Mesdames, Messieurs,

Remise par voie électronique  ce dimanche 2024, la présente prise de position est recevable en la forme. Le délai de la consultation échoit le 27 octobre, soit un dimanche. En application de l’art. 19 al. 2 de la Loi vaudoise sur la procédure administrative, lorsqu’un délai échoit un dimanche, son échéance est reportée au jour ouvrable suivant.

La possibilité de consulter le dossier par voie numérique est appréciable et nous remercions l’Agglomération Rivelac de mettre à disposition cet outil.

Constat évident à l’examen des zones d’activités de la Riviera: le tout-à-l’automobile est omniprésent, avec pour conséquence une pratique extrêmement dangereuse de la mobilité active (MA), et par là des transports en commun (TC) -lorsqu’ils existent- fort peu incitatifs. On est très loin des objectifs de diminution de la part modale du transport individuel motorisé (TIM) ressortant du plan climat vaudois, ainsi que de la mise sur pied d’égalité des modes de transport exigée par la mesure A23 plan directeur cantonal (PDCn).

En bonne logique et en présence de dérèglement climatique, il conviendrait d’arrêter de foncer dans le mur. Or la SRGZA postule de ne rien changer, d’accélerer le mouvement et de poursuivre un demi-siècle de laisser-faire. Pour notre part, une telle politique est insoutenable.

Il ressort du droit de l’aménagement du teritoire une forme de hiérarchie dans le contenu d’un plan directeur. Ce dernier, pris globalement, en constitue le sommet, et ses plans sectoriels en forment les étages inférieurs.

Or la présente stratégie s’inscrit à rebours du bon sens.

Il n’y a pas de plan directeur intercommunal (PDI) dûment approuvé. Non seulement le processus de validation de celui-ci ne débutera que courant 2025 (cf Consultation publique PA5 Rivelac), mais la partie stratégique d’un tel plan dans un périmètre compact d’agglomération doit être adoptée par les conseils communaux des communes concernées. Vaste programme, pas près d’être achevé.

Il résulte de cette pratique incorrecte un grave déficit politique, fondé sur l’art. 20 al. 3 LATC.

Dès l’origine de la politique fédérale d’agglomération, la participation de la société civile constitue un critère important d’attribution de co-financement. De plus, la présente stratégie fait partie d’un projet de PDI lié au PA5 Rivelac. Le droit fédéral et cantonal de l’aménagement du territoire impose également la participation de la population à l’élaboration des plans. Or la procédure citée en titre n’a fait l’objet d’aucune démarche participative.

Il résulte de cette pratique incorrecte un grave déficit démocratique, fondé sur l’art. 4 al. 2 LAT et l’art. 2 LATC.

Nous sommes stupéfaits que les leçons de l’échec du projet d’agglomération de 2011 n’aient pas été retenues. Ceci d’autant plus qu’aucun projet n’a été déposé lors des 1ère, 3e et 4e générations, malgré un besoin régional plus qu’évident en matière d’infrastructures pour une mobilité durable. Rappelons ici que plusieurs interpellations dans les conseils communaux sont restées lettres mortes.

En matière d’aménagement du territoire, nous considérons que l’échelle de la région est plus pertinente que celle des communes. A ce titre, la volonté de travailler sur un projet d’agglomération est à saluer.

Mais, contrairement à la finitude de la planète, la région ne s’arrête pas aux frontières des communes qui la composent. Deux oublis significatifs ne plaident pas en faveur de la présente stratégie. En premier lieu, il s’agit de la métropole lémanique, dont il est question depuis les années 1990 à travers les travaux de l’Institut de Recherches sur l’Environnement Construit (IREC-EPFL). La thématique du trafic pendulaire, qu’il soit professionnel ou de loisir, en constitue un espace de réflexion particulièrement approprié. En second lieu, le contexte international Vaud-Chablais-France voisine est totalement occulté. Deux modes de déplacement sont ignorés alors qu’ils constituent des alternatives durables, contemporaines et efficientes aux déplacements pendulaires du TIM: les lignes internationales de bateau avec arrêts à Vevey et Montreux, ainsi que la réhabilitation de la ligne de train Sud-Léman.

Parmi les outils indispensables de l’aménagement du territoire figurent les données de base. A cet égard, on aurait souhaité un diagnostic du fonctionnement des zones industrielles: relation entre la surface de territoire dévolue et emploi, qualification et origine-destination des emplois, recettes fiscales communales, etc. Le dossier en consultation est muet en la matière, et nous le regrettons.

Pour notre part, nous avons compilé les planifications en vigueur, et exhumé ceci dans le Plan directeur communal de l’ancienne commune de Saint-Légier – La Chiésaz:

… zone industrielle, où les entreprises sont caractérisées par une certaine hétérogénéité quant aux activités (garages, dépôt et vente de meubles, serrurerie, bureaux, …) et au nombre de postes de travail qu’elles offrent (plutôt peu créatrices d’emplois, sauf exception). Ces tendances se poursuivent.

Le dossier en consultation évoque un risque de gel des zones d’activité, mais aucune explication n’est proposée sur la nature de ce risque ainsi que sur sa provenance.

Il manque aussi une étude de cas permettant d’expliquer les raisons de la tertiarisation des zones d’activité existantes. Avec le choix de sites hors de la zone à bâtir, ou en zone d’activités, pour l’implantation d’une improbable maison de la sécurité, nous avons le sentiment que les corporations publiques concernées n’ont toujours pas pour objectif de viser un aménagement cohérent du territoire.

Autre défaut majeur de la stratégie proposée: avec pour seul objectif la croissance économique, le développement durable est entièrement occulté. Les thématiques environnementale et sociale sont véritablement laissées de côté. Nous en voulons pour preuve que l’orientation imposée en zone d’activités de secteurs tels que La Veyre-Derrey, Pré-au-Blanc, En Ferreyres, En Milavy, La Forestallaz (commune de Blonay – Saint-Légier, frappée de surdimensionnement de sa zone à bâtir), actuellement compris dans une vaste coulée verte intercommunale, ne respecte pas un demi-siècle d’objectif de sauvegarde des valeurs paysagères. Depuis l’arrêté fédéral instituant des mesures urgentes en matière d’aménagement du territoire (AFU) édicté en 1972 par le Conseil fédéral, ayant précédé la mise en vigueur de la première LAT en 1979, jusqu’au plan directeur régional (PDRég), les législateurs communaux ont systématiquement confirmé l’importance d’un ruban de verdure de part et d’autre de l’autoroute, en complément des inventaires paysagers. Le fait que quatre des secteurs évoqués soient actuellement colloqués en zone agricole et en zone intermédiaire, donc inconstructibles, ne fait qu’agraver les faiblesses de la SRGZA.

A cet égard, des alternatives existent dans les secteur voisins, ont fait l’objet de réflexions ponctuelles via des crédits d’étude, mais les résultats sont toujours inconnus du public. A cette volonté de ne pas ouvrir le débat s’ajoutent nombre d’incohérences significatives: terrains de football en zone industrielle, faux P+R en zone agricole, parking en zone de verdure inconstructible, etc.

Cette vision d’une croissance à tout prix relève davantage de la profession de foi que d’une réponse fondée aux besoins de l’économie. A titre d’exemple, l’affectation du Pré-au-Blanc en zone d’activité, accompagnée de 1300 places de stationnement, n’a été obtenue que par un arrêt du Tribunal fédéral en 2001. Avant d’en arriver là, les services de l’Etat avaient imposé contre son gré à la commune une zone réservée lors de la procédure d’approbation en 1983 du PGA. Puis ce secteur a été inclu dans la politique cantonale des pôles de développement (PPDE) lors de sa mise en place en 1996. Un quart de siècle plus tard, la plus grande parcelle de la Riviera disponible en zone d’activité est toujours inoccupée… Nous ne pouvons que constater l’échec des corporations publiques dans leur pratique de l’aménagement du territoire.

La dotation en places de stationnement est un instrument particulièrement utile pour influencer le transfert modal du TIM vers des modes plus respectueux de l’environnement. A cet égard, desservi par une ligne de chemin de fer avec une halte à 200 m, le site du Pré-au-Blanc ne saurait trouver une nouvelle affectation sans lui assigner une localisation comprise entre A et B selon la norme VSS. Notre point de vue rejoint ici la position de la DGTL dans son examen préalable du 30.01 2024. Par souci de cohérence, cette desserte devrait ‘être identique pour le PA La Veyre-Derrey, compris dans le même  site du secteur stratégique. A cet égard, nous considérons comme inacceptable le principe selon lequel des exceptions ponctuelles aux critères de qualité de desserte TC A et B pourraient être faites à La Veyre-Derrey, comme cela ressort de la détermnination cantonale rendue le 11 septembre 2024 par la DGTL. Existe-t-il une relation de cause à effet selon que la détermination du canton soit exprimée avant ou après le dépôt de recours à la CDAP?

La thématique des plans de mobilité, de site et d’entreprise, n’est pas traitée avec toute l’attention requise. Nous rappelons que cet outil fait l’objet de la mesure A25 du PDCn. Le coût du stationnement doit impérativement être coordonné à l’échelle régionale, et le principe pour un employeur d’offrir une place de parc à chaque employé n’est définitivement plus d’actualité.

De manière générale, nous constatons que les accès aux sites pour les vélos sont aujourd’hui quasi inexistants, et, lorsque qu’ils existent, il sont réduits à un minimalisme extrême. Ils ne sont pas continus, non reliés à un réseau, et se révèlent ainsi non incitatifs. Sur l’ensemble des voiries ou une grande majorité de celles-ci, et afin de stimuler l’usage de la mobilité douce, il devrait y avoir une séparation nette entre la circulation des voitures et des cycles au moyen de pistes cyclables, les carrefours devraient être sécurisés, les stations de vélos en libre-service démultipliées. A n’en pas douter, les auteurs de la SRGZA n’ont pas pris connaissance de la loi fédérale sur les voies cyclables, entrée en vigueur le 1er janvier 2023, et n’ont pas cherché à appliquer la loi fédérale sur les chemins pour piétons et les chemins de randonnée pédestre..

Les données statistiques nous apprennent que les valeurs-limite en termes de pollution sont dépassées depuis longtemps. Mais aucune étude chiffrée ne permet de s’assurer du respect de la Loi sur la protection de l’environnement (LPE). En particulier, cette lacune ne permet pas de mesurer les atteintes réelles du projet sur l’espace urbain, que cela soit en termes de pollution atmosphérique ou de bruit (art. 7 LPE). En l’état, la SRGZA telle qu’envisagée ne permet pas de garantir le respect de l’art. 11 LPE. 

De plus, nous constatons qu’en termes de pollution de l’air et en particulier en ce qui concerne la pollution annuelle moyenne en PM2,5, les normes OPair ne sont probablement pas respectées (art 14. LPE). Cela justifie l’adoption de mesures limitatives plus sévères (art. 11 al. 3 LPE). Il en découle qu’un plan de mesures doit être adopté (art. 44a LPE) avant toute extension ou modification des zones d’activité.

Parmi les graves lacunes de la stratégie figurent des éléments dont l’impact sur la réalisation des aménagements indispensables à venir est déterminant. Quelle planification des aires de croisement pour permettre d’améliorer les cadences du chemin de fer MVR? des couloirs-bus sur les routes saturées?  des pistes cyclables en site propre?

Quelles procédures d’acquisition des terrains nécessaires, d’expropriation?

Dans quels budgets d’investissement et d’exploitation les montants nécessaires sont-ils inscrits? Aux niveaux institutionnels communal, cantonal, fédéral?

Nous n’avons trouvé aucune réponse à ces questions.

Enfin, compte tenu de l’impact socio-économique d’une telle multinationale, nous ne comprenons pas que le « plateau tertiare Nestlé » n’ai pas été traité.

Deux sites méritent quelques remarques supplémentaires spécifiques

Villeneuve

La ligne de bus VMCV 210 des centre commerciaux doit être revue et corrigée afin de devenir attractive. Compte tenu qu’elle dessert, outre les commerces, des destinations de loisirs, de sports et des établissements puiblics, il est impératif qu’elle couvre l’intégralité des heures d’ouverture de ces destinations (au minimum 22h00), ainsi que les sept jours de la semaine. La cadence de deux bus par heure est insuffisante, et de nombreuses corrspondances aux grandes lignes de train en gare de Villeneuve sont dissuasives. En outre, les arrêts doivent impérativement être équipés d’abris et de bancs.

Quant à la halle de loisirs Fun Planet, il est indispensable qu’elle soit desservie en TC.

ZI Chailly-Montreux

Nos remarques générales en matière de dangers omniprésents pour la MA s’appliquent évidemment à l’entier du système routier d’accès à l’autoroute.

Quant l’arrêt de bus Chailly-Montreux, Rottaz, il est éloquent du mépris du service public affiché par les corporations en charge de cette prestation: les usagers doivent monter et descendre du véhicule depuis un talus herbeux en pente. Comme à Villeneuve, les arrêts doivent impérativement être équipés d’abris et de bancs; de plus, la cadence doit être augmentée afin de devenir attractive.

Conclusion

En l’état, nous ne pouvons pas entrer en matière sur la présente stratégie. Il en ira différemment lorsque la planification directrice, régionale et communale, sera mise en place selon les directives classiques de l’aménagement du territoire, les plans climat en vigueur, accompagnée des procédures participatives de la société civile et d’une pratique transparente de la pesée des intérêts en présence. L’une des grandes communes de la Riviera y est parvenue, on ne comprend pas pourquoi d’autres rechignent devant l’obstacle.

C’est pourquoi notre détermination a valeur d’opposition à la SRGZA, qui représente un retour en arrière par rapport aux lignes directrices de 2002 du PDCn et des objectifs environnementaux pertinents du PDRég.

Au plan formel, le décalage dans le temps de la présente procédure et de celle en cours relative au PA5 a pour conséquence que notre prise de position n’a pas pu être étudiée sous l’angle du nouveau dossier. Ce dernier fera l’objet d’une nouvelle détermination à venir.

Au nom de la section « Riviera – Pays-d’Enhaut » des Vert·e·s, le président,

Didier Raboud

Vevey, le 27 octobre 2024