
Développement des autoroutes dans l’Ouest lausannois
Comment se positionne Lausanne pour des projets d’un autre temps?
Interpellation
OFROU mène un projet de développement de la capacité autoroutière sur l’Ouest lausannois. Le projet fait l’objet d’un recours déposé récemment par l’ATE et est en difficulté suite à la dénonciation par la commune de Chavannes-près-Renens de la convention établie avec l’OFROU concernant la jonction touchant son territoire. Des « Assises de la mobilité » de l’Ouest lausannois menée par le canton sont prévues à l’automne. Ces projets impactant la commune de Lausanne et vu le contexte précité, l’interpellation vise à clarifier les enjeux pour notre commune ainsi que la position de la Municipalité.
Projet autoroutier Ouest lausannois («goulet d’étranglement de Crissier»)
L’Office fédéral des routes (OFROU) mène un projet de décongestionnement du trafic automobile de l’Ouest lausannois. Ce projet s’intègre à l’origine dans la vision globale de l’État de Vaud du réseau routier de cette région élaborée en 2007 dans le cadre du Projet d’Agglomération Lausanne-Morges (PALM). Le but étant selon l’OFROU d’augmenter la capacité de l’autoroute entre Ecublens et Villars-Ste-Croix en supprimant le «goulet d’étranglement de Crissier». Le projet comprend l’élargissement de l’autoroute entre les échangeurs de Villars-Ste-Croix et d’Ecublens, l’aménagement de nouvelles bretelles, la création des nouvelles jonctions de Chavannes et d’Ecublens et un complément à la jonction de Lausanne-Malley se trouvant sur le territoire lausannois (réalisation d’une bretelle d’entrée sur l’autoroute en provenance de St-Sulpice et en direction de Genève).[1]
Le projet mis à l’enquête par l’OFROU en 2018 a fait l’objet de 236 oppositions (propriétaires, associations, communes de l’ouest lausannois). Celles-ci ont été levées par le Département fédéral de l’environnement, des transports, de l’énergie et de la communication (DETEC) fin janvier 2025 suite à quoi la section vaudoise de l’Association transports & environnement (ATE Vaud) a fait recours en raison du trafic induit attendu par le projet, des nuisances importantes pour la santé et l’environnement qu’il générerait et des coûts faramineux qu’il engendrerait, mais aussi en raison de l’absence de coordination avec le projet de nouvelle jonction autoroutière de la Blécherette, projet semblant cependant acté.
Aussi, suite à l’opposition par la commune de Chavannes-près-Renens au projet mis à l’enquête par l’OFROU concernant les aménagements la concernant directement, une convention avait été adoptée en juin 2021 par les différentes parties en jeu (Stratégie de développement de l’Ouest lausannois (SDOL), la commune de Chavannes, le Canton et l’OFROU) avec une solution qui devait faire l’objet d’une mise à l’enquête complémentaire. La commune de Chavannes a cependant décidé en janvier 2025 de dénoncer cette convention en avançant plusieurs raisons: coûts deux fois plus élevés que prévus initialement, nécessité de créer une nouvelle route à 50km/h, majoration du trafic dans la commune de manière disproportionnée par rapport à l’augmentation du nombre d’habitants.[2]
Suite à cela, les rapports entre les communes de l’Ouest lausannois ainsi qu’avec le canton et la confédération se sont tendus. En particulier en raison du risque de faire porter à la commune d’Ecublens une augmentation très importante de la charge en trafic puisqu’elle verrait seule l’apparition d’une nouvelle jonction. Dans ce contexte, le canton a prévu des «Assises de la mobilité» de l’Ouest lausannois, dont la tenue qui était prévue ce printemps a été repoussée à l’automne vu la complexité des enjeux.
Tronçon autoroutier A1a (tronçon Crisser-la Maladière)
Le tronçon autoroutier de l’A1a (reliant Crissier à la Maladière) est un vestige des infrastructures construites pour l’Exposition nationale de 1964. Ce tronçon avait été pensé à l’origine pour permettre un contournement au sud de la commune de Lausanne, reliant l’Ouest lausannois à l’autoroute A9 débutant à Lutry. L’A1a créé une véritable barrière entre le nord et le sud du tronçon autoroutier du point de vue urbanistique et entrave un développement d’une mobilité fluide et adaptée aux enjeux urbains et environnementaux actuels en plus d’occasionner des nuisances majeures à la populations riveraines en terme de pollution de l’air et sonore. Dans sa réponse datant de juin 2020 à l’interpellation de David Raedler questionnant sur le potentiel de requalification de l’A1a, la Municipalité se dit en faveur d’une telle requalification et synthétise les résultats d’études d’ingénieur datant de 2016 (portant sur la mobilité, l’insertion urbaine et paysagère, la faisabilité technique et financière) qui confirme l’opportunité et le potentiel d’un tel projet pour le développement du secteur tout en permettant de mieux le désenclaver. Lors du traitement de l’interpellation en plénum en avril 2022, le conseil communal a adopté la résolution de Valéry Beaud demandant que «la Municipalité fasse tout son possible, en coordination avec les instances supérieures, pour requalifier dans les meilleurs délais le tronçon autoroutier entre la jonction de Malley et la Maladière». Dans sa réponse à la résolution, la Municipalité confirme les «importantes potentialités urbanistiques et bénéfices environnementaux» mais rappelle que «le Canton a estimé que […] le projet ne pourrait être réalisé qu’à l’horizon du prochain PDCn». Le nouveau Plan Directeur Cantonal (PDCn) prévu d’être soumis au Grand Conseil pour adoption à la fin de la législature 2022-2027. On relèvera aussi que le Plan directeur communal (PDCom) adopté en 2022 par notre Conseil identifie l’enjeux autour de l’A1a et propose d’étudier son potentiel de requalification. Dans ce contexte, on ne peut que s’étonner que la version 2025 du PALM ne fasse aucune mention de ce projet.
Conséquences en terme de trafic sur la commune de Lausanne
Le projet autoroutier de l’OFROU sur l’Ouest lausannois et le possible abandon de la jonction autoroutière de Chavannes vont impacter de manière certaine la commune de Lausanne. Le risque est grand de voir un trafic induit nuire à la mobilité dans notre commune, en particulier en impactant les transports publics et les mobilités actives, mais aussi de freiner le report modal vers des mobilités durables, ainsi que de provoquer des nuisances environnementales supplémentaires (pollution sonore, de l’air, de l’eau notamment par les microplastiques provenant de l’abrasion des pneus de voiture).
Aussi, la réalisation d’une bretelle d’entrée sur l’autoroute en provenance de St-Sulpice et en direction de Genève interroge puisqu’elle implique une emprise importante sur le territoire du projet d’écoquartier des Près-de-Vidy avec toutes les nuisances que cela induirait, en plus de ne pas avoir de sens dans la perspective d’une requalification de l’A1a. Le risque de voir une bretelle autoroutière construite avec une désaffectation peu après est grand.
Des projets autoroutiers d’un autre temps
La responsabilité démesurée du trafic motorisé au changement climatique, mais aussi aux nuisances environnementales (pollution de l’air, pollution sonore, pollution par les microplastiques, etc) ainsi que les répercussions négatives des infrastructures développées pour ce trafic motorisé sur l’urbanisme et la qualité de vie en milieu urbain imposent un changement de paradigme en matière de mobilité. Les mesures permettant de réduire le trafic motorisé sont notamment d’améliorer les transports en commun et les garder à des prix abordables, développer le télétravail et les horaires cadencés, ou encore densifier de manière intelligente les centres urbains pour permettre à qui le souhaite d’habiter plus près de son lieu de travail et favoriser les mobilités actives.
L’OFROU estime que le trafic motorisé dans le secteur de Crissier devrait augmenter de 30% entre 2014 et 2030. Cependant les chiffres actuels montrent que la circulation du nœud autoroutier de l’Ouest lausannois tend à stagner depuis dix ans malgré l’augmentation de la population.[3] Or il est démontré que la création de nouveau tronçons routiers sur un réseau congestionné provoque un trafic induit. Si ces tronçons peuvent initialement permettre de fluidifier le trafic, l’effet est transitoire et l’augmentation des capacités routières appelle du trafic supplémentaire.[4]
Les projets autoroutiers de l’Ouest lausannois semblent dès lors d’un autre temps et complètement inadaptés à l’évolution que nécessite la mobilité aux regards des enjeux environnementaux et urbanistiques actuels. De plus, les ressources financières (1,2 millards de francs pour le projet autoroutier de l’Ouest lausannois, plus de 100 millions de francs pour la jonction de Chavannes), mais aussi humaines mises dans ces projets ne le sont pas dans des projets adaptés à la mobilité de demain. La disparition de surfaces d’assolements pour la création de route est un problème supplémentaire. La population suisse et en particulier lausannoise semblent avoir bien compris ces enjeux puisqu’en novembre 2024 elle a rejeté en votation populaire le projet fédéral d’élargissement autoroutier (rejet à 58,6% dans le Canton de Vaud et 72,9% dans la commune de Lausanne).
Vu les évolutions concernant les projets autoroutiers concernant le grand Lausanne, cette interpellation vise à clarifier la position de la Municipalité, notamment dans la perspective des «Assises pour la mobilité» de l’Ouest lausannois prévues à l’automne.
Nous posons les questions suivantes à la municipalité:
1. Quels sont les contacts que la Municipalité entretient avec les communes de l’Ouest lausannois, le Canton et la Confédération concernant le projet autoroutier de l’Ouest lausannois, en particulier depuis la dénonciation de la convention concernant le projet de jonction de Chavannes-près-Renens par cette dernière commune? La Municipalité participera-elle aux «Assises pour la mobilité» de l’Ouest lausannois prévues à l’automne 2025 ?
2. De manière générale, comment la Municipalité se positionne-elle aujourd’hui par rapport aux projets autoroutiers de l’Ouest lausannois et du Nord lausannois?
3. Comment la Municipalité évalue-elle les répercussions des projets autoroutiers de l’Ouest lausannois sur la commune en terme (i) de trafic, (ii) de nuisances environnementales (pollution sonore, pollution de l’air, pollution des eaux par les résidus de pneus de voiture), (iii) et urbanistique ?
4. Comment la Municipalité se positionne-elle vis-à-vis du retrait de la commune de Chavannes de la convention sur le projet de jonction autoroutière concernant cette commune? Et comment évalue-t-elle les répercussions sur la commune de Lausanne d’un possible abandon du projet de la jonction de Chavannes en terme de (i) de trafic, (ii) de nuisances environnementales (pollution sonore, pollution de l’air, pollution des eaux par les résidus de pneus de voiture), (iii) et urbanistique?
5. La Municipalité partage-elle la crainte qu’un trafic induit apparaisse et se répercute sur la commune de Lausanne en lien avec ces projets autoroutiers?
6. La planification routière actuelle, dont découle le projet autoroutier, se fait sur la base du modèle de mobilité «par poche». La Municipalité estime-elle que ce modèle est toujours le plus adéquat pour répondre aux enjeux de mobilité actuelle ou estime-elle que d’autres modèles seraient plus intéressants ?
7. Depuis sa réponse à la résolution de Valéry Beaud demandant que « la Municipalité fasse tout son possible, en coordination avec les instances supérieures, pour requalifier dans les meilleurs délais le tronçon autoroutier entre la jonction de Malley et la Maladière », comment la Municipalité a-t-elle oeuvré pour ce projet?
8. Sous l’angle financier, une éventualité concernant la requalification du tronçon A1a consisterait à en faire une route nationale de troisième classe, à l’image de ce qui a été fait notamment pour la Sihlhochstrasse à Zürich. Est-ce que la Municipalité a intégré cette possibilité dans ses échanges avec le Canton ou la Confédération ?
9. Comment la Municipalité explique-t-elle que le projet de requalification de tronçon autoroutier de l’A1a ne figure pas dans la version 2025 du PALM? La Municipalité peut-elle assurer qu’elle va oeuvrer pour que cet élément y figure lors de la prochaine version du PALM?
10. La Municipalité n’estime-elle pas que le projet de réalisation d’une bretelle d’entrée sur l’autoroute en provenance de St-Sulpice et en direction de Genève (i) empiètera sur le territoire du futur écoquartier des Près-de-Vidy, (ii) provoquera des nuisances environnementales touchant la population riveraine, (iii) est en contradiction avec le projet de requalification de l’A1a ?
11. Quels coûts financiers directs ou indirects la Municipalité estime-elle devoir supporter en lien avec les aménagements autoroutiers de l’Ouest et du Nord lausannois?
[1] https://a1-goulet-crissier.ofrou.ch/decouvrir-le-projet-1 – consulté le 21 juin 2025
[2] 24 Heures, 16 février 2025
[3] 24 Heures, 19 mai 2025
[4]«Induced traffic: yet again a worryingly overlooked dimension in crucial road planning and appraisal policy» commentaire du 19 juin 2023 in TAPAS.network : https://tapas.network/35/hopkinsongoodwin.php
