Réflexion publiée dans la rubrique « Opinions » du le 24 Heures du 23 septembre 2024

Une campagne électorale est une immense débauche d’énergie et de temps, quel que soit le résultat. Mais c’est aussi et surtout un moyen unique de rencontrer et d’échanger avec énormément de monde, et donc de mieux saisir les aspirations de la population vaudoise, dans toute sa diversité. Si je devais ne conserver qu’un seul enseignement de la campagne de 2023 pour le Conseil des États, c’est l’attachement profond de notre canton au compromis. Le Vaudois et la Vaudoise n’aiment pas le conflit; c’est dans leur ADN. Rien ne les satisfait davantage que de voir leurs élues et élus trouver ensemble des solutions négociées. Et en observant les affres de la politique spectacle du grand voisin français, on peut dans une large mesure se réjouir de ces gènes politiques. Y en a point comme nous.

Le vent du compromis ne souffle plus sous la Coupole fédérale. Fertig, Schluss. Désormais, à Berne, la majorité impose le plus souvent ses vues, sans états d’âme.
Raphaël Mahaim, Conseiller national

Lorsque je suis en partance pour une session parlementaire à Berne, c’est souvent ce que l’on me souhaite: «De trouver des compromis dans l’intérêt du pays et de sa population.» Belle ambition, à laquelle je souscris immédiatement et consacrerais volontiers toute mon énergie. Sauf que le vent du compromis ne souffle plus sous la Coupole fédérale. Fertig, Schluss. Désormais, à Berne, la majorité impose le plus souvent ses vues, sans états d’âme. Pourquoi chercher le dialogue alors que l’on peut décider tout seul? C’est l’histoire des trois renards et de l’unique poule qui doivent décider à la majorité ce qu’il y aura au dîner. Nul besoin de chercher du compromis très longtemps…

Que notre pays soit gouverné à droite, ce n’est une surprise pour personne. Qu’il devienne un pays où une majorité UDC-PLR impose ses vues sans égard pour les autres avis, c’est autre chose et c’est la direction que semble prendre cette législature 2023-2027. Les exemples sont légion, à commencer par les votations de septembre. Les partenaires sociaux avaient trouvé un bon compromis sur le 2e pilier; il a été torpillé par la majorité au parlement qui a eu les yeux plus gros que le ventre et qui s’est heureusement fait sèchement remettre à l’ordre par la population; pour la biodiversité, un contre-projet négocié avait failli aboutir, mais il a été coulé à la dernière minute par la même majorité, provoquant une votation sur un objet très clivant dans nos campagnes.

Lors de la session parlementaire d’automne, le Conseil national a voté une suppression pure et simple de la contribution à l’agence onusienne pour les réfugiés palestiniens (UNRWA), un déshonneur pour la tradition humanitaire de la Suisse. Alors que le Conseil fédéral annonce aveuglément des coupes budgétaires dans le social et la protection de l’environnement, le parlement ne voit aucun problème à augmenter de 4 milliards (!) l’enveloppe budgétaire de l’armée, en puisant en partie dans les fonds alloués à la coopération au développement et à dépenser 5,3 milliards pour étendre les autoroutes.

Une longue liste

Parlement et Conseil fédéral n’ont aucune vergogne à annoncer publiquement vouloir ignorer l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme sur le climat, bafouant toutes les règles élémentaires de l’État de droit. Dernière en date, le Conseil fédéral annonce la suppression du soutien aux trains de nuit, pourtant ancré dans la loi. La liste serait encore longue…

Fort heureusement, les instruments de démocratie directe permettront de tempérer ces ardeurs de la majorité parlementaire. Mais à quel prix et avec quels dégâts collatéraux? Les vrais tenants du compromis ne sont pas toujours ceux que l’on croit…

Réflexion publiée dans la rubrique « Opinions » du le 24 Heures du 23 septembre 2024