Postulat

Jusqu’au début du XXe siècle, les rives du Léman abritaient une faune et une flore riches et variées, avec une grande diversité de milieux comme la forêt alluviale, des lagunes, d’importantes stations marécageuses, des grèves caillouteuses, des roselières et l’herbier aquatique. Ces écosystèmes ont presque tous disparus, suite à la régulation du lac et sous la pression de l’urbanisation, des transports, des loisirs et du tourisme. La stabili­sation du système hydrologique, la destruction des structures naturelles, l’enrochement et l’aménage­ment de chemins ont contribué, en moins d’un siècle, à une érosion dramatique de la biodiversité des rives lacustres. Sur un peu moins de 200 km de rives du Léman, à peine 2 km de rives subsistent encore à l’état naturel. Les associations végétales et les communautés animales autrefois abondantes figurent désormais sur les Listes rouges des espèces menacées.

À Lausanne, les rives du Léman ont été comblées avec des déblais et des déchets durant le XXe siècle, notamment pour construire les quais et la promenade d’Ouchy (1903-1907), Bellerive-Plage (1934-1936), le port de plaisance (1933-39) et les aménagements pour l’exposition nationale de 1964. Les bords de lac sont devenus un endroit de prédilection pour le délassement de la population. Les beaux jours, les lausannois et lausannoises se promènent par milliers le long du lac, s’y baignent, font du pédalo, de la voile ou du stand-up paddle, profitent des bars et restaurants au bord de l’eau et font des grillades à Vidy. Ces activités, aussi bénéfiques soient-elles pour la population, exercent une forte pression sur les quelques endroits encore proches de la nature au bord du lac, notamment le Parc Louis Bourget.

Il est donc urgent de mieux protéger les quelques milieux naturels subsistants, mais surtout de renaturer les rives, pour rétablir une partie des milieux naturels disparus, tout en conciliant les besoins de la population avec ceux de la faune et de la flore.

Les zones d’embouchures de cours d’eau dans le lac constituent des endroits particulièrement intéressants d’un point de vue écologique. Aussi bien pour la Chamberonne1 que pour la Vuachère2, des projets de renaturation sont déjà à l’étude, en lien avec des projets de protection contre les crues. Il faudrait saisir cette opportunité unique pour recréer, au moins partiellement, des habitats pour la faune et la flore spécialisées, fortement menacées en Suisse.

Nous saluons la volonté de la Municipalité de créer, dans les deux embouchures, des « îles aux oiseaux », afin d’offrir un point de chute tranquillisé aux oiseaux migrateurs. Ces îles pourraient être complétées par des aménagements ponctuels d’aides à la nidification dans le lac, entre les deux embouchures.

Beaucoup de rives sont construites en dur, avec des enrochements et des murs et quais en béton. Des aménage­ments plus doux pourraient être envisagés à certains endroits, par ex. à l’Esplanade des Cantons. Autrefois, le Flon se jetait dans le Léman à cet endroit – une remise à ciel ouvert de ce dernier tronçon serait-elle envisageable ? L’expérience d’autres communes montre que de tels aménagements sont non seulement bénéfiques à la nature, mais également très appréciés de la population.

Dans d’autres endroits (par ex. les quais Ouchy3), il serait possible de créer un rivage plus écologique côté lac pour donner un lieu de fraie aux poissons4 et pour y améliorer la biodiversité végétale. En outre, une partie beaucoup trop importante des rives sert actuellement de parking.

Dans la baie de Vidy, où une partie de la rive est encore proche de la nature, il s’agit d’aménager des petites zones de tranquillité, réservées à la faune sauvage, et de les protéger, par exemple par la plantation d’épineux.

Pour résumer, le but de ce postulat n’est pas d’opposer loisirs et biodiversité, mais d’inviter la Municipalité à les concilier. La plage des Eaux Vives à Genève constitue un bon exemple pour cette approche: Elle se com­pose d’une grande plage publique, combinée avec une « zone nature » non-accessible au public. L’une va avec l’autre, puisque les remblayages ne sont permis qu’exceptionnellement, notamment quand cela permet une amélioration des rivages (art. 39 al. 2 let. b LEaux).

Pour identifier les sites potentiels et les mesures à prendre, il faudrait procéder à une étude, en tenant compte de la planification cantonale de renaturation des rives du Lac Léman, pour ensuite planifier et réaliser un maximum de projets.

Il est par ailleurs important de sensibiliser la population aux enjeux de la biodiversité aux rives du lac. La manifestation « Lausanne Jardins 2024 » qui s’y déroulera serait une belle occasion pour présenter les études, les avant-projets et les premières réalisations en faveur de la nature.

Conclusions :

Au vu des éléments ci-dessus, nous demandons à la Municipalité d’étudier l’opportunité
– d’identifier les sites potentiels pour une renaturation des rives du lac ,
– de planifier et de réaliser les projets prioritaires, dans le but de protéger et de rétablir un maximum d’habitats pour la faune et la flore spécialisée, tout en tenant compte des besoins de délassement de la population ,
– de prendre des mesures pour mieux concilier loisirs et biodiversité au bord du lac ,
– et de sensibiliser la population aux besoins de la biodiversité aux rives du Léman.

Alexandra Gerber
Valéry Beaud, Marie-Thérèse Sangra, Ilias Panchard

1 Préavis N° 2021/05 – Protection contre les crues – Projet « galerie du ruisseau de Broye », « renaturation de la Chamberonne » et « île aux oiseaux migrateurs ».
2 CA21/008, Ouverture d’un compte d’attente pour le projet Protection contre les crues et amélioration du bilan écologique des rives – Etude de renaturation de la Vuachère, secteur Denantou – création d’une île aux oiseaux ». .
3 Cf. à ce sujet la Motion Vincent Rossi et consorts « Pour le réaménagement de la baie d’Ouchy, afin d’y recréer des espaces naturels, de détente et de baignade », transformé en postulat, puis classé le 20 mars 2012.
4 Cf. par exemple le projet d’un « Chemin des galets », porté par l’Association du même nom (http://www.lechemindesgalets.ch/index.html).