La session de septembre a vu l’aboutissement de la Stratégie énergétique 2050, qui a été largement acceptée par les chambres. Le Conseil fédéral avait lancé cette stratégie peu après Fukushima, en guise de contre-projet à notre initiative pour une sortie programmée du nucléaire.
La Stratégie énergétique ancre tout d’abord dans la loi la décision du Conseil fédéral de ne plus accorder d’autorisation pour de nouvelles centrales nucléaires. Pour rappel, les exploitants envisageaient à l’époque de construire deux nouvelles centrales afin de remplacer nos plus vieux réacteurs. Elle comporte par ailleurs plusieurs mesures permettant d’encourager notre émancipation du nucléaire et des énergies fossiles :

  • Le prélèvement permettant d’alimenter le fond de la RPC (rétribution à prix coûtant des installations d’énergies renouvelables) a été augmenté de 1,5 ct./kWh à 2,3 ct./kWh. Des soutiens directs à l’investissement pourront en outre être octroyés pour les petites installations. Ceci permettra de réduire progressivement la liste des près de 40’000 projets en attente de soutien. La production qu’ils pourront offrir équivaut à celle des deux réacteurs de Beznau.
  • Un compromis a été trouvé pour favoriser la construction de grandes installations d’énergies renouvelables : elles obtiennent désormais le même degré d’importance que la protection du paysage lors de pesées des intérêts.
  • Les moyens issus de la taxe CO2 sur le mazout pouvant être investis dans des soutiens à l’assainissement énergétique des bâtiments passent de 300 millions à 450 millions de francs par année. Des objectifs ont en outre été fixés pour réduire notre consommation d’énergie et d’électricité.
  • Les moyennes d’émissions de CO2 tolérées pour les véhicules ont été réduites afin de les adapter à la réglementation européenne et passeront à 95g de CO2/km dans les cinq ans.

Ces mesures constituent un progrès indéniable et devront être défendues avec fermeté contre le référendum lancé par l’UDC. Cependant, les Verts ont décidé de maintenir leur initiative et la défendront devant le peuple le 27 novembre prochain. En effet, la Stratégie énergétique néglige un volet central de la transition énergétique : la fermeture progressive de notre vieux parc nucléaire. En termes sécuritaires, notre situation est finalement – c’est un paradoxe – plus incertaine aujourd’hui qu’avant Fukushima. Les exploitants envisageaient alors de fermer leurs vieilles centrales, pour des raisons économiques et de sécurité, après 45 à 50 ans d’exploitation, au profit de nouvelles installations nucléaires. La Stratégie énergétique exclut certes la construction de nouvelles centrales, mais elle ne dit pas quand les anciennes doivent être arrêtées. Pire, elle permet leur prolongation indéterminée : nos vielles centrales pourraient fonctionner jusqu’à 60 ans ou plus, une durée de vie qui n’avait jamais été envisagée jusqu’ici. Les centrales nucléaires ont été conçues à l’origine pour durer environ 30 ans. Et la durée de vie moyenne des centrales nucléaires dans le monde est de 25 ans.
C’est pourquoi nous devons tous nous battre, dans les semaines qui viennent, pour que le peuple soutienne notre initiative et comble ainsi la principale lacune de la Stratégie énergétique. Car pour un tournant énergétique crédible, il faut évidemment développer les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique, comme le prévoit la Stratégie énergétique. Mais il faut aussi fermer à temps les vieilles centrales nucléaires, pour des raisons de sécurité et pour des raisons économiques. Nous voulons investir notre argent dans les énergies propres de demain et non dans la prolongation indéfinie d’installations dangereuses et obsolètes.
Adèle Thorens, conseillère nationale