Interpellation

En matière de lutte contre le racisme et les discriminations raciales, le Conseil communal n’a semble-t-il débattu de cette thématique qu’à trois occasions différentes depuis 20071 – dont le 9 février dernier à propos d’actes antisémites2. Désigner le racisme et user de ce terme nécessite d’une part de s’accorder sur sa définition et d’autre part en fonction de cet accord, de mettre en place des mesures et lignes directrices claires pour lutter contre ses conséquences.

Or si l’organe d’intégration – terme par ailleurs questionnable – aux étrangères et étrangers et d’anti-racisme le BLI (bureau lausannois pour les immigrés) de la Ville de Lausanne est vu comme un centre de compétences dans le domaine de la prévention contre le racisme et organise un certain nombre d’activités tout à fait honorables, nous nous interrogeons sur les éléments mis en place de façon transversale pour une lutte efficace antiraciste. A côté du racisme ordinaire subi quotidiennement par de nombreuses personnes, il existe dans le monde, en Suisse et à Lausanne un racisme structurel3, établi, insidieux et source de profondes discriminations, qu’il convient de travailler à déloger activement. Les 4 axes d’actions de la coalition européenne contre le racisme auxquels adhère la Ville de Lausanne (sensibiliser et informer la population, soutenir les victimes, évaluer les discriminations dans l’espace urbain et mettre en œuvre des pratiques équitables4) ne semblent pas ou plus correspondre à une lutte efficace contre les effets du racisme. De plus, vouloir prévenir le racisme sans énoncer sa présence systémique – c’est-à-dire reconnaître que nos sociétés se sont construites sur des principes historiques racistes contre lesquels il convient de lutter – on le sait aujourd’hui, n’est plus suffisant. Il ne s’agit pas là du racisme de quelques individus qui seraient minoritaires et esseulés.

Nos sociétés structurellement racistes doivent inscrire la lutte contre le racisme de façon transversale au sein de tous les secteurs qui touchent au vivre ensemble et les communes se doivent d’adopter une attitude exemplaire.

Eu égard aux éléments qui précédent, nous nous permettons de poser les questions suivantes à la Municipalité :

  • Sur quelle définition du racisme la Ville de Lausanne s’accorde-t-elle ?
  • La Ville a-t-elle déjà effectué une étude de son histoire sous l’angle du racisme afin de mieux comprendre son passé, pouvoir ainsi analyser les problématiques actuelles et les politiques antiracistes à développer ?
  • En conséquence : quelles sont les mesures prises par la Ville de Lausanne pour lutter contre le racisme systémique (hors des activités organisées par le BLI et à l’interne de son administration) ?
  • Comment ces mesures sont-elles mises en œuvre au sein de l’administration, des différents services, auprès des habitant.e.x.s de Lausanne et dans les différents secteurs de compétences communales ?
  • Existe-t-il à la ville de Lausanne des personnes de confiance avec qui il est possible d’échanger en cas de situation de discriminations raciales, sur le modèle proposé contre les discriminations basées sur le genre dans le secteur culturel5? Ces personnes sont-elles accessibles et connues des populations potentiellement discriminé.e.x.s ?
  • Enfin, quels sont les moyens mis en place pour évaluer l’impact de ces moyens de lutte et leur efficacité?

Co-signataires: Ariane Morin, Ilias Panchard, Franziska Meinherz, Constance Von Braun, Oleg Gafner

1 Interpellation de Johan Pain – La discrimination raciale, ethnique ou religieuse à l’entrée des établissements de nuit à Lausanne est-elle suffisamment combattue par la Ville de Lausanne ? (INT13/028), réponse direction LSP du 19 novembre 2013. Délibération du 1er avril 2014 ; question écrite de Jacques-Etienne Rastorfer – Que faire face à des graffitis racistes ou antisémites ? (Q07/004), réponse direction des travaux du 3 décembre 2007.
2 Interpellation urgente de Louis Dana – Actes antisémites à Lausanne et à Genève : quels constats et quelles suites ? (INT21/018). Délibération du 29 mai 2021.
3 « Le racisme structurel, aussi appelé racisme institutionnel, racisme systémique ou d’État, est une forme de racisme qui se retrouve dans la pratique des institutions sociales et politiques. Elle se reflète dans les inégalités en matière de richesse, de revenu, de justice pénale, d’accès à l’emploi et au logement, de soins de santé, de pouvoir politique et d’éducation », Brochure Rupture : dissocier, transformer, (dé)construire les récits, co-rédigée par le TU et la Librairie la Dispersion, octobre 2019.
4 Voir : https://www.lausanne.ch/vie-pratique/integration/prevention-racisme-et-radicalisation/coalition-des-villes-europeennes.html
5 Postulat de Muriel Chenaux Mesnier et Caroline Alvarez Henry du 01.11.2020 – Halte aux discriminations dans les milieux culturels : égalité salariale et rejet de toute forme de harcèlement sexuel. Commission du 30 avril 2021.