Rapport-Préavis N° 2017/59 – Lutte contre le harcèlement de rue: bilan et perspectives – Réponse aux postulats et résolution de Mme Léonore Porchet

Intervention

Nous discutons ce soir d’un préavis qui découle d’un processus de deux ans et qui est le début d’un travail de longue haleine contre le harcèlement de rue, dans laquelle notre Ville se veut pionnière.
Il répond globalement de manière satisfaisante à deux postulats, une résolution et une interpellation des Verts.
Nous pouvons aussi saluer la posture de la municipalité et en particulier du municipal en charge de ce dossier, de son discours féministe et qui a traité le sujet avec tout le sérieux qu’il mérite.
A titre personnel, je suis fière de pouvoir espérer que ma fille pourra un jour se promener à Lausanne dans tous les espaces publics, à n’importe quelle heure du jour et de la nuit, dans n’importe quelle tenue sans avoir peur, sans devoir changer son comportement, son habillement ou son trajet, sans être importunée.
Le harcèlement de rue peut se manifester par des sifflements, des insultes, des attouchements, recevoir des propositions qu’il serait inconvenant de répéter dans ce plénum, être suivie et peuvent aller jusqu’à une agression.
La conséquence de ces comportements inacceptables est un sentiment d’insécurité et un problème d’accès des femmes à l’espace public, un problème de liberté individuelle.
Pour prendre l’ampleur du phénomène, notre Municipalité avait demandé en 2016, une étude et nous pouvons par ailleurs remercier Monsieur le Syndic, à l’époque en charge de la sécurité, de l’avoir fait et d’avoir donc réagi au-delà de la réponse à l’interpellation de Madame Léonore Porchet.
63% des femmes interrogées dans le cadre de cette étude et plus de 72% des femmes âgées de 16 à 25 ans, ont répondu avoir été confrontées à au moins un épisode de harcèlement de rue à Lausanne au cours des 12 derniers mois.
La moitié de ces personnes ont été harcelées au moins une fois par mois.
De plus, 63% des victimes ont dit avoir été insultées et 32% ont dit avoir subi des attouchements.
Les Lausanoises vivent donc constamment avec le risque d’être victimes d’actes qui sont pénalement répréhensibles.
Ces chiffres nous donnent une idée le l’omniprésence de ce phénomène et les résultats sont similaires à ce qu’il se passe dans toutes les villes, partout dans le monde.
Ce problème de harcèlement a comme conséquence que les femmes renoncent à occuper l’espace public.
Alors qu’elles représentent la moitié de la population, leur fréquentation dans les rues piétonnes baisse de 50% la nuit par exemple.
On se rend ainsi compte que la Ville devient un lieu fait et pensé par les hommes et destiné à être occupé par ceux-ci, comme justement les rues, les espaces sportifs ou les bars.
Certains comportements mentionnés ne sont pas pénalement répréhensibles et par conséquent ce préavis reflète, à juste titre les mesures qui sont de la compétence de la Ville.
Dès lors nous devons continuer de solliciter également nos autorités cantonales et fédérales, comme le font Mme Léonore Porchet et Mr Mathias Reynard, pour que ce thème soit traité à tous les échelons à l’exemple de ce qui se fait à Lausanne.
Nous relevons au passage la mauvaise réponse du CF à ce sujet qui remet toute la responsabilité sur les Villes, comme si le problème du harcèlement de rue n’était qu’un problème urbain. On peut en revanche souligner que Lausanne y est citée comme exemple que devraient suivre les autres villes.
Ce préavis a en effet une très bonne posture, il est très détaillé et présente beaucoup d’actions différentes, complémentaires et qui seront déployées à court, moyen et long terme.
Il propose 3 axes:

  • la préservation du domaine public
  • le renforcement des parties prenantes
  • la prévention.

Vous avez tous vu, il y a quelques semaines la première mesure qui était la vidéo de qui est très bien faite et joue avec l’humour.
Néanmoins, comme toutes les mesures de préventions, celles-ci ne font une différence que si elles sont répétées fréquemment et sur le long terme. Cette action sera donc à réitérer dans le futur.
Pour citer Monsieur Hildbrand, ce phénomène vient après plusieurs milliers d’années de patriarcat donc encore une fois, c’est un travail de longue haleine.
Bien que le préavis ait une bonne posture, nous regrettons toutefois qu’il soit très centré sur la thématique de la sécurité et la majorité des réponses sont policières.
Nous aimerions vraiment souligner que le sentiment d’insécurité est une conséquence de ces expressions de sexisme mais en soi, il ne se résout pas comme certains l’ont suggéré, à coups de sifflets, de caméras de surveillance  ou de présence policière accrue.
Nous souhaitons avant tout éviter que la problématique du harcèlement devienne, comme cela a déjà été le cas ailleurs, une question uniquement sécuritaire.
En sur-sécurisant on oublie que cela est, en fait, une question des droits des femmes et plus spécifiquement de leur droit à occuper l’espace public.
De plus, la police n’a pas le rôle de remettre en cause les rapports de genres qui sont sous-jacents à notre société.
En confiant la lutte contre le harcèlement de rue presque exclusivement à la police, nous ne sommes pas à l’abri que les milieux xénophobes en profitent pour pointer du doigt comme les seuls auteurs de violences sexistes une certaine catégorie de la population qui se trouve être dans la rue.
Il est dès lors primordial de garder à l’esprit que les auteurs de violences sexistes n’ont pas de couleur,  de culture, de métier, d’habillement ou de langage spécifique.
En effet nous parlons de harcèlement de rue mais dans les faits nous devrions parler de sexisme dans les espaces publics ET nous pourrions remplacer rue par bars, par vestiaires sportifs, par université, par bureau et même par conseil communal.
Concernant cet aspect sécuritaire nous resterons attentifs au risque de sur-sécurisation au détriment de la prévention. Nous aurions pu espérer une équipe de sensibilisation plus diverse avec des spécialistes de lutte contre le patriarcat et cette équipe pourrait avoir un champ d’action plus large, sur demande de clubs sportifs, des associations de quartier,  des écoles professionnelles, etc
A l’image de ce qui se fait avec le label nuit la lutte contre le harcèlement est l’affaire de tous.
Concernant maintenant la création d’un formulaire permettant de signaler des cas ne relevant pas du droit pénal, celui-ci est positif, même s’il reste bien plus limité que la demande du postulat.
Une application en ligne, loin d’être un gadget, serait un outil de réponses à celles et ceux qui actuellement ne peuvent que subir.
Les cibles et témoins du harcèlement ont besoin de pouvoir dénoncer les actes auxquelles ils sont confrontés, mais aussi de récupérer du contrôle, de recevoir une validation et de l’information. Un formulaire ne répond qu’improprement à ces objectifs, car il lui manque la facilité d’usage, l’instantané et l’interaction. De plus, des barrières à son efficacité existent, notamment l’accès, mais aussi les risques de fiabilité des données récoltées.
L’application aurait pu contenir également un module pour appeler directement la police.
Les Verts seront très attentifs à la qualité du formulaire et à son accessibilité, ainsi qu’aux informations qui lui seront jointes.
Pour conclure sur le préavis, le Groupe des Verts remercie la municipalité pour sa réponse, qui est de manière générale très bonne, et nous allons donc l’accepter à l’unanimité.
Nous vous invitons, chèrEs collègues, à en faire de même.
Je souhaiterais encore prendre un moment pour répondre aux craintes de certains et certaines qui peut-être n’oseront les soulever.
Cette lutte pour l’égalité des femmes et pour leur présence dans les espaces publics n’est pas une lutte des femmes contre les hommes. Elle n’est pas une lutte des femmes contre les hommes.
Les hommes aussi sont victimes d’une poignée d’hommes qui ont un comportement inadéquat et qui entachent les bonnes manières des autres.
Après le déferlement de témoignages relatifs au hashtag #metoo ou #balancetonporc, beaucoup d’hommes et de femmes également, qui n’avaient certainement pas lus les témoignages, ont émis leurs craintes quant au fait que l’on ne puisse plus draguer.
Il ne s’agit pas du tout de cela, la drague et le harcèlement sont deux choses complètement différentes et il est très facile de les distinguer.
L’un est un acte courageux, l’autre est un acte lâche et vil.
L’un demande à mettre de côté son ego et d’accepter un refus si la personne n’est pas disposée à entrer dans le jeu de la séduction.
L’autre profite d’une situation de pouvoir pour rabaisser et asservir sa cible.
L’un tient compte du consentement, l’autre pas.
Le consentement est donc la clef.
Rappelons donc que le consentement n’est jamais donné sur la durée et pour n’importe quel acte: je peux donner mon consentement pour boire un verre mais ça ne veut pas dire que je consent à autre chose.
C’est donc cette lutte là qu’ ENSEMBLE nous devons mener, une lutte contre la lâcheté des violences sexistes et contre ces personnes peu courageuses et non pas une lutte contre les hommes ou contre la séduction et là nous avons TOUS une responsabilité.
Nous sommes TOUS responsables en tant que témoins d’actes sexistes d’agir pour qu’ils ne se produisent plus.
Ce n’est pas parce que nous ne sommes pas individuellement auteurs de violences sexistes que nous ne devons pas questionner tous les comportement et les rapports hommes-femmes qui y sont sous-jacents.
Depuis le dépôt des postulats et interpellation de Madame Léonore Porchet  sur le harcèlement de rue en 2016, beaucoup de choses ont changé: il y a eu l’affaire Weinstein, le mouvement #metoo et #balancetonporc.
Il faut donc continuer cette bataille jusqu’à ce qu’il ne soit plus un sujet et ce que nous n’ayons plus à en parler.
Et c’est ce que nous souhaitons de tout coeur pour toutes les femmes de Lausanne et ailleurs.
Merci pour votre attention
Sara Gnoni
Postulat Pour une application mobile contre le harcèlement de rue à Lausanne
Postulat Pour une lutte contre le harcèlement de rue fondée sur l’éducation
Résolution Hey mad’moiselle… Il se passe quoi avec le harcèlement de rue à Lausanne ?