Feryel Kilani

Interpellation urgente

Le plan général d’affectation de Lausanne (PGA) et son règlement (RPGA) sont entrés en vigueur en 2006. Depuis lors, les circonstances et le cadre légal ont fortement évolué : Projet d’agglomération Lausanne-Morges (PALM), révision de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire (LAT), révision de la loi cantonale sur l’aménagement du territoire et les constructions (LATC), Plan directeur cantonal vaudois (PDCn) et ses adaptations, loi vaudoise sur l’énergie (LVLEne), révision pour Lausanne de l’inventaire fédéral des sites construits d’importance nationale à protéger en Suisse (ISOS), loi sur la préservation et la promotion du parc locatif (LPPPL), Plan directeur de Lausanne (PDCom), etc.
Mais surtout, les exigences en matière d’urbanisme et de construction se sont fondamentalement modifiées au regard du changement climatique dont les effets se ressentent déjà en ville. La nécessité de mettre en œuvre rapidement des mesures pour que notre ville reste un lieu de vie agréable pour les générations à venir s’impose, notamment celles préconisées dans les ambitieux Plan climat et Plan directeur communal de la Ville de Lausanne adoptés par le Conseil communal en 2021 et 2022.
Le PGA en vigueur, qui a plus de 17 ans, ne tient pas compte de ces enjeux et ne prévoit pas de règles permettant d’assurer une protection suffisante du patrimoine naturel et bâti. Il dépasse d’ailleurs la durée de vie fixée par la LAT pour ce type de plans. Sa révision est donc capitale et le nouveau Plan d’affectation communal (PACom) devra régler le mode d’utilisation du sol de l’ensemble du territoire lausannois pour les 15 prochaines années.
Fort de ce constat, la Municipalité a annoncé dans un préavis du 19 avril 2018 (no 2018/15) le lancement de la révision du PGA de 2006 visant à mieux préserver l’identité des quartiers et à assurer une protection suffisante du patrimoine bâti, de la biodiversité, de la nature et du paysage. Une approche par quartiers a été choisie afin de traiter de manière échelonnée dans le temps les différents secteurs du territoire urbain, en tenant compte de leurs spécificités en termes de protection du patrimoine naturel et bâti. Cette approche qualitative, de même que les grandes démarches participatives qui ont eu lieu en 2020 et 2021 impliquant tant les habitants des quartiers que les professionnels de l’aménagement, sont à saluer.
Cependant, alors que la Municipalité affirmait en 2018 sa volonté de se fixer « un calendrier et un budget serrés pour cette révision », avec pour objectif une mise à l’enquête publique du nouveau PACom mi-2021, force est de constater qu’à ce jour et depuis la fin des démarches participatives, ni la population ni le Conseil communal n’ont eu de nouvelles du PACom. Pourtant, un délai au 20 juin 2022 a été fixé aux communes pour redimensionner les zones à bâtir par la révision de leur plan d’affectation, délai qui s’impose à la Commune de Lausanne en raison du surdimensionnement de ses zones à bâtir dans les zones foraines.
Dans l’intervalle, la Ville de Lausanne continue sa densification de faible qualité à grande vitesse sur la base d’une planification désuète. La Municipalité ne dispose pas du cadre réglementaire lui permettant de lutter contre un aménagement du territoire et des constructions portant atteinte à l’environnement naturel et bâti. L’arrêt du Tribunal cantonal rendu le 13 juin 2023 illustre parfaitement cette problématique. Le Tribunal cantonal y contraint en effet la Municipalité de Lausanne à délivrer un permis de construire pour un projet qui, selon cette dernière, devrait être refusé car il porte atteinte à l’environnement bâti et implique la suppression d’éléments naturels et patrimoniaux dignes de protection. La cause est actuellement pendante devant le Tribunal fédéral.

Dans la réponse municipale d’avril 2022 à l’interpellation Alexandra Gerber et consorts du 6 octobre 2021 intitulée « Comment préserver le patrimoine naturel lausannois en attendant le Plan d’affectation communal », la Municipalité a reconnu qu’elle partageait la crainte que des éléments importants du patrimoine tant bâti que naturel ne disparaissent en attendant l’entrée en vigueur du nouveau PACom et a garanti œuvrer pour son élaboration dans un délai « aussi court que possible ». La Municipalité a également indiqué vouloir apporter des modifications ciblées et urgentes au RPGA en vigueur afin d’assurer une meilleure préservation du patrimoine naturel et bâti d’ici l’entrée en vigueur du nouveau PACom.
Au vu de ces différents éléments, nous souhaitons poser les questions suivantes à la Municipalité :

  • 1) Pour quelles raisons l’élaboration du nouveau PACom prend-elle un retard de plusieurs années alors que la Municipalité est consciente et tente de lutter contre la problématique de la densification de faible qualité résultant du PGA en vigueur ?
  • 2) Le préavis no 2018/15 précisait un « budget serré » de CHF 650’000.- pour toute la révision du PGA, la Municipalité entendant s’appuyer pour l’essentiel sur les compétences internes des services de la Ville. Cette approche est-elle toujours préconisée compte tenu du retard pris ? D’autres mesures, tel le concours de bureaux d’urbanisme, pourraient-elles être prises pour permettre d’accélérer l’élaboration du PACom ? Un crédit supplémentaire devrait-il être adopté par le Conseil communal dans le même objectif ?
  • 3) La Municipalité peut-elle transmettre au Conseil communal un calendrier réaliste et détaillé de la procédure d’élaboration des différents quartiers et secteurs du PACom jusqu’à leur mise à l’enquête publique ?
  • 4) La Municipalité ne craint-elle pas que le choix de mettre à l’enquête publique de façon échelonnée dans le temps les différents secteurs et quartiers traités par le PACom puisse être jugé contraire au principe de coordination prescrit par l’art. 25a LAT ?
  • 5) La modification intermédiaire du RPGA permettra-t-elle réellement de mettre un frein rapide à la densification de faible qualité dans l’attente du nouveau PACom ? N’est-il pas à craindre que cette révision partielle prenne aussi du retard puisqu’elle est soumise à la même procédure qu’une révision complète de la planification et qu’elle risque en outre de faire l’objet de recours qui suspendront son entrée en vigueur durant plusieurs années ?
  • 6) Quand la modification intermédiaire du RPGA sera-t-elle soumise au Conseil communal pour adoption ?
  • 7) Quelles dispositions réglementaires concrètes la modification intermédiaire du RPGA prévoit- elle de modifier ? N’y a-t-il pas un risque que cette modification intermédiaire n’entrave la révision future du PACom au regard du principe de stabilité des plans conféré par la LAT ?
  • 8) La mise en zone réservée ne serait-elle pas une mesure rapide et efficace pour mettre un frein au développement de faible qualité, le temps pour la Ville de Lausanne de réviser son arsenal réglementaire ?