Rapport du Conseiller municipal vert, directeur des SiL, pour l’Assemblée générale 2021

Ce dernier rapport annuel à l’intention des Vert·e·s lausannois·es me permettra d’élargir la perspective temporelle – et de souhaiter à Xavier Company, mon successeur à la tête des les Services industriels, de prendre cette responsabilité avec la passion que requiert une politique énergétique communale marquée d’une forte empreinte verte.

L’année exceptionnelle que nous avons vécue permet de juger de ce qui a été mis en place tout au long des décennies précédentes, et de le faire à l’aune de ce qui importe véritablement, en termes de solidarité sociale, de protection durable de l’environnement, de solidité de l’économie, de compétence des instances étatiques en charge des politiques publiques. 

Dès le mois de mars, l’année 2020, ainsi que le premier semestre 2021, ont été marqués par l’irruption et les effets de la pandémie, ses effets sur les personnes, les collectivités publiques, les entreprises. La société tout entière à été mise à l’épreuve. Ni Lausanne ni les Services industriels n’ont échappé à ce cataclysme. Les optimistes espéraient voir se desserrer l’étau des contraintes sanitaires après quelques mois (certains après quelques semaines déjà). Or, après un semblant de répit en été 2020, 2021 les a vues se prolonger, et pour de bonnes raisons, tant les indicateurs épidémiologiques ont mis de temps à se redresser. On a redécouvert la nécessité d’un secteur public fort, stable et généreux – et qui doit donc disposer les moyens de cette stabilité et de cette générosité, que ce soit dans le domaine sanitaire ou dans celui de l’appui au monde du travail, de l’économie, de la formation. La fin de la pandémie, on le constate jour après jour, variant après variant, est une cible mouvante, d’autant que les décisions se doivent d’intégrer le principe de précaution, et qu’il n’est pas possible de relâcher les efforts tant que l’immunité collective n’a pas progressé – ou tant que la société ne s’est pas donné les moyens de réguler ce qui prend de plus en plus les traits de l’endémie.

Dans ces circonstances où l’accomplissement des missions et les conditions de travail se sont compliquées, il a très peu été question du secteur énergétique, et à peine plus des infrastructures permettant la circulation de l’information. Cette invisibilité est une manifestation éclatante de leur efficacité. Sans énergie et sans réseaux de télécommunication, le travail à distance n’aurait pas été possible – pas plus que les moments de distraction que le semi-confinement a contribuer à virtualiser et à «domestiquer». Or, personne à Lausanne n’a manqué d’électricité, de chaleur, d’eau ni de connexion multimédia, personne n’a eu à souffrir de pannes et d’interruptions de ces services essentiels. Les Services industriels ont irréprochablement et sans triomphalisme assuré la continuité de la fourniture de ces prestations, si décisives pour une vie en commun chamboulée par la crise sanitaire. Ils ont aussi participé au soutien des ménages et des entreprises pénalisés par la crise, en accordant rabais et délais de paiement.

Pendant ce temps, des dossiers importants ont avancé. Le Tribunal fédéral rend ses premières décisions de principe sur les projets de parcs éoliens, ce qui laisse augurer un sort favorable au parc lausannois, dont on ne dira jamais assez qu’il a l’aval des organisations de protection de l’environnement. Un projet de géothermie profonde à Lavey a lui aussi franchi des étapes importantes, et il va être possible de procéder aux premiers forages en 2021 et en 2022. Le contracting thermique aux Plaines-du-Loup suit son cours, difficile tant les intérêts en jeu sont complexes à composer, mais d’une importance énergétique cruciale pour une ville. Et surtout le plan climat lausannois, avec un volet énergétique ambitieux (en particulier dans le domaine du chauffage à distance) a enfin reçu l’aval d’un Conseil communal particulièrement sourcilleux sur des questions techniques complexes, alors que ses membres les plus éloquents ne sont pas nécessairement des experts très rigoureux. La coordination de ces dossiers a été accompagnée de l’élaboration et de la révision de la stratégie des Services industriels, désormais réorganisés et dont les chefs de service forment un collectif qui, sous l’égide du directeur et de la Municipalité, est en mesure de coordonner efficacement les missions au long cours et les grands projets de direction.

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Les trois législatures que j’ai passées à la tête des Services industriels de Lausanne ont vu la mise en œuvre de modifications législatives et économiques très importantes, avec l’entrée en vigueur de nouvelles dispositions sur les télécoms et sur l’électricité, avec les prémisses de l’ouverture du marché du gaz et la recomposition des stratégies thermiques lausannoises, validées par l’évolution de la stratégie fédérale 2050. La question de la sécurité de l’approvisionnement en énergie ne cesse de prendre de l’importance et figure au sommet de l’agenda fédéral. Surtout, et enfin d’un point de vue vert, l’interdépendance entre énergie et climat apparaît éclatante, sans possibilité de contestation climato-sceptique.

Ce qui est alarmant, encore et toujours, c’est le choc des temporalités : ce que l’on appelle l’urgence climatique est le résultat d’un système économique et politique extraordinairement inerte et dynamique à la fois, qui a relégué les questions environnementales au second plan depuis des siècles. Pour assurer la survie et la prospérité de l’humanité, la correction des déséquilibres environnementaux nécessiterait des décisions fortes prises sans délai, même si elles ne déploieraient leurs effets que très progressivement et presque imperceptiblement, à l’échelle des prochaines décennies.

Le conditionnel est de mise, hélas: pour l’instant, ces décisions ne sont pas prises. Même quand les plus puissants des gouvernements invoquent un «Green new deal», ce qui devrait en faire partie intégrante continue à passer sous le joug de négociations mesquines et de préoccupations électorales à court-terme, se heurtant ainsi à d’inconcevables résistances. Les gesticulations diplomatiques, l’étalage de bonnes intentions étatiques et internationales non suivies d’effet, perdurent, et avec elles les issues «perdant-perdant»

Quinze ans de travail dans des conseils d’administration, m’ont montré à l’envi qu’il est difficile, et parfois acrobatique, d’allier les intérêts des entreprises, des actionnaires, et des fameuses «parties prenantes». Quinze ans de participation directe ou indirecte à l’élaboration de textes de lois, ont illustré comment la protection des intérêts sectoriels (si estimables et légitimes soient-ils parfois) prend régulièrement le pas sur une vision globale et à long terme. Ce n’est que très progressivement – et sans doute trop lentement – que les jurisprudences commencent à reconnaître la responsabilité des générations passées et présentes à l’égard des générations futures. A cet égard, quelques nouvelles récentes font un peu de bien: ainsi de la possibilité d’invoquer l’état de nécessité dans lequel se trouvent de jeunes manifestants; ainsi aussi, et surtout, de l’invocation réussie, en Allemagne, d’impératifs constitutionnels pour justifier des exigences accrues en matière de politique énergétique et climatique. Il reste à espérer que ces avancées modifieront effectivement le poids accordé à la durabilité de notre système planétaire. Pour l’instant hélas, ce ne sont tout au plus que des signes avant-coureurs.  

Découvrir dans ses moindres détails le monde de l’énergie et du multimédia, le représenter auprès des lausannoises et des lausannois, auprès d’une municipalité presque toujours attentive et irrévocablement solidaire, auprès d’un Conseil communal parfois préoccupé des vrais problèmes qui se posent à la collectivité et et parfois disposé à écouter les gens de métier, auprès des nombreuses sociétés de droit privé dont la Ville est actionnaire directe ou indirecte, cela a été un défi fascinant. D’autres diront si je l’ai relevé ou non. En tout cas, j’ai, semaine après semaine, été passionné par l’ensemble des problèmes que doit traiter un exécutif communal. Et j’ai tenté de ne gaspiller aucune minute de mon temps à la direction des Services industriels. En accordant une part peut-être trop restreinte à la médiatisation de mes actions – en tout cas en comparaison avec la frénésie municipale à communiquer parfois sur des sujets anodins – j’ai voulu faire avancer une multiplicité de dossiers, de l’exploitation experte des réseaux à la conduite de grands projets au très long cours, de la représentation des intérêts verts et lausannois dans des entités externes à la Ville à la gestion des ressources humaines et à la réorganisation des entités qui composent les Services industriels. Leurs 600 collaboratrices et (surtout) collaborateurs sont dans leur immense majorité dévoués et compétents, fidèles à leur employeur Ville. Elles et ils ont été partie prenante de la réorganisation de la direction, et veulent concrétiser une stratégie à laquelle elles et ils adhèrent.

Je souhaite bon vent – oui, l’énergie éolienne fait partie de la solution… – à cette magnifique entreprise publique, à toutes celles et à tous ceux qui m’ont aidé à la maintenir et à la faire progresser, et à Xavier Company, qui hérite de dossiers passionnants et complexes, mais aussi des meilleurs outils et des bonnes personnes pour l’accompagner.

Jean-Yves Pidoux