Olivier Thorens

Eaux secours du Léman ! Pour un plan d’action fort contre les déchets plastiques et les mégôts de cigarettes sur les rives du lac.

Postulat

Les déchets plastiques et les mégots de cigarettes sur les rives du lac sont une source de pollution majeure des eaux du Léman, alors qu’il constitue notre principale source d’eau potable. Les mesures actuellement prises par la commune pour contrer cette pollution sont insuffisantes. Ce postulat propose de mettre en oeuvre un plan d’action fort pour éradiquer cette pollution.

La pollution par les plastiques est une problématique de santé humaine et environnementale majeure et croissante, qui touche l’entier du globe, y compris la Suisse et la région Lémanique. Il suffit d’ailleurs de se rendre sur les plages du Léman, fréquentées ou non, à Lausanne et dans les autres communes, pour y observer une quantité alarmante de déchets plastiques, et notamment de mégôts de cigarettes.

Une étude portant sur la pollution du Léman par les plastiques mandatée par l’Association pour la sauvegarde du Léman (ASL) et publiée en janvier 2025[1], évalue à environ 100 tonnes la quantité de plastique arrivant annuellement dans le Léman, dont 75% sous forme de microplastiques et 25% sous forme de macroplastiques. L’étude estime qu’environ 33 tonnes de cette pollution provient des poussières de pneus, 18 tonnes de la peinture de façade pour les bâtiments, 9 tonnes des emballages plastiques à usage unique et environ 8 tonnes des mégôts de cigarettes. Le reste de la pollution vient de diverses sources, dont notamment les granulés des terrains de sport synthétique, de la peinture de routes ou encore de la peinture pour bateau. Une source encore majeure de pollution plastique provient des fibres textiles synthétiques. Une autre étude réalisée par l’ASL de l’Université de Genève a recensé environ 7600 particules de microplastiques par mètre carré sur les plages lémaniques, dont 60% sont des fibres textiles synthétiques[2]. Une interpellation déposée de manière concomitante à ce postulat (intitulée: «Eaux secours du Léman! Quelle pollution du Léman par les microplastiques depuis le bassin versant lausannois?») traite de la pollution arrivant dans le lac par le biais des eaux de ruissellement (qui concerne en particulier celle provenant des poussières des pneus, de la peinture des bâtiments et des routes ainsi que des fibres textiles synthétiques). Le présent postulat est axé sur la pollution arrivant dans le lac depuis les rives.

Concernant les mégots de cigarettes, il convient de rappeler qu’ils sont composés d’acétate de cellulose, une matière plastique qui n’est pas biodégradable, et qu’ils contiennent de nombreux produits chimiques toxiques provenant du tabac à proprement parler, de sa culture (pesticides et engrais), de la fabrication de la cigarette ainsi que de la combustion de cette dernière. Ils libèrent ainsi dans l’environnement environ 4000 substances chimiques (p. ex. arsenic, nicotine, hydrocarbures aromatiques polycycliques et métaux lourds), qui peuvent être très toxiques par exemple pour les organismes aquatiques[3] et polluent une source majeure de notre eau potable lorsqu’ils terminent dans le Léman, avec les risques potentiels que cela comprend pour la santé humaine. De plus, les particules de plastique des mégots, une fois dans l’environnement, se fragmentent en microplastiques entraînant une pollution supplémentaire. Cette réalité semble être ignorée par de nombreuses et nombreux fumeur.euse.s, pensant que les mégots sont inoffensifs.

Concernant la pollution par les déchets plastiques, en particulier les emballages plastiques à usages uniques, elle est particulièrement problématique lorsqu’elle se produit sur les rives du lac puisque elle peut facilement terminer dans le Léman, où les déchets peuvent se fragmenter en microplastiques.

Rappelons ici que les microplastiques se dégradent mal et peuvent persister dans l’environnement pendant des décennies. Ensuite, ils entrent dans la chaîne alimentaire et se retrouvent dans les organismes vivants avec des effets toxiques directs sur ceux-ci (altération du système immunitaire, du système digestif, etc). Si ces organismes vivants (poissons notamment) sont consommés par l’humain, ils l’exposent également à une toxicité. De plus, les microplastiques ont la propriété d’adsorber des particules toxiques exposant les organismes et les humains les ingérants à une toxicité indirecte supplémentaire. Les micro- et nanoplastiques peuvent aussi être inhalés par l’humain, et ainsi entrer dans les poumons, et par là, dans la circulation. Des particules de microplastiques sont maintenant retrouvées dans les liquides biologiques des humains (sang, selles, salive) et leurs effets toxiques (pulmonaire, cardiovasculaire, pro-inflammatoire, cancer) est démontré.[4]

Les actions de sensibilisation et de répression de la ville concernant le littering sont à saluer (poubelles dans les parcs publics, campagnes d’affichages sur l’amende d’ordre, campagne «#LausannePlogging», installation de clous en laitons sur certaines grilles d’eaux-claires avec campagne de sensibilisation, etc). Cependant, elles sont malheureusement encore très insuffisantes, en particulier sur les rives du lac qui est une zone très sensible, comme le démontre la quantité de mégots et d’autres déchets plastiques que l’on y retrouve, à l’instar de la plage publique de Vidy.

La commune pourrait pourtant clairement développer les mesures de sensibilisation, en rappelant par exemple que les mégots de cigarettes ne sont pas biodégradables, ou encore en informant sur les conséquences écologiques de la pollution par les plastiques et les mégots de cigarettes sur notre source d’eau potable et la faune, et pas seulement en brandissant le risque d’amende dû au littering. Elle pourrait également cibler et largement intensifier les mesures de sensibilisation sur les zones les plus à risque de pollution, en particulier les rives du lac, en y associant des mesures répressives lorsque nécessaire. Afin d’évaluer l’effet des mesures prises et de les adapter, un monitorage quantitatif serait nécessaire. La commune pourrait s’associer pour ce travail à des associations oeuvrant dans le domaine de la protection du lac, de la nature ou luttant contre la pollution par les plastiques.

Le présent postulat invite la Municipalité à étudier l’opportunité de:

  • faire un état des lieux de la pollution par les déchets plastiques et les mégots de cigarettes sur les rives de lac de la commune
  • faire un état de lieux des mesures prises à ce jour pour limiter cette pollution en estimant leur efficacité et leurs limites
  • établir et mettre en oeuvre un plan d’action fort et durable pour éradiquer cette pollution
  • monitorer et communiquer publiquement de manière annuelle les résultats des mesures entreprises

[1]    Association pour la Sauvegarde du Léman, 2025 : Léman Plastic Action – Rapport final. Genève, 37pp.

[2]    Alexis Pochelon et al., Pla’stock, étude du stock de plastique sur les plages du Léman, Association pour la Sauvegarde du Léman, août 2024.

[3]    «Matières plastiques dans l’environnement», Rapport du Conseil fédéral donnant suite au postulat en réponse aux postulats 18.3196 Thorens Goumaz du 14.3.2018, 18.3496 Munz du 12.6.2018, 19.3818 Flach du 21.6.2019, 19.4355 Groupe PDC du 27.9.2019, Berne, 2022.

[4]    Osman, A.I., Hosny, M., Eltaweil, A.S. et al. Microplastic sources, formation, toxicity and remediation: a review. Environ Chem Lett 21, 2129–2169 (2023).