Actes Verts n°57 – mars 2020

Est-il possible de parler d’autre chose que de coronavirus alors que la session de printemps a été complètement éclipsée par ce maudit virus ? Comme toute réflexion politique, la réponse est plus compliquée que la question : c’est à la fois impossible et indispensable.

Impossible parce que nous vivons une situation inédite,
confinés, inquiets alors qu’une partie de la population continue à être
mobilisée pour notre santé et notre confort. Parce que nous savons qu’une
partie d’entre nous n’a pas son revenu garanti. Parce que nous savons que le
confinement cela veut aussi dire la fin de traitement médicaux, des violences
domestiques, des enfants en détresse.

Avec mes collègues de la commission de la sécurité sociale et
de la santé publique, nous avons rédigé un paquet de mesures à court et à long
terme pour sortir les conséquences sociales de la crise de l’angle mort du
Conseil fédéral. Les personnes et les familles les plus précaires doivent être
mieux protégées. Si nous réglons la crise sur le dos des plus faibles, nous
devrons alors affronter une crise sociale aussi terrible que la crise sanitaire
lors des prochaines sessions.

Mais parler d’autre chose que du coronavirus est indispensable, parce que notre démocratie à une multitude de projets sur le feu. Aussi parce que nous avons besoin de variété, de changer l’air dans nos têtes. Et cette session de printemps 2020 nous en a donné l’occasion, même raccourcie.

Des vies pour leurs profits

Nous
avons notamment traité du large panel du soutien
suisse aux guerres de ce monde : exportation de matériel de guerre,
exportation de biens pouvant être utilisés à des fins civiles ou militaires
(biens à double usage), exportation de services de sécurité privée,
financement des producteur·trice·s de matériel de guerre. La loi a été changée
pour permettre au Conseil fédéral d’interdire l’exportation de matériel de
télécommunication qui pouvait être utilisé à des fins de répression sur les
populations des pays importateurs. Mais le Conseil national a refusé d’étendre
cette précaution à tous les biens à double usage et ainsi d’empêcher le
Pakistan, la Koweït ou l’Indonésie (les trois meilleurs clients de la Suisse)
d’utiliser des technologies suisses pour réprimer leurs opposants politiques. Le
financement du matériel de guerre, auquel participe chaque année la puissante
place financière suisse à coup de milliards, a été longuement discuté. Au
final, le Conseil national a refusé d’interdire que l’argent de la BNS ou de
nos retraites ne subventionne ces engins de mort, y compris les armes
atomiques, chimiques et biologiques. Nous avons vu la majorité bourgeoise du
Parlement voter deux motions pour changer la loi qui règle les prestations de
sécurité privée à l’étranger (LPSP) afin qu’elle ne concerne plus Pilatus.

Insistons
sur ce dernier point, assez grave : notre Parlement a approuvé la LPSP en
2013, car il croyait en son principe : empêcher d’exporter des services de
sécurité qui sont problématiques pour les objectifs de paix et de neutralité de
la Suisse. Mais maintenant qu’une marque bien connue est frappée d’une
interdiction d’exportation, il n’y a plus de place pour les principes, mais
seulement pour les bénéfices de l’entreprise nidwaldienne. Une « lex
Pilatus » qui s’apparente à de la politique des petit·e·s copain·e·s.

Solidarité envers les chômeuses et chômeurs séniors, mais
avec quelle ambition ?

Les chiffres du SECO sont clairs : trouver un emploi après 50 ans est une chose complexe voire quasi impossible pour beaucoup de Suissesses et Suisses. Face à cette réalité, le Conseil Fédéral a proposé la mise en place d’une “rente-pont” pour permettre aux personnes qui, après 60 ans, arrivent à la fin de leur droit à l’assurance-chômage, de toucher une prestation transitoire jusqu’à l’âge ordinaire de la retraite, à condition qu’elles aient exercé une activité lucrative suffisamment longtemps et qu’elles ne disposent que d’une fortune modeste. Je me suis battue, avec mes collègues Vert·e·s pour que cette rente puisse être touchée dès 57 ans, sans succès. Elle ne pourra l’être qu’à partir de 60 ans. 

Après un jeu de ping-pong entre le Conseil National et le Conseil des Etats, la réforme a été adoptée sur le principe mais pas sur tous les détails, les deux Chambres n’étant pas d’accord sur le plafond des rentes-ponts. La droite propose un montant ridicule, qui ne dépassera quasi pas le montant de l’aide sociale. Il faudra reprendre le dossier à la prochaine session parlementaire, et rapidement, car l’urgence sociale est belle et bien là.

Genre et santé

Durant cette session, j’ai déposé deux objets pour mettre les lunettes de l’égalité à la santé : un postulat demandant rapport sur l’intégration de la perspective de genre dans la mise en œuvre de la politique  » santé 2020  » et sur les mesures relatives pour  » santé 2030 « , ainsi qu’une motion pour intégrer le genre dans la formation et la recherche médicale.

Léonore Porchet