L’hommage de Léonore Porchet, présidente des Verts lausannois, à Daniel Brélaz à l’occasion de son départ de la municipalité de Lausanne.

Je suis née l’année où Daniel Brélaz a été élu à la Municipalité de Lausanne. Daniel a installé ses fameux panneaux solaires à la place Chauderon en 1991. Je n’en étais qu’à balbutier mes premiers mots. Vous aurez compris le paradoxe auquel je fais face aujourd’hui: manquant de recul historique, je ne suis pas la meilleure personne pour témoigner de l’impressionnante carrière de Daniel, alors même que je n’ai pas connu ma ville autrement que sous son influence.
Ce que j’aimerais donc partager aujourd’hui avec vous, en tant que présidente des Verts lausannois, ce ne sont pas des anecdotes vertes que je n’ai pas vécues, mais je souhaite plutôt témoigner de l’immense reconnaissance que toute la génération des jeunes écologistes, à Lausanne comme ailleurs dans le pays, peut avoir pour Daniel Brélaz.
Il le raconte très bien lui-même : il passait pour un rêveur loufoque lorsqu’à ses débuts déjà, il tressait des louanges à l’énergie solaire. Peu à peu, à l’aide de ses savants calculs, de sa finesse stratégique et de son incroyable force de travail, à l’aide aussi, il faut bien le dire, de son style qu’on peut qualifier avec euphémisme de peu souple, il a participé activement à mettre la défense de notre environnement à l’agenda politique et à faire entendre la voix des écologistes ; à tel point qu’aujourd’hui tout le monde ou presque prétend s’en préoccuper.
Pardonnez-moi cette comparaison pas très écolo : mais tel le brise-glace, Daniel a ainsi frayé, de toute son énergie, une voie dans la banquise de la politique pour toutes celles et ceux qui se préoccupent de notre environnement, de nos ressources vitales, qui souhaitent donner une voix à celles et ceux qui n’en ont pas. Aujourd’hui, nous pouvons monter aux créneaux pour défendre ces valeurs vertes et c’est en partie parce que Daniel Brélaz a consacré sa vie à son parti et à sa ville.
Nous sommes donc nombreux à Lausanne à faire partie de la « génération Brélaz », pas seulement par notre âge, mais surtout parce que notre engagement, nos opportunités, l’écoute qu’on a de nos valeurs vertes, comme pour tant d’autres écologistes en Suisse, ne seraient pas ce qu’ils sont aujourd’hui sans notre « Géant vert ».
D’ailleurs, lorsqu’à 24 ans, j’arrivais à la présidence des Verts lausannois, une des remarques les plus fréquentes que j’ai entendues face à mon jeune âge, est « mais alors, t’es la cheffe de Brélaz ? ». C’est dire s’il fait figure d’étalon de mesure. Par contre, penser que je puisse être « la cheffe » de Daniel Brélaz, c’est assurément mal connaître les Verts, mais c’est surtout mal connaître Daniel Brélaz… même si une de mes fiertés politiques est de réussir à présider nos assemblées sans être trop interrompue par notre syndic.
C’est d’autant plus vrai que Daniel est d’une fidélité remarquable et met un point d’honneur à participer avec assiduité à la vie de notre parti. Son agenda se divisant désormais par deux, il est fort probable que je sois chargée encore quelques temps de rappeler qu’il y a une liste de paroles à notre désormais «seulement» conseiller national. Il puisera dans sa mémoire qui semble illimitée des exemples et anecdotes datant d’avant la naissance d’une partie de notre jeune base militante et, en vrai ordinateur vivant, il fera des calculs pour prouver que si on change d’une virgule le projet discuté, on le retardera d’au moins 10 ans et que cela coûtera au moins des millions !
Daniel Brélaz n’a en effet pas le sens de la mesure. Cela a souvent été présenté comme un défaut. Je pense au contraire que lorsqu’on porte un projet comme la métamorphose de Lausanne, le sens vaudois de la mesure est un frein. C’est aussi vrai lorsqu’on s’attaque à l’inaction publique face à la destruction de notre environnement, aujourd’hui comme dans les années 70.
Les catastrophes climatiques et environnementales qui s’annoncent font partie des plus grandes menaces auxquelles notre civilisation doit aujourd’hui faire face. Chacun doit en prendre conscience et faire sa part. Et comme dirait Daniel, même si certains ne sont pas d’accord, «c’est la Vérité» ! L’héritage qu’il laisse permet aux Lausannoises et aux Lausannois d’être fiers d’une ville qui joue son rôle en la matière. C’est donc avec émotion que les Verts lausannois rendent aujourd’hui hommage à ce Municipal hors normes, qui remet les clés d’une ville courageuse et responsable. Daniel Brélaz est notre fondateur, un de nos moteurs les plus engagés. C’est donc un immense bravo et un gigantesque merci pour tout ce qu’il a fait et aussi tout ce qu’il fera encore pour les Verts que nous lui adressons aujourd’hui. Il est une de ces figures tutélaires qu’il est difficile de dépasser et dont on ne se passe pas sans difficulté… Une page se tourne pour notre parti, comme pour notre ville.
Mais Daniel transmet le flambeau à une relève dynamique, soucieuse de faire de Lausanne une ville plus verte encore. Son travail immense a donné une place dans l’arène à toute une génération d’écologistes décomplexés, aux valeurs assumées et à la langue bien pendue, décidés à poursuivre cet engagement local. Les nouveaux élu-e-s assermenté-e-s mardi en sont la preuve !
Cette année, les Jeunes Vert-e-s vaudois-e-s ont d’ailleurs élu un nouveau bureau. Leur nouveau co-président, Oleg Gafner, est un jeune Lausannois de 14 ans. J’ai le double de son âge (comme quoi on est toujours le vieux de quelqu’un), et, qui sait, s’il peut un jour prétendre aux plus hautes sphères du pays, ce sera aussi grâce au travail que Daniel Brélaz a fait ici à Lausanne.
Léonore Porchet, présidente des Verts lausannois