
Bilan des démolitions-reconstructions
Intervention
A propos du postulat de Gerber Alexandra et crts – Limiter les démolitions/reconstructions dans les quartiers
Selon une étude récente, 7000 bâtiments sont démolis en Suisse chaque année [1], par rapport à 3’000 à 4’000 les années précédentes. La tendance est donc à la hausse. Or, le bilan environnemental et climatique, mais aussi social, des démolitions/-reconstructions est contestable.
Commençons par l’aspect social. En cas de démolition, les locataires doivent nécessaire ment quitter les lieux. Les nouveaux appartements sont en général loués plus chers. Il est donc très rare que les habitants d’antan puissent revenir [2]. Cela contribue à la gentrification des quartiers.
Passons à l’environnement. Démolir un bâtiment signifie détruire l’énergie grise et transformer les matériaux de construction en déchets. Selon le site officiel du Canton de Vaud [3], les déchets de chantier constituent le flux de matière le plus important du canton, avec 4.5 millions de tonnes par an, dont deux-tiers provenant de l’excavation et un tiers environ de la démolition. Le transport de ces déchets génère des nuisances significatives notamment lors de traversées de localité. Une partie importante des déchets de chantier sont stockés définitivement dans des décharges, ce qui génère également des nuisances et des impacts sur l’environnement. De plus, le volume des décharges est limité et on peine à en créer de nouvelles. A cause de ces impacts sur l’environnement et compte tenu de la finitude des ressources naturelles, le Canton conclue – et je cite – « qu’ un engagement fort dans une voie de réutilisation et de recyclage des matériaux » est nécessaire.
Nous avons déjà pas mal parlé, dans ce plénum, du réemploi et du recyclage. Mais il est encore mieux de réutiliser les bâtiments existants sans les détruire.
Vous connaissez certainement les 5R de « zéro-déchets » : Refuser, Réduire, Réutiliser, Recycler et Rendre à la terre ? Nous pouvons les adapter au domaine de la construction comme suit :
Rénover, c’est refuser de démolir et de reconstruire.
Réutiliser le bâti existant, en le transformant ou avec une extension ou surélévation, c’est réduire la consommation d’énergie et de matériaux.
Vient ensuite le réemploi, où le bâtiment est détruit, mais on réutilise des éléments ou matériaux de construction sans les transformer.
En revanche, le recyclage, qui transforme les matériaux, est beaucoup plus énergivore.
Remplir les décharges vient au dernier poste.
Mais alors, comment s’y prendre ?
Les conclusions du postulat mentionnent trois alternatives :
- Soit l’introduction d’un moratoire pour les démolitions dans certains quartiers, non voués à une densification importante,
- soit l’exigence d’un bilan environnemental
- soit – et je cite « toute autre mesure appropriée ».
En commission, nous avons surtout discuté du moratoire. La majorité de la com–mission a estimé que cet instrument était trop rigide et ne permettait pas de tenir suffisamment compte du cas d’espèce. C’est principalement pour cette raison que le renvoi du postulat a été refusé.
Nous avons peu ou pas discuté des autres instruments proposés par le postulat. Je vais donc essayer de les développer ce soir.
L’exigence d’un bilan environnemental permet d’identifier les situations où il faurait examiner des alternatives à la démolition-reconstruction. On peut utiliser cet instrument pour sensibiliser les architectes et les maîtres d’ouvrage, ou aller plus loin et demander au maître d’ouvrage de justifier la démolition-reconstruction. Il faudrait alors démontrer que, même avec une extension ou surélévation, on ne pourrait pas densifier suffisamment ou que la substance de l’immeuble existant est trop mauvaise pour la garder.
Ensuite, on peut envisager toute une panoplie d’incitations en faveur des rénovations, transformations et surélévations. Voici quelques exemples:
- accompagner les rénovations par des conseils, non seulement pour la rénovation énergétique, mais aussi pour inciter à conserver l’énergie grise
- prévoir des subventions pour le surcoût de la rénovation/transformation par rapport à une démolition/reconstruction
- simplifier les procédures pour les rénovations,/transformations et réduire les délais de délivrance de permis de construire pour ce type d’intervention
- prévoir plus de droits à bâtir pour la transformation/surélévation de bâtiments existants que pour la construction de nouveaux bâtiments
- faciliter les transformations en exigeant que toute nouvelle construction soit modulable et démontable
- attribuer un prix d’architecture annuel pour la meilleure transformation d’un bâtiment existant, avec une exposition des projets soumis., pour donner des idées aux architectes et aux maitres d’ouvrage.
Voici un exemple récent de rénovation et surélévation d’un immeuble situé à l’Avenue Dapples à Lausanne
Le bâtiment des années 1960 a été repensé pour accueillir dix nouveaux appartements. Cette opération « zéro béton » a privilégié l’usage du bois. Le résultat est une intégration architecturale réussie, respectant l’esthétique environnante, tout en répondant aux besoins croissants en logements dans cette zone prisée de Lausanne.
Mon but ici n’est pas de dresser une liste exhaustive de mesures incitatives, mais de vous montrer que les conclusions du postulat laissent une grande marge de manœuvre à la Municipalité et que vous pouvez donc soutenir son renvoi, même si votre groupe est opposé à un moratoire.
Merci pour votre écoute !
[3] https://www.vd.ch/environnement/dechets/dechets-de-chantier
