Postulat

Notre espace public reflète l’image de la société qui le crée. Chaque individu y est en effet confronté, qu’elle ou il le veuille où non, et c’est dans cet espace public que se font la plupart des interactions sociales. Son organisation, de même que les images qu’il renvoie, ont donc une importance particulière dans la mesure où elles nous sont inévitablement imposées. Dans un mouvement inverse, ces images forgent, consciemment ou, surtout, inconsciemment, notre compréhension de l’espace qui nous entoure et donc de notre société.
En l’état, il semble clair que cet espace public est créé par les hommes et pour les hommes… et plus précisément les hommes d’un autre temps. Priorité absolue aux voitures, largeur des trottoirs, mise en avant des infrastructures dites « masculines » ou à utilisation majoritairement masculine, nomenclature des rues, omniprésence des sports masculins, manque de prise de conscience des problématiques telles que le harcèlement de rue dans la réflexion urbanistique, jusqu’aux images sur les panneaux de signalisation (sans parler de la publicité – bien entendu), tout dans l’environnement citadin qui nous est imposé met les hommes en avant et les femmes en retrait (l’effet est donc doublement « efficace »).
Les premiers espaces publics que nous découvrons sont bien évidemment ceux des cours d’école et des places de jeux. Et ceux-ci, la plupart du temps, répondent aux mêmes règles que le domaine public « des grands » : les jeux des garçons (bien souvent le foot) trônent au milieu de la cour d’école, prenant quasiment tout l’espace (quand le ballon n’est pas en plus shooté en-dehors de cet espace central, percutant des « non- participant-e-s »), alors que les éventuelles tables de ping-pong, ou bancs que les filles utilisent plus majoritairement, se retrouvent de côté, bien cachés, où l’on est en plus bien silencieux-se. Une étude comparative effectuée par l’Université de Vienne est arrivée à la conclusion que l’aménagement des préaux joue un rôle important pour favoriser l’égalité dans l’utilisation de leur espace . Dans les places de jeux le déséquilibre entre « jeux de garçons », actifs, qui font du bruit et prennent de la place, et « jeux de filles » bien plus discrets, qu’on met d’autant plus à l’écart, est tout aussi présent. Bien sûr qu’un petit pourcentage de filles vont jouer au football, et de garçons seront à l’écart, mais lorsqu’on regarde l’image d’ensemble le constat est clair : les garçons ont le plus grand espace, mieux placé qui plus est, et font un maximum de bruit, alors que les filles passent inaperçues… et c’est le début d’un mécanisme qui va s’accroître pour devenir une habitude bien incrustée dans nos espaces publics, mais aussi dans nos esprits, dans notre inconscient et dans notre société.
Il est donc temps d’essayer d’équilibrer notre environnement et de le rendre accessible à toutes et tous, dès le plus jeune âge, peu importe son genre ou ses affinités. Des projets pilotes ont été menés à Genève à la satisfaction de tout le monde, élèves filles comme garçons, avec un résultat beaucoup plus égalitaire sur la répartition de la cour d’école .
Le présent postulat demande dès lors à la Municipalité d’examiner l’opportunité de rendre les cours d’école et les places de jeux neutres d’un point de vue de genre, notamment en éliminant les éléments plus « masculins » ou « féminins », ou en ne les plaçant pas au centre de l’espace, et en plaçant des jeux ou des espaces qui s’adressent autant aux filles qu’aux garçons à leur place, afin de favoriser une utilisation égalitaire de ces espaces publics.
Xavier Company