
Allons vers le fini et pas au-delà
Réflexion sur l’initiative pour la responsabilité environnementale
Le 9 février nous voterons sur l’initiative des Jeunes Vert·exs pour la responsabilité environnementale, qui demande que l’économie suisse respecte les limites planétaires dans les 10 ans. De ces neuf limites planétaires conceptualisées à partir de 2009 par une communauté internationale de scientifiques, dont principalement Johan Rockström, Katherine Richardson et Will Steffen, les initiant·e·s en retiennent six : le changement climatique, la biodiversité, la consommation d’eau, l’utilisation des sols et les pertes d’azote et de phosphore. Notre pays a déjà dépassé quatre de ces limites. Concrètement, l’économie suisse ne devrait pas consommer plus de ressources, ni émettre plus de pollution que la Terre ne peut régénérer sur une année, proportionnellement à sa population. En tenant compte des impacts en Suisse et à l’étranger, puisque deux tiers de l’empreinte écologique de notre pays se font à l’étranger.
Nous l’avons encore vu ce mois de janvier avec des méga-feu en Californie en plein hiver et au mois de novembre dans la région de Valence qui a été sinistrée par des inondations dantesques. L’année passée, nous étions touchés directement en Suisse avec les inondations dans les Alpes et l’évacuation forcée du village de Brienz, dans les Grisons, en raison du risque d’effondrement d’un pan de montagne à cause d’infiltrations d’eau. Cette suite de catastrophes qui sont causées ou aggravées par le réchauffement climatique ces dernières années nous rappelle qu’il est urgent de se mettre à respecter les limites que la terre nous impose.
Notre mode de vie, qui implique toujours plus de consommation et notre économie qui recherche le profit à n’importe quel prix imposent une croissance quantitative infinie, ce qui est impossible dans un monde avec des ressources naturelles limitées. Ce système économique exploite autant les gens que l’environnement pour continuer à fonctionner et il a été démontré que le bien-être dans les pays occidentaux n’a pas augmenté, malgré – ou à cause – une consommation et une économie croissante.
Notre qualité de vie est d’ores et déjà impactée et ça ne va qu’empirer si rien n’est fait. De plus, les ressources que nous surconsommons maintenant et la dégradation de l’environnement hypothèquent l’avenir des générations futures. Et finalement, c’est aussi une question de justice environnementale. Les pays qui subissent et subiront le plus les conséquences désastreuses de notre destruction de l’environnement sont ceux qui contribuent proportionnellement le moins à celle-ci.
On peut faire la même observation pour les différences de niveau de vie interne aux pays. Les riches ont un impact bien plus important. Selon Oxfam, les 10% les plus riches sont responsables de plus de 50% des émissions de CO2.
Pour arrêter la course vers l’abîme et assurer un avenir dans lequel tout le monde peut mener une vie agréable, il est urgent d’amorcer un changement fondamental de l’économie. Le statu quo n’est pas une option. Il ne suffira pas de découpler les dégâts faits à l’environnement de la croissance, car les effets de rebond annuleraient les progrès réalisés. Il faudra donc modifier les fondements du système pour que la croissance économique ne soit plus une condition préalable à la prospérité et au progrès.
Il faut que les entreprises assument leurs responsabilités en respectant des critères écologiques et sociaux stricts et en payant pour les dommages qu’elles ont causés. La prospérité ne doit plus bénéficier qu’à une minorité.
La Suisse pourrait gagner beaucoup en mettant en œuvre cette initiative. Cela permettrait de protéger la vie des êtres humains et la nature en diminuant la pollution, assurant ainsi un environnement préservé et des aliments sains.
Cela améliorerait aussi la qualité de vie en diminuant le stress, car le profit à tout prix ne serait plus le seul horizon des entreprises. De plus, l’économie deviendrait plus durable et résiliente. Et une grande quantité d’emplois durables seraient créés grâce à la transition écologique.
Le texte de l’initiative stipule explicitement que la mise en œuvre doit être socialement responsable à l’étranger comme en Suisse. Cela veut dire qu’un mode de vie respectueux de l’environnement devrait être accessible à toutes et tous en Suisse comme à l’étranger.
En plus, nous ferions preuve de solidarité et de responsabilité en protégeant les pays moins privilégiés que nous.
Enfin, la Suisse deviendrait un modèle dans le monde et son impact n’est pas négligeable en raison de l’importance de sa place financière et du négoce des matières premières.
De nombreuses personnes ont peur que l’économie suisse soit détruite et que le pays s’appauvrisse si l’initiative est acceptée, mais une étude publiée dans la revue Nature estime que les coûts de l’inaction représentent jusqu’à six fois ceux des mesures de protection de l’environnement. De plus, il ne s’agit pas de tout jeter à la poubelle, mais d’amorcer une transition vers d’autres modèles économiques qui ont fait leurs preuves.
63% des personnes en Suisse sont favorables à réduire l’impact du pays sur l’environnement, mais une part équivalente à peur de perdre son confort de vie. Pourtant transformer l’économie apporterait plus de qualité de vie et le bien-être ne dépend pas de pouvoir consommer à outrance, mais de la qualité des relations sociales et du sens que nous trouvons dans nos activités, ainsi que de pouvoir bénéficier d’une santé physique et psychique grâce à la préservation de l’environnement et à un mode de vie plus apaisé avec la fin de la course au profit à tout prix.
Les opposants qualifient cette initiative d’utopiste, mais n’est-ce pas imaginer que nous puissions indéfiniment dépasser les limites que la Terre nous impose physiquement qui est irréaliste? Il est plus que jamais nécessaire de nous mobiliser pour la responsabilité environnementale. Et, en reprenant le bon mot des Jeunes Vert·exs VD en clin d’œil à la culture pop, allons vers le fini et pas au-delà!
