Postulat

Les coopératives d’habitation sont des maîtres d’ouvrage d’utilité publique, qui réalisent des projets sans but spéculatif, mettant à disposition des logements avec des loyers à prix coûtant, et qui impliquent leurs sociétaires-locataires dans les décisions sur la base du principe « un habitant = une voix ».

A Lausanne, les coopératives d’habitation développent des projets à loyers abordables depuis plus d’un siècle, la première, la coopérative « La Maison Ouvrière », ayant été crée en 1904. La plus grande d’entre elles, la « Société Coopérative d’Habitation Lausanne » (SCHL), a quant à elle fêté ses 100 ans l’an dernier et dispose désormais de plus de 2’000 logements.

Selon une étude de 2016 (1), les loyers des coopératives d’habitation vaudoises sont 19% moins élevés au m2 que sur le marché locatif. Ces coopératives ne bénéficient toutefois qu’à 3% de la population vaudoise (4.4% du parc locatif). En comparaison, le taux de logements coopératifs est de 12% dans le Canton de Zurich et même de 27% en Ville de Zurich. Dans le Canton de Vaud, les quatre plus grandes coopératives (Maison Ouvrière, Cité Derrière, SCHL et Logement Idéal) possèdent par ailleurs près de la moitié des logements du parc coopératif (48 %).

Un nouveau modèle est toutefois apparu à partir des années 1970, les coopératives participatives et innovantes, appelées aussi coopératives d’habitants. Elles impliquent les futurs habitants dans la conception du projet, favorisent l’échange et la convivialité entre coopérateurs, la solidarité ainsi qu’un sens partagé des responsabilités. Elles constituent aussi un espace privilégié d’innovation, tant en ce qui concerne les modalités de construction, les typologies de logements et la mutualisation d’espaces et de services, que sur le plan du bien-vivre social et des synergies avec le quartier et les acteurs de l’économie de proximité.

A Lausanne, l’histoire des coopératives d’habitants est relativement récente. Issus d’un projet pilote en vue de la réalisation de l’écoquartier des Plaines-du-Loup, deux petits immeubles ont tout d’abord été réalisés par la Coopérative de l’habitat associatif (Codha) sur un droit distinct et permanent de superficie (DDP) de la Ville de Lausanne au Chemin de Bochardon 11-13 à Chailly (habité depuis 2016). S’en est suivi la rénovation du bâtiment de la Rue de l’Industrie 6 au Vallon (habité depuis 2017), puis le projet des 12 petits bâtiments de la Rte du Jorat 196 à Pra Roman (habité depuis 2020).

Concernant l’écoquartier des Plaines-du-Loup, dans le cadre du débat sur la réponse à l’interpellation de M. Giampiero Trezzini « L’écoquartier des Plaines-du-Loup – qui et comment ? », le Conseil communal a accepté en 2011 sa résolution demandant qu’un tiers des droits à bâtir de ce nouveau quartier soit réservé aux coopératives d’habitants. Dans son rapport-préavis n° 2014/50 « Critères et modalités d’attribution des parcelles de l’écoquartier des Plaines-du-Loup, mesures visant à soutenir le logement d’utilité publique et les coopératives d’habitants », tout en rappelant la résolution précitée, la Municipalité annonçait sa volonté d’y construire 20 à 25% de logements en coopératives d’habitants. Au final, pour les cinq pièces urbaines (PU A à E) du premier Plan d’affectation (PA 1) des Plaines-du-Loup, 5 coopératives d’habitants ont été retenues, représentant 23% des logements, dont les premiers sont désormais en cours de construction. Une mesure de soutien aux coopératives d’habitants a également été mise en place pour ce projet, avec des crédits-relais (CHF 6’000’000.-) sous la forme de contrat de prêts chirographaires remboursables de durée limitée (préavis n° 2015/68).

Aujourd’hui, le développement de l’écoquartier des Plaines-du-Loup confirme que ce sont les coopératives d’habitants qui apportent le plus de diversité et d’innovation, qui présentent le plus d’espaces communs, d’échanges et de partage, le plus de variété de logements ou qui intègrent le plus de matériaux biosourcés tel que le bois dans leur construction. Elles vont aussi largement participer à la mise en place de la vie de quartier et au bien vivre ensemble.

Le rôle primordial des coopératives d’habitants dans le développement de la ville de demain, pour la mise à disposition de logements abordables à long terme et pour la cohésion sociale des quartiers doit être reconnu et leur présence doit être renforcée par une politique communale proactive, non seulement pour la suite de l’écoquartier des Plaines-du-Loup, mais aussi pour ceux des Prés-de-Vidy ou de Malley, ainsi que sur les éventuels DDP de bâtiments acquis par la Ville de Lausanne via la Loi sur la préservation et la promotion du parc locatif (LPPPL) ou sur des projets de rénovation de bâtiments.

Aujourd’hui, il est donc nécessaire, en complément au nouveau dispositif de soutien cantonal aux coopératives innovantes et participatives entré en vigueur début 2020 et en partenariat avec la Plateforme d’Echange des Coopératives d’Habitants pour les Ecoquartiers (PECHE), de renforcer la politique communale lausannoise en faveur des coopératives d’habitants, par exemple :

  • en améliorant l’information, afin d’inciter à la création de nouvelles coopératives d’habitants ; – en offrant un appui technique, afin de faciliter le développement de nouvelles coopératives d’habitants ;
  • en mettant plus régulièrement des terrains à disposition des coopératives d’habitants, afin de permettre le développement de nouveaux projets ;
  • en mettant plus régulièrement à disposition des coopératives d’habitants des immeubles, notamment acquis via un droit de préemption, afin de permettre aussi d’impliquer les habitants dans les projets de rénovation ;
  • en adoptant une stratégie foncière par quartier, pour acquérir des biens pas uniquement au centre-ville, mais aussi spécifiquement dans des lieux à faible tissu social, afin de profiter de l’apport social des coopératives au bénéfice de la qualité de vie de l’ensemble du quartier ;
  • en faisant intervenir les coopératives plus tôt dans le processus d’aménagement, à l’image du projet exemplaire et souvent cité en référence Mehr als Wohnen (Zurich) ;
  • en testant le travail avec des consortium de coopératives, pour valoriser la complémentarité entre les différents acteurs (diversité de taille, de moyens, d’objectifs, d’expériences, etc.), toujours à l’image du projet Mehr als Wohnen mais également du projet des Communaux d’Ambilly (Thônex GE) ;
  • en pérennisant des mécanismes financiers spécifiques, comme les crédits-relais mis en place pour l’écoquartier des Plaines-du-Loup, et en en développant de nouveaux, comme une diversification des rentes de droit distinct et permanent de superficie (DDP) en fonction de la qualité sociale, écologique et économique des projets développés ;
  • en créant des surfaces d’activité d’utilité publique gérées par des coopératives d’habitant, afin de permettre la création de surfaces accessibles par exemple pour des activités artisanales ou culturelles au sein des quartiers ;
  • etc.

Sur la base des différents éléments exposés ci-dessus, le présent postulat invite la Municipalité à

  • étudier l’opportunité de renforcer sa politique communale en faveur des coopératives d’habitants, notamment selon les pistes évoquées ci-dessus, et en coordination avec la politique cantonale en la matière.

(1) Etude « Les coopératives de logements dans le canton de Vaud », Service des communes et du logement (SCL) et Laboratoire de Sociologie Urbaine de l’EPFL (LaSUR), 2016.

Valéry Beaud, Marie-Thérèse Sangra, Daniel Dubas