Interpellation
Quand une société de vente de systèmes de sécurité jette l’alarme dans la population et entretient un sentiment d’insécurité.

La plupart d’entre nous avons reçu dans nos boîtes aux lettres un courrier non affranchi d’une société de vente de matériel de sécurité, Dialarme pour ne pas la citer. La lettre avait tout l’air d’un tout-ménage puisque mes voisins d’immeuble en ont aussi reçu une. La presse elle-même a fait écho des démarches de colportage par ladite entreprise. Dialarme indiquait en effet, dans sa lettre : « nous fournissons et installons gratuitement des équipements complets de sécurité dans vos logements ». Elle affirmait en outre qu’elle était « leader dans le domaine de la sécurité des biens et des personnes ». Elle alertait les habitants de « l’augmentation des cambriolages et des dégradations de biens ces derniers mois » dans notre commune. Je me suis posé la question de savoir comment ladite société s’est introduite dans l’immeuble alors qu’il est équipé d’un « digicode ». Sur l’enveloppe figurait quatre chiffres qui laissent penser que ladite société dispose d’un système permettant de vérifier les personnes démarchées.
Devant des informations aussi fallacieuses qu’alarmantes, je me suis donc résolu de partager le cas avec l’autorité cantonale pour que cette dernière entreprenne toute mesure administrative ou pénale utile. Que nenni ! L’autorité cantonale m’a répondu que Dialarme n’était pas une entreprise de sécurité au titre de la loi sur les entreprises de sécurité et du concordat romand, mais une entreprise de démarchage, au titre de la loi fédérale sur le commerce itinérant ! L’autorité fédérale compétente pour agir était par conséquent le Secrétariat d’état à l’économie, le SECO.
Sur ces entrefaites, j’ai dénoncé le cas devant l’organe de surveillance : le SECO. Mais je suis un peu déçu par sa réponse. Certes, le SECO reconnaît que la société Dialarme agit de manière déloyale et illicite en donnant des indications inexactes ou fallacieuses et en usant de méthodes de vente particulièrement agressives. Il accorde même qu’au titre de la loi sur la concurrence déloyale, le SECO « peut intenter une action civile ou déposer une plainte pénale s’il le juge nécessaire à la protection de l’intérêt public, notamment si les intérêts de plusieurs personnes, les intérêts d’un groupe de personnes appartenant à un secteur économique ou d’autres intérêts collectifs sont menacés ou subissent une atteinte ». Alors que je m’attendais à une dénonciation auprès du Ministère public, il n’annonce qu’un avertissement : « de s’engager, par écrit, …, à ne plus enfreindre la loi sur la concurrence déloyale par les indications inexactes et fallacieuses susmentionnées ou par des méthodes de vente agressives ». Le SECO ne dit rien non plus sur le fait de jeter l’alarme dans la population et de distiller le sentiment d’insécurité par son annonce fallacieuse selon laquelle la ville de Lausanne aurait connu ces derniers temps une recrudescence des infractions contre le patrimoine.
Dès lors, je me permets de poser les questions suivantes à la Municipalité :
1. La Municipalité peut-elle se renseigner auprès de la société pour connaître la signification des quatre chiffres figurant sur l’enveloppe ?
2. S’il s’avérait que des personnes fragiles ont succombé à la tentation et ont acquis des systèmes de sécurité aussi bien coûteux qu’inutiles, à qui peuvent-elles s’adresser en vue d’obtenir l’annulation du contrat et la réparation contre une telle tromperie ?
3. Par le passé, des entreprises de vente de systèmes de sécurité, dont Dialarme, auraient-elles été dénoncées auprès du SECO par l’autorité communale ou cantonale pour des actes similaires? Si oui, quelles ont été les mesures prises par l’autorité fédérale ? Des dénonciations auraient-elles été portées ensuite devant le Ministère public par le SECO ? Dans l’affirmative, sur quoi ont-elles abouti ? S’il s’avère que certains ont débouché sur des dénonciations pénales, comment la Municipalité interprète-t-elle ce qui peut être considéré comme un traitement différencié, voire favorable, à l’endroit de l’entreprise Dialarme dans la présente situation ?
4. Selon les chiffres annuels publiés dans la presse, les infractions contre le patrimoine ont baissé de 21% en 2014, la distribution d’un tout-ménage, à savoir un courrier adressé simultanément à un grand nombre de personnes, affirmant le contraire n’est-elle pas répréhensible pénalement au sens de l’article 258 du Code Pénal ? Il s’agit, en effet, d’alarmer la population par l’annonce fallacieuse d’un danger pour la propriété. S’il s’agit d’un acte répréhensible, le Ministère public peut-il se saisir d’office de ce fait ou faut-il déposer une plainte pénale préalable ?
5. Vu la très forte sensibilité des personnes à la sécurité et la mission d’ordre public assignée à la police communale, l’inscription d’une disposition dans le règlement de police de soumettre à autorisation préalable les démarchages de vente de matériel de sécurité par un individu ou une société dès lors qu’elles couvrent un îlot de quartier, un quartier, voire l’ensemble du territoire communal, serait-elle contraire à la loi sur le commerce itinérant ?
6. Si oui, pourquoi ? Et quelle est la procédure à conduire pour qu’une telle inscription soit conforme à la loi ?
7. La sécurité des personnes n’est pas une marchandise comme toutes les autres qui relèvent du commerce ambulant et du démarchage. Beaucoup de gens attendent que des entreprises œuvrant dans le domaine de la sécurité se comportent avec diligence et honorabilité. Ils souhaitent que la surveillance desdites entreprises se déroule en proximité. Selon la Municipalité, quels obstacles administratifs et légaux faudrait-il lever pour que les entreprises de vente de systèmes de sécurité relèvent de la loi sur les entreprises de sécurité et du concordat romand ?
Je remercie d’avance la Municipalité pour ses réponses.
Nkiko Nsengimana, le 10 février 2016