Vendredi dernier, Béatrice Lovis, historienne de l’art, vice-présidente de la section vaudoise de Patrimoine Suisse, tirait la sonnette d’alarme sur les ondes de la Première, dénonçant une situation devenue à son sens intenable au sein de la section Monuments et sites du Département des finances.
La levée, en décembre dernier, d’un décret de protection d’un terrain à Avenches pour permettre la construction à l’entrée de la ville d’une halle de 20’000 m2, destinée pour l’essentiel à accueillir un centre de logistique d’IKEA, semble avoir été la goutte qui a fait déborder le vase. Comme nous l’apprenait la presse il y a quelques jours, « dans le secteur prévu, on trouve notamment l’ancien mur d’enceinte de la ville, un canal, un port, et plusieurs anciennes routes. D’ailleurs, la voie ferrée prévue pour alimenter la halle doit chevaucher sur quelques mètres un site protégé et donc indestructible: les fondations de l’ancienne muraille » (24 heures du 26.01.2017). On peut dès lors légitiment s’interroger sur les raisons qui ont poussé le Conseil d’Etat à lever le décret.
Cette décision interroge d’autant plus lorsqu’on la met en parallèle avec d’autres affaires de gestion du patrimoine qui ont défrayé la chronique ces deux dernières années.
On s’en souvient : en juillet 2015, le Conseil d’Etat annonçait la mise en vente de 20 cures appartenant au canton. Des cures qui non seulement font partie d’un ensemble patrimonial unique en Suisse, mais qui, à en croire Mme Lovis, auraient été mises en vente sans que des garanties d’entretien suffisantes ne soient exigées des nouveaux propriétaires.
Enfin, quelques mois plus tard, c’est l’ensemble du mobilier du château de Hauteville qui était vendu aux enchères pour un montant de près de 4,5 mio de CHF. La presse relevait alors : « le rêve de faire de Hauteville un musée s’est envolé en même temps que son intérieur, témoin rare (préservé depuis deux cent cinquante ans) de la vie sous l’Ancien Régime » (24 heures du 13.09.2015).
Au vu des éléments qui précèdent, nous nous interrogeons sur la politique du Conseil d’Etat en matière de préservation et de valorisation du patrimoine et sur la pesée des intérêts qui préside à la définition de celle-ci. Plus particulièrement, nous demandons au Conseil d’Etat de bien vouloir répondre aux questions suivantes :
Quelle est la stratégie mise en œuvre par le Conseil d’Etat pour assurer la préservation et la valorisation du patrimoine archéologique et architectural vaudois ?
Quels sont concrètement :
a) les procédures appliquées et,
b) les critères utilisés pour décider de de la conservation, de la valorisation, de l’entretien, de l’achat ou de la vente de biens patrimoniaux (privés ou publics) situés dans le Canton de Vaud?
Comment le Conseil d’Etat gère-il les potentiels conflits d’intérêts, notamment économiques, entre le Service Immeubles, Patrimoine et Logistique (SIPAL), et plus particulièrement sa division Monuments et sites, et les autres Services du Département ?
Comment s’effectue la pesée d’intérêts entre patrimoine financier, d’une part, et patrimoine archéologique et architectural, d’autre part ? Quels moyens le Conseil d’Etat se donne-t-il pour assurer une prise en considération équitable des intérêts (financiers, historiques, etc.) et des besoins des différents services du Département des finances ?
Céline Ehrwein Nihan