Statues dans l’espace public : faire intervenir des artistes pour faire coexister les mémoires et les présences
Postulat
Si on souhaite assumer la totalité de l’histoire, alors il est nécessaire d’en rendre compte dans l’espace public en faisant coexister les mémoires et les présences. Un certain nombre de statues dans l’espace public et dans les rues de Lausanne sont en effet à questionner. Cela était d’ailleurs relevé par le Conseiller communal Monsieur Vincent Brayer à l’occasion d’une interpellation ordinaire déposée le 6 novembre 2018 [1].
Statues certes allégoriques mais néanmoins explicites de corps de femmes, ou de figures masculines célébrées malgré l’évidente ambiguïté dont elles sont porteuses. Pour les nommer, il s’agit notamment de deux statues de Milo Martin, d’une statue d’Antonin Mercié et de deux statues par Pierre Blanc. [2]
Dans sa réponse du 23 avril 2020, la Municipalité reconnaissait le problème en ajoutant que « ce constat, qui n’est pas propre à Lausanne, reflète une approche patriarcale de notre rapport à l’histoire qui oublie presque systématiquement le rôle joué par les femmes pour ne retenir que des figures masculines. Les figures féminines dans l’espace public se limitent donc à des représentations figuratives, nues ou largement dévêtues », constat que nous partageons. Au-delà de la politique de parité mise en avant par la Municipalité, force est de constater que ces statues continuent d’habiter nos espaces publics et donc nos imaginaires et qu’à défaut d’avoir été déboulonnées lors de manifestations, elles forgent par leur simple présence nos représentations du monde.
Nous relevons également l’absence d’artistes racisé.e.x.s et/ou d’artistes dont le travail questionne les représentations historiques et nationalistes et introduit une diversité de présences (pour les nommer, qui ne soient pas exclusivement blanches, hétérosexuelles-cis et valides). Nous souhaitons conserver l’élan et l’énergie de mobilisations sociales telles que Black Lives Matter, #metoo et les manifestations féministes, d’envergure sans précédent sur nous tou.x.te.s,, pour les incarner dans l’espace public.
Sur le même modèle, la Ville de Neuchâtel vient d’ailleurs de lancer un appel à projet pour des œuvres qui entreraient en dialogue avec le monument De Pury [3].
Eu égard aux éléments qui précédent, nous demandons donc à la Municipalité – au-delà de son engagement à poursuivre les rapports de parité pour les nouvelles œuvres dans l’espace public – de bien vouloir étudier les instruments à mettre en place afin de :
- Faire intervenir des artistes auprès des statues (historiques) mentionnées dans l’espace public pour faire coexister les mémoires et les présences
- A cette fin, déléguer à un.e.x spécialiste la création d’un répertoire qui recense les statues pouvant faire l’objet d’une intervention.
- Mettre par exemple en place une réunion d’acteur.ice.x.s communaux.ales (service de la culture, de l’égalité et de l’intégration) afin de gérer l’appel à projet et de mettre en place les critères de celui-ci, notamment en mandatant un jury d’expert.e.x.s sensible aux questions d’intersectionalité.
[1] Voir : « Les sculptures en ville de Lausanne incarnent-elles une vision patriarcale de la société ? » mais aussi indirectement par la Conseillère communale Mme Muriel Chenaux Mesnier dans un postulat déposé le 22 mars dernier concernant plus généralement la visibilité des femmes dans l’espace public, voir : « Pour un environnement urbain égalitaire, donnons une meilleure visibilité aux femmes illustres lausannoises dans notre espace public. »
[2] Avenue du Théâtre 4 et baigneuse du Parc de Mon-Repos ; Représentant Guillaume Tell, Esplanade de Montbenon, Allée Ernest-Ansermet 2. ; Nu féminin représentant L’Eté, au Parc de Mon-Repos Nord de la Villa ; Monument du Général Guisan à Ouchy Lausanne. ; Il s’agit d’une liste non-exhaustive, sans doute à étendre de façon plus systématique et au sein de laquelle nous remarquons non seulement que les femmes ne portent pas de nom mais qu’elles sont en plus représentées nues et sont exclusivement représentées par des hommes, tout comme une large majorité des œuvres dans l’espace public lausannois comme en atteste le guide « Art en ville » édité par la Ville en 2019 et disponible en ligne .Voir : https://www.lausanne.ch/portrait/culture/art-en-ville/guides/guide-art-en-ville.html
Olivia Fahmy
Conseillère communaleAvec Sima Dakkus Rassoul, Anne Berguerand, Ilias Panchard, Maurane Vouga, Eric Bettens, Oleg Gafner