ces règles mériteraient d’être précisées et ancrées au niveau légal, afin d’en assurer une transparence complète et en asseoir la légitimité démocratique, , conformément à l’ordre constitutionnel conférant au Grand Conseil un rôle de haute surveillance sur le Conseil d’Etat.

Ces règles pourraient alors aussi d’être actualisées : la référence aux normes pénales est incomplète, l’acceptation d’un avantage au sens de l’article 322sexies du code pénal, entré en vigueur en juillet 2016, n’étant par exemple même pas mentionnée.

Par extension, ce serait aussi l’occasion de préciser selon quelles modalités ces normes s’appliquent au Grand Conseil, qui paraît également soumis à la même Directive 50.02. Rappelons qu’en l’état, il fonctionne aussi sur la base de décisions ad hoc prises par le Bureau, de cas en cas, par exemple pour les tâches de représentation de ses membres.

Paradoxalement, c’est à l’échelon communal que les règles de rang légal applicables paraissent les moins floues. Une révision récente de la loi sur les communes (suite à l’affaire Doriot) a permis notamment l’introduction de l’article 100a :

Art. 100a Interdiction d’accepter ou de solliciter des libéralités ou d’autres avantages

1 Les membres du conseil général ou communal, de la municipalité et de l’administration communale ne doivent ni accepter, ni solliciter, ni se faire promettre des libéralités ou d’autres avantages directement ou indirectement liés à l’exercice de leur fonction, que ce soit pour eux-mêmes ou pour des tiers. Font exception les libéralités ou les avantages usuels et de faible valeur.

Les notions utilisées dans cette base légale ne semble pas suffisamment précises, notamment celle de « libéralité ou d’avantage usuel de faible valeur », qui ne fait l’objet d’aucune définition ou clarification.

Les motionnaires soussignés demandent au Conseil d’Etat d’adopter un projet de loi qui pose un cadre clair et transparent quant aux cadeaux et autres avantages qui peuvent être acceptés par les élus dans l’exercice de leurs fonctions ; les conditions liées à l’acceptation des cadeaux devraient y être précisées au moins dans les grandes lignes.

Le périmètre de la loi à adopter devrait porter non seulement sur le Conseil d’Etat mais également sur le Grand Conseil, avec les nécessaires distinctions entre les deux organes vu la nature différente des prérogatives exercées.

Le périmètre de la réflexion devrait également être étendu aux élus de niveau communal, pour déterminer si l’article 100a LC est suffisante, au moins pour l’échelon exécutif.

Le Conseil d’Etat, en rédigeant le projet de motion, examinera dans quelle mesure il est nécessaire d’inclure dans le périmètre régi par cette nouvelles base légale les collaborateurs de l’administration cantonale, de l’ordre judiciaire, les préfets, les organismes subventionnés, etc.

Raphaël Mahaim