Interpellation

Depuis deux ou trois ans, des sociétés de plateforme comme Smood, Uber Eats ou eat.ch, auxquels s’ajoutent les livreurs « classiques » de pizzas ou de spécialités de différentes régions du monde, se livrent une concurrence exacerbée pour la livraison de plats de nombreux restaurants « partenaires » aux consommatrices et consommateurs dans les quatre coins de la ville. Il s’agit souvent – mais pas exclusivement – de restaurants faisant partie de chaînes ou franchises de « fast food ». Ces sociétés font livrer – par des privés roulant en voiture, à moto ou à vélo – des plats commandés en ligne.
La croissance de cette tendance semble suivre une courbe exponentielle, tout particulièrement dans le contexte de la crise liée au Covid-19 et la fermeture temporaire des restaurants aux clients « physiques ». Et il est fort à parier que la tendance des commandes de plats en ligne va se renforcer encore davantage ces prochaines années.
Dès lors, de nombreuses questions se posent par exemple en termes de concurrence avec les restaurateurs « traditionnels », de conditions de travail précaires pour les livreurs occasionnels, de commissions excessives aux dépens des restauratrices et restaurateurs ainsi que des travailleuses et travailleurs1, de déchets supplémentaires, de congestion du centre-ville, de pollution engendrée par les déplacements en voiture et à moto (air et bruit) ou encore d’utilisation des infrastructures publiques par les livreuses et livreurs à vélo, soit en transports publics pour remonter la pente, soit par des vélos en libre-service ainsi utilisés professionnellement.
Il est vrai aussi que ces livreuses et livreurs en nombre croissant – parfois encore avec un permis d’élève-conducteur – roulent souvent de façon rapide, voire même agressive, ce qui pose des questions de sécurité routière. Ces personnes respectent souvent assez peu les règles en vigueur concernant le stationnement et certains roulent régulièrement dans les zones piétonnes, par exemple pour rejoindre plus facilement le restaurant pour lequel elles ou ils livrent.
Au vu de ce qui précède, nous posons les questions suivantes à la Municipalité :

  1. La Municipalité partage-t-elle l’avis que le développement exponentiel des livraisons de plats à domicile en ville pose problème ?
  2. Estime-t-elle nécessaire de réglementer davantage les services proposés par ces sociétés de livraison de plats ? Si oui, dans quel domaine, et avec quelle marge de manœuvre pour la ville ?
  3. La Municipalité dispose-t-elle de chiffres permettant d’identifier l’importance économique que représentent ces services, la part des restaurants et « fast-foods » y faisant appel, ainsi que la concurrence que cela peut créer pour des restaurants ne faisant pas appel à ces services ?
  4. La police municipale procède-t-elle à des actions spécifiques pour s’assurer du respect des dispositions de circulation routière par les livreuses et livreurs, notamment par rapport à leur vitesse, aux dépassements dangereux, au fait que ces personnes roulent en zone piétonne ou par rapport au stationnement ?
  5.  La Municipalité est-elle en contact direct avec ces sociétés de plateforme pour exiger de leur part une sensibilisation de leurs collaboratrices et collaborateurs occasionnels à la conduite correcte dans le trafic routier ?
  6. La Municipalité dispose-t-elle de moyens lui permettant d’éviter une utilisation professionnelle dans ce cadre des vélos en libre-service ? Si oui, lesquels ?
  7. La Municipalité estime-t-elle que ces sociétés de plateforme devraient contribuer davantage aux coûts liées à la gestion des déchets ?
  8. Quels sont les moyens mis en place par la ville pour s’assurer que les conditions de travail des livreuses et livreurs occasionnels soient dignes et conformes au droit du travail (notamment en termes sanitaires) ?
  9. Quelle est la marge de manœuvre de la ville pour imposer une commission maximale que ces sociétés de plateforme encaissent ?

Daniel Dubas, David Raedler, Karine Roch, Anne Berguerand, Sima Dakkus, Ilias Panchard
1 La ville de New York City vient par exemple d’imposer un maximum de 15% de commission pour les sociétés de plateforme, montant qui peut aujourd’hui monter jusqu’à 30% dans certains cas.