Mais à quoi pourrait bien servir le Fonds cantonal sur la protection de la nature ?

Certes, le Conseil d’Etat s’est déjà engagé, dans son programme de législature, à « Établir et mettre en œuvre un plan d’action en faveur de la biodiversité avec le soutien de la Confédération », encore faut-il qu’il s’en donne les moyens. Car si le canton dispose d’un Fonds pour la protection de la nature (article 37 LPMNS), ce dernier est actuellement insuffisamment doté pour soutenir une politique en faveur de la biodiversité qui soit à la hauteur des défis auxquels nous sommes aujourd’hui confronté·e·s.

La Confédération prévoit des financements pour la mise en œuvre des conventions-programmes conclues avec les cantons. Pour 1CHF investi par le canton, la Confédération en injecte 2. Pourtant, là aussi, le manque de moyens financiers cantonaux empêche aujourd’hui le canton de toucher l’entier de la manne financière de la Confédération. Le Conseil d’Etat l’avouait lui-même dans sa réponse à l’interpellation Evequoz (17_INT_46), en 2018, écrivant n’avoir pas pu « obtenir l’ensemble des subventions fédérales disponibles faute de ressources cantonales suffisantes ».

Au
niveau
local,
trèspeu
de moyens ont été affectés pour soutenir les démarches
entreprises, or les enjeux en matière de biodiversité sont centraux
à cette échelle car les biotopes qui structurent le tissu
territorial permettent de connecter les biotopes d’intérêt
national. Des actions fortes doivent donc être envisagées pour
préserver ce patrimoine naturel, sans quoi de nombreuses espèces
disparaîtront.

Enfin,
faute de moyens financiers suffisants, le Canton doit aussi renoncer
à soutenir certaines actions
menées par les communes, les associations ou les privés
en faveur de la biodiversité. Il conviendrait ainsi d’envisager un
système de financement analogue à celui de la Confédération, qui
permettrait de faire percoler les moyens financiers du Canton à
travers les communes aux citoyens, pour soutenir des actions privées
en faveur de la biodiversité par exemple en milieu bâti.

L’enjeu est de taille pour les villes et les communes. Leur territoire est en mutation et l’ensemble des acteurs doit pouvoir agir pour la biodiversité dans ce cadre. Les toitures végétalisées, espaces verts de qualité, potagers urbains, alignements d’arbres, sont aussi des composantes de l’infrastructure écologique. Leur mise en œuvre dépend le plus souvent du bon vouloir des maîtres d’ouvrages, notamment lorsqu’il n’y a pas de contraintes légales pour l’exiger. Aussi, des incitations financières permettraient de faire le déclic, en particulier dans les secteurs de la construction, de l’immobilier, de l’aménagement d’espaces publics et dans le domaine des actions citoyennes.

L’exemple
du canton de Genève est intéressant. Il s’est doté en 2012
d’une loi sur la biodiversité incitative (LBIO M 5 15) afin
d’encourager la concrétisation de projets sur base d’incitations
financières. Il est désormais de plus en plus courant d’attribuer
un financement lors de la construction d’une nouvelle toiture
végétalisée ou d’un potager urbain, pour autant que ceux-ci
répondent aux enjeux de la biodiversité, améliorent le cadre de
vie et intègrent la participation citoyenne. Petit à petit
l’infrastructure écologique se concrétise avec la coopération
d’acteurs diversifiés, dont les communes sont la pierre
angulaire.

Si
le Fonds cantonal pour la protection de la nature doit être doté de
façon bien plus conséquente, son règlement doit, quant à lui,
être revisité pour aller dans le sens des besoins et enjeux
mentionnés. La motion demande que le décret
qui sera émis par le Conseil d’Etat propose un règlement
d’utilisation du fonds adapté aux nouveaux objectifs fixés.

Séverine Evéquoz et Olivier Epars, députés au Grand Conseil