Postulat

Pendant le confinement de mars à mai 2020, nous avons pu expérimenter une Ville plus tranquille, avec moins de pollution, paisible, où il faisait bon vivre, se promener, respirer un air plus propre et dormir d’un sommeil récupérateur. Une ville dans laquelle les enfants pouvaient jouer plus sereinement dehors et où les cyclistes, plus nombreux, couraient moins de risques.
Un équilibre avait été retrouvé entre les espaces occupés par les voitures, les vélos et les piétons, le trafic automobile ayant été drastiquement réduit. Les citoyennes et citoyens ont été séduits par la beauté de cette ville apaisée, des rencontres facilitées même avec la distanciation sociale, de pouvoir occuper pour des jeux les places de parc inoccupées, de pouvoir profiter des espaces généreux laissés vides par l’absence de voitures.
Puis le déconfinement nous a fait revenir à la dure réalité.
Nous avons beaucoup parlé de santé ces derniers mois, or les effets de la pollution et des particules fines sur la santé sont non seulement indéniables, mais largement sous-estimés. En effet, on estime que 24’000 personnes meurent chaque jour dans le monde à cause de l’exposition à la pollution atmosphérique ambiante et domestique, ce qui en fait le plus grand risque pour la santé environnementale au monde. En Suisse, ce chiffre se monte à 3000 par an.
A ce sujet, il convient de relever ce qui constitue une iniquité douloureuse : les personnes qui font le plus d’efforts pour réduire leur empreinte et contribuer à une ville plus saine (piétons et cyclistes) sont aussi les plus pénalisées : en effet elles respirent davantage de particules fines et sont plus exposées au risque de maladies pulmonaires, selon une étude publiée récemment.
La Ville de Lausanne s’est engagée à une neutralité carbone avant 2030. Or, la voiture est la plus grande contributrice du pire secteur : les transports, représentant près de 40% de l’énergie utilisée et du CO2 émis en Suisse. Par ailleurs, ce moyen de transport contribue aussi au dépassement d’autre limites planétaires comme la biodiversité (pollution, destruction d’habitat, climat), acidification des océans, aérosols (PM 2.5, 80% de la population mondiale urbaine affectée) et le transport des espèces invasives. On sait aussi que la stratégie fédérale pour en limiter les impacts est encore entachée des failles déplorables.
A l’échelon lausannois, des mesures éparses, non permanentes (pour le moment) et pas encore à la hauteur de la crise climatique sans précédent à laquelle nous faisons face ont été proposées. Il s’agit maintenant de passer à la vitesse supérieure et de proposer un avenir désirable, durable et sain à nos concitoyennes et concitoyens : un avenir débarrassé des voitures individuelles.
Nous faisons donc nôtres les propos de Grégoire Gonin : « La voiture n’a plus sa place dans la cité surpeuplée d’une Terre qui brûle, sinon au cabinet-garage des curiosités. En 2020, l’individualisme automobile relève de l’égoïsme. »
Dans le cadre du plan climat que nous attendons, on peut s’attendre à ce que la Municipalité planifie une réduction draconienne du trafic automobile privé en Ville de Lausanne, au profit d’un essor de la mobilité douce. Les infrastructures cyclables connaissent actuellement une expansion notable que nous saluons, non seulement à la faveur de mesures urgentes prise en lien avec la crise sanitaire, mais aussi grâce à un certain nombre de préavis adoptés ces dernières années et une stratégie volontariste en cours de déploiement.
Ce postulat se focalise dès lors sur la piétonnisation, que nous entendons complémentaire au réseau cyclable, et non antagoniste. Nous parlons donc de piétonnisation faisant place à la mobilité douce dans toutes ses composantes.
Ce postulat demande à la Municipalité d’étudier l’opportunité d’établir une stratégie de piétonnisation de l’ensemble de la partie urbaine de la Ville de Lausanne. Il s’agira donc d’établir : 

  • le périmètre précis de piétonnisation, avec pour objectif de couvrir à terme l’entier de la partie urbaine de Lausanne,
  • une délimitation des quartiers ou des rues passant progressivement en zones piétonnes,
  • des critères permettant de déterminer le nombre de places de parc pour voitures en surfaces qui sont maintenues pour les usages essentiels (services d’urgence évidemment, mais aussi plus prosaïquement les livraisons, les professionnels nécessitant un véhicule, les personnes handicapées et les proches aidants, et d’autres à définir) tenant compte des spécificités locales,
  • les modalités de cohabitation et complémentarité avec le réseau cyclable,
  • une politique de conversion des surfaces libérées tenant compte des impératifs climatiques (notamment la lutte contre les îlots de chaleur),
  • les modalités d’accès aux grands parkings et une politique de reconversion de ces parkings,
  • un calendrier pour la réalisation progressive de cette piétonnisation, en tenant compte de la crise climatique en cours et de l’urgence proclamée par le Conseil communal,
  • une analyse des répercussions de cette stratégie sur le PDCom et le PACom, qu’il s’agira éventuellement de modifier en conséquence.

Vincent Rossi, Sara Gnoni, Xavier Company