Alexandra Gerber

Pour une renaissance à ciel ouvert de quelques cours d’eau lausannois

Postulat

Le Flon et la Louve ont façonné la topographie lausannoise et marqué l’urbanisme et l’économie de la Ville pendant des siècles. Dès le 19e siècle, ils ont été voûtés et leurs vallées comblées. Les travaux se poursuivaient durant le 20e siècle, jusqu’à la dispari­tion quasi-totale du Flon, de la Louve et d’autres cours d’eau lausannois (comme le ruisseau du Galicien, voûté à la fin des années 1930).

Les voûtages du Flon et de la Louve sont utilisés aujourd’hui pour évacuer les eaux usées à la STEP de Vidy.  Pour décharger celle-ci, une partie importante des eaux propres du Flon et de la Louve sont dérivées avant d’arriver dans les voûtages. Ainsi, le Flon est dérivé dans une galerie vers la Vuachère à hauteur de La Sallaz. Les eaux de la Louve sont amenées dans une conduite depuis le Bois-Mermet à travers le tunnel Tridel jusqu’à la Vallée de la Jeunesse, où elles sont turbinées dans une petite centrale hydro­électrique, avant de se jeter dans le lac vers l’Esplanade des Cantons[1]. 

Schéma[2]

 

Le Galicien traverse Prilly et rejoint le Flon à la Vallée de la Jeunesse. Une partie de ses eaux sont dérivées dans une galerie depuis le centre de Prilly vers le Flon (à l’avenue de Provence).

Dans leur postulat « L’eau à l’honneur dans la ville et ses espaces publics » du 19 mai 2015, Natacha Litzistorf et Valéry Beaud ont demandé à la Municipalité d’identifier les potentiels de remise à ciel ouvert de cours d’eau dans la ville, notamment au Vallon, à la Borde et au Tunnel, à Sévelin et dans la Vallée de la Jeunesse. Dans sa réponse[3], la Municipalité jugeait impossible la renaturation du Flon et la Louve, puisque leurs voûtages étaient situés à des profondeurs importantes (5 à 11 m pour le Flon au Vallon et 17 à 22 m à Sévelin ; 11 m pour la Louve à la place du Tunnel) et que les eaux de ces deux rivières étaient déjà dérivées avant leur entrée dans leur voûtage respectif.

Nous ne mettons nullement en cause cette analyse. Toutefois, il nous semble possible et souhaitable de créer de nouveaux cours d’eau en surface, en utilisant les eaux claires qui ne peuvent pas être infiltrées sur place[4]. Au lieu de les acheminer vers le lac par des canalisations et galeries souterraines, on pourrait aménager des ruisseaux qui empruntent, au moins partiellement, le tracé des anciens cours d’eau enfouis.

Ceci vaut notamment pour la Vallée de la Jeunesse. Les eaux claires amenées par le Galicien et/ou la Louve pourraient être utilisées pour recréer un cours d’eau sur l’ancien tracé du Flon, avec une embouchure renaturée à l’esplanade des Cantons.

Les eaux de la Louve qui arrivent à Sébeillon à travers le tunnel de Tridel pourraient être mises en surface pour créer des espaces de fraîcheur et de nature dans les nouveaux quartiers de Sébeillon. Il faudrait intégrer ces réflexions aux études pour les plans d’affectation (PA) en cours.

Dans le Vallon, il serait également envisageable de recréer un ruisseau, avec les eaux de ruissellement ainsi qu’une partie des eaux du Flon actuellement dérivées dans la Vuachère. Le scénario de reconstruire en surface la rivière du Flon au Vallon a été étudiée en 2021 dans le « Rapport de synthèse de la démarche participative, Où Vallons-nous » (Simon Cert-Carpentier ; collectif Affluent[5]).

Une opportunité se présente également pour le Galicien en amont de l’Avenue de Provence. Le Préavis no. 2021/05 « Projet galerie du ruisseau de Broye » annonce une nouvelle dérivation du Galicien, pour amener les eaux claires lausannoises et prillé­ranes directement au lac via la galerie de Broye, dans un nouvel ouvrage souterrain de 650 m de long, avec un coût de construction estimé à 4.5 mio. Toutefois, ce dernier ouvrage doit encore faire l’objet d’études approfondies et d’un préavis séparé. C’est donc le bon moment d’étudier, comme alternative, la remise à ciel ouvert du Galicien, que ce soit dans son lit historique ou sur un autre tracé.

Ainsi, les cours d’eau enfouis de Lausanne pourraient être ressuscités au moins partiellement. Ceci permettrait de lutter contre les îlots de chaleur, de créer des espaces de délassement et de bien-être pour les riverain.e.s, de redonner à l’eau sa place dans l’urbanisme lausannoise, de recréer une trame verte dans la Vallée du Flon, d’améliorer la biodiversité et de réduire les risques de ruissellement en cas de fortes précipitations.

Conclusion

Le présent postulat invite la Municipalité à étudier l’opportunité de recréer des cours d’eau en surface, notamment dans la vallée du Flon (Vallée de la Jeunesse, quartiers de Sébeillon, Vallon).

[1] Préavis no. 2003/34, Dérivation des eaux claires de la Louve, Installation d’un dégrillage au déversoir du Capelard.
[2] Tiré du Préavis no. 2017/28, Réponse au postulat de Mme Natacha Litzistorf et M. Valéry Beaud : « L’eau à l’honneur dans la ville et ses espaces publics » ch. 3.3
[3] Rapport-préavis N° 2017/28 ch. 3.3
[4] À cause de la faible perméabilité du sous-sol ; rapport-préavis N° 2017/2ch. 3.4.5. 
[5] Le collectif Affluent annonce prochainement une exposition itinérante qui retrace l’histoire de la rivière du Flon et imagine de la reconstruire en ville de Lausanne (https://collectifaffluent.ch/expo-flon).