Actes Verts n° 58 – juin 2020

Chères et chers Vert·e·s,

La première déferlante COVID-19 est passée par là. A l’heure où le bilan de l’impact socio-économique de cette crise hors norme est en train d’être réalisé, les appels à une relance humaniste et durable se multiplient. La grande crainte, c’est le retour à « l’anormal ».

Le moment était donc tout trouvé. Mercredi 24 juin, c’est le Conseil d’Etat in corpore qui est venu présenter son premier Plan climat. Une conférence de presse in corporec’est un événement rare pour le gouvernement. Il le fait en général uniquement pour présenter son programme de législature et ses bilans intermédiaires et finaux, afin de mettre en valeur son action collective. C’est dire combien le climat s’impose aujourd’hui comme une priorité politique incontestable. Quel chemin parcouru pour les écologistes ! Mais cela traduit probablement aussi que c’est la dernière qui sonne pour limiter suffisamment la hausse globale des températures et anticiper au mieux les impacts considérables que les bouleversements climatiques ont et auront sur le territoire vaudois et bien au-delà.

Le Plan climat vaudois, c’est à la fois une stratégie et un plan d’action. Une stratégie qui se repose sur 3 axes essentiels : la réduction des gaz à effet de serre (GES) sur le territoire cantonal, l’adaptation des systèmes humains et naturels aux effets et finalement la documentation de l’impact des mesures d’une part et du réchauffement climatique d’autre part.

S’agissant de la réduction, le Plan climat vaudois vise une réduction comprise entre 50 à 60% des émissions de GES par rapport à 1990 et à la neutralité carbone au plus tard en 2050. Entre 1990 et 2020, c’est-à-dire en 30 ans, les émissions de GES ont baissé de quelque 10% dans le canton. En 10 ans, l’ambition est de faire baisser ces dernières de 40 à 50 % supplémentaires. Cela signifie une baisse en moyenne de 3 à 4 % chaque année dès 2020. C’est ambitieux !

Pour l’adaptation et la documentation, s’il n’y a pas d’objectif global, il s’agit avant tout d’identifier les vulnérabilités, de renforcer la résilience, et de se doter d’outils de pilotage, d’indicateurs précis, qui permettent de prendre le pouls.

Mais une stratégie sans mise en œuvre, ce n’est guère plus qu’une coquille vide. C’est pourquoi, tous ces derniers mois, les services ont travaillé dur à présenter un panel de mesures concrètes, plus d’une centaine. Tous les départements sont concernés. L’élaboration de ces mesures ont notamment fait suite à des ateliers auxquels ont pris part la jeunesse qui nous urge à l’action. Cette centaine de mesures ont ensuite été travaillées par l’équipe Plan climat au sein de la DGE pour en renforcer la transversalité, la cohérence de l’ensemble. Un travail qui a permis de dégager essentiellement 7 domaines thématiques et 3 domaines transverses. Ces 7 domaines sont les suivants, dans leur ordre d’importance en matière de réduction : mobilité, énergie, agriculture, aménagement du territoire, milieux et ressources naturels, santé et enfin dangers naturels. A cela, s’ajoutent les domaines transverses et indispensables, que sont le rôle spécifique de l’Etat (comme Etat employeur, propriétaire et partenaire), les conditions cadres (légales, financières, etc.) et l’accompagnement au changement (citoyens, formation, communes, entreprises, etc.).

Ces quelque 100 mesures dites opérationnelles ont donc été regroupées en 30 mesures stratégiques, avec des objectifs assignés, avec des départements porteurs, avec des indicateurs de suivi. Tout ceci constitue cette première génération du Plan climat. Première génération, car cette stratégie a été conçue pour être itérative, évolutive afin de prendre en compte les modifications du cadre normatif international et fédéral dans le domaine, les changements de comportements et des modes de vie, des avancées technologiques, etc.

Pour la mise en œuvre, 173 millions ont d’ores et déjà été réservés dans la planification financière dès maintenant – en sus des efforts déjà consentis – afin de mettre en œuvre très rapidement les mesures qui nécessitent des moyens financiers particuliers. Ils permettront plus spécifiquement de financer le développement et le renforcement de lignes de bus régionales (50 millions), d’accélérer l’assainissement des bâtiments de l’Etat et d’en prévoir des végétalisations (40 millions), d’adapter la gestion de la forêt et l’utilisation de bois en cascade, de mettre en place une stratégie sol ou encore mettre en œuvre le Plan d’action Biodiversité (38 millions), de soutenir les agriculteurs pour le stockage de carbone dans le sol (28 millions), de soutenir la formation comme moteur de changement (7 millions), de renforcer la protection de la population contre les dangers naturels (7 millions) et, pour le surplus, d’engager plusieurs actions dans le domaine de la santé et de l’accompagnement au changement.

Mais cette première impulsion financière permet surtout de lancer une nouvelle dynamique collective et positive. Le changement, soit on l’anticipe et on l’accompagne, soit on le subit. C’est clairement selon cette première posture que le Conseil d’Etat souhaite engager. Le coût de l’inaction est beaucoup, beaucoup plus important que le coût de l’action. C’est certainement une obligation morale et éthique que de préserver les conditions de vie sur notre planète, mais c’est aussi des règles élémentaires de gestion et faire preuve de bonne gouvernance politique.

Pour accompagner la mise en œuvre, une gouvernance a été prévue, avec un pilotage politique renforcé, la création d’une Unité du Plan climat dans mon Secrétariat général et enfin l’engagement d’un-e délégué-e cantonal au Plan climat, à savoir une Madame ou un Monsieur Climat qui pilotera cette Unité et qui portera cette politique au nom du Conseil d’Etat tant à l’interne de l’administration que vers la collectivité.

Cette première génération sera suivie d’autres, cela est certain. Les travaux pour l’élaboration vont débuter cette législature encore. Pour cette deuxième génération, il est prévu de travailler plus intensément encore avec la collectivité et la société civile, d’engager un processus participatif, d’entrainer la population dans un élan commun pour préserver le climat et notre patrimoine naturel, avec humanisme et solidarité. Si l’urgence est évidemment avérée et reconnue, ce n’est qu’en trouvant le plus haut dénominateur commun, qu’en transformant la société de l’intérieur, que nous parviendrons à être à la hauteur des enjeux gigantesques auxquels nous devons répondre, avec responsabilité et de manière pacifique et démocratique.

Béatrice Métraux