Interpellation

L’histoire
de Lausanne est intimement liée à l’Exposition nationale suisse
de 1964 qui avait pris place sur les rives du Lac Léman. Plusieurs
de ses vestiges demeurent encore aujourd’hui, dont l’Esplanade
des Trois Suisses et ses fameuses pyramides, l’Espace des
inventions à la Vallée de la jeunesse ou encore le Théâtre de
Vidy. Trois lieux emblématiques qui bénéficient encore aux
lausannoises et lausannois. Il demeure toutefois également un autre
vestige direct de l’Exposition auquel on pense souvent moins,
malgré une incidence bien plus marquée sur la vie des lausannoises
et lausannois : le tronçon autoroutier A1 entre Genève et
Lausanne.

Première
autoroute mise en service en Suisse, cette partie de l’A1 se trouve
encore aujourd’hui au centre des débats et discussions
urbanistiques de la région et agglomération lausannoise. Ceci
notamment en raison du tronçon A1a qui relie Crissier à la
Maladière et représente un cas unique à l’échelle Suisse
« d’autoroute cul-de-sac ». Ce tronçon d’autoroute
avait en effet à l’origine été pensé pour permettre le
contournement sud de la Commune de Lausanne, permettant de relier
l’Ouest lausannois à l’autoroute A9 débutant à Lutry. Ce
projet, notamment lié à celui intitulé « bretelle de la
Perraudettaz », aurait impliqué la création d’une voie
autoroutière aux bords du Lac Léman rejoignant les hauts de Lutry,
en passant par Bellerive et Ouchy1.
Aujourd’hui encore d’ailleurs, les abords de l’Avenue de
Rhodanie conservent quelques traces de ce projet, dans la mesure où
l’on peut encore y apercevoir la ligne qui était prévue pour
accueillir la continuation du tronçon A1a.

Cette
particularité de l’A1a a toutefois des conséquences importantes
en termes urbanistiques pour la Commune de Lausanne. Le quartier de
Cour-Maladière faisant aujourd’hui partie du tissu urbain dense de
Lausanne, le tronçon A1a représente une autoroute urbaine offrant
un accès direct au centre-ville de Lausanne, entraînant
essentiellement deux types de conséquences.

En
termes de circulation tout d’abord, cela amène un grand nombre de
véhicules dans une zone densément peuplée, avec des conséquences
négatives directes sur la santé des habitantes et habitants par la
pollution et le bruit impliqués, en plus de la péjoration de la
vitesse et desserte des lignes de bus qui doivent circuler par
l’Avenue de Cour, qui subit une fréquente congestion du trafic en
conséquence de sa continuité directe avec le tronçon autoroutier.
Cet accès direct au centre-ville de Lausanne peut par contre aussi
être perçu positivement par le fait qu’il permet d’amener
rapidement les véhicules sur une voie autoroutière, d’une façon
pouvant alléger la circulation de transit dans les quartiers
d’habitation.

Sous
l’angle des infrastructures concernées ensuite, la qualification
autoroutière du tronçon A1a impose des constructions de grande
envergure et empêche une utilisation multimodale impliquant
également les transports publics, les cycles et les piétons. Les
« coupures » du tronçon sont par ailleurs impossibles,
limitant ainsi les intersections possibles avec les routes alentours
et provoquant un effet de coupure dans les quartiers concernés. Son
impact sera encore plus important pour les futurs habitants de
l’éco-quartier des Près-de-Vidy, qui verraient leur qualité de
vie et la valorisation de leurs terrains grandement augmenter avec
une requalificaiton de ce tronçon. Enfin, par sa situation,
l’autoroute empêche de mettre en valeur le bâti et certains
symboles de la Commune, dont le nouveau bâtiment abritant le siège
du Comité International Olympique (CIO) et le site des ruines
romaines.

La
thématique d’une requalification du tronçon A1a a déjà été
discutée et examinée à plusieurs reprises – à chaque fois sans
aller jusqu’au bout du processus. Tel a d’abord été le cas
durant la première partie des années 2000, à l’échelle du
Schéma Directeur de l’Ouest Lausannois. Ensuite, cette
requalification a également été examinée lors de l’élaboration
du Plan OPair 2005 en tant que mesure
visant à
limiter la pollution atmosphérique provenant des transports de
personnes2,
puis encore lors de l’élaboration du projet d’agglomération
Lausanne-Morges (PALM).

Concernant
spécifiquement le Conseil communal, cette éventualité a été
discutée par une Commission du Conseil communal en juillet 2013
suite à un postulat déposé par la Conseillère communale Elisabeth
Müller3.
Plusieurs projets de requalification de routes avaient alors été
évoqués par le Municipal en charge (dont ceux liés à l’Avenue
du Chablais et à l’Avenue de Provence, ainsi qu’à la Rte de
Chavannes) pour expliquer qu’une requalification du tronçon
autoroutier était « pour l’heure exclue ». A l’appui
de cette exclusion, il avait également été fait mention des
conséquences qu’une telle requalification aurait sur (i) l’accès
des transports individuels motorisés (TIM) à la ville, (ii) des
conséquences sur le voisinage et (iii) des répercussions
financières pour la commune. La diminution de la circulation en
ville pour l’année 2010 avait aussi été mentionnée4.
Devant les promesses de requalification, le postulat en question
avait fini par être retiré par la posultante.

Par
la suite encore, en janvier 2016, la Ville de Lausanne a mandaté les
bureaux Transitec Ingénieurs-Conseils SA et GEA – Valloton &
Chanard SA pour établir une étude démontrant le potentiel urbain
du secteur de la Maladière au sud-ouest de la ville. Cette étude
avait pour objectifs de proposer plusieurs scénarios de
densifications et requalifications, intégrant la requalification du
dernier tronçon d’autoroute A1a en boulevard urbain ainsi que la
restructuration du site pour accroître l’attractivité en transports
publics et en modes doux. Ce rapport a été pris en compte notamment
dans le cadre de la planification directrice d’un écoquartier aux
Prés-de-Vidy effectuée en février 2017.

Dans
l’ensemble, la requalification des axes routiers dans le but de
réduire l’emprise routière au bénéfice du développement des
modes alternatifs durables (transports publics, mobilités douces)
constitue l’une des mesures principales prônée dans le cadre de
la planification et de la gestion du réseau routier à l’échelle
du Canton de Vaud ainsi que de l’agglomération lausannoise,
notamment par le PALM. Concernant principalement les routes
cantonales, ces mesures doivent également pouvoir être reportées
sur le réseau de routes nationales lorsque cela se justifie au
regard des spécificités de chaque cas.

L’OFROU
ayant mis à l’enquête au mois de novembre 2018 la construction de
nouvelles jonctions autoroutières portant notamment sur le tronçon
A1a, les éventuels changements qui y seraient apportés doivent être
examinés au plus vite. Parmi les alternatives au maintien et au
développement du tronçon A1a en tant qu’autoroute, l’éventualité
de sa requalification en « boulevard urbain » doit aussi
être prise en compte. Les avantages d’une telle requalification,
qui peut revêtir différents habits possibles (notamment route
nationale ou cantonale), emporteraient entre autres une accessibilité
aux transports publics et à la mobilité douce, une réunion du bâti
urbain, un franchissement des quartiers existants en direction du lac
et la possibilité de créer un véritable « Boulevard
Olympique » mettant en valeur l’héritage olympique de la
Commune. Cette requalification apporterait également une
amélioration significative pour le développement du futur
écoquartier des Prés-de-Vidy.

Questions :

  1. La Municipalité dispose-t-elle de chiffres et données analytiques sur les conséquences du tronçon A1a en lien avec son territoire, notamment (i) sur la santé des riverains (pollution et bruit), (ii) le nombre de véhicules entrant dans la Commune de Lausanne qui sont induits par la présence de ce tronçon autoroutier, (iii) les reports de véhicules par rapport à d’autres voies d’accès et de routes sur territoire de la Commune ainsi que dans l’agglomération, ou encore (iv) les effets urbanistiques du tronçon sur le bâti environnant et le développement des infrastructures dans les quartiers Sud-Ouest de la Ville ?
  2. La Municipalité a-t-elle d’ores et déjà examiné la possibilité et les effets d’une requalification du tronçon A1a sur son territoire ? Ceci y compris par rapport à l’utilisation possible de ce tronçon par les transports publics, les cycles et les piétons, ainsi que pour les moyens d’accessibilité aux Hautes Ecoles ou au futur éco-quartier des Près-de-Vidy.
    a) Si oui : quels en ont été les résultats et conclusions par rapport notamment à tous les éléments visés sous la question 1 supra ?
  3. Quel est l’état d’avancement des mesures de requalification qui étaient en cours d’étude dans le périmètre tels qu’annexés au Rapport de la commission n° 42 chargée de l’examen du Postulat de Mme Elisabeth Müller « Un sud-ouest trop perméable aux TIM », notamment l’Avenue du Chablais, l’Avenue de Provence et la Rte de Chavannes ?
  4. Quelles ont été les conclusions du rapport établi par les bureaux Transitec Ingénieurs-Conseils SA et GEA – Valloton & Chanard SA sur mandat de la Ville de Lausanne par rapport à l’éventualité d’une requalification du tronçon autoroutier A1a ?
  5. La Municipalité a-t-elle d’ores et déjà engagé des discussions avec le Canton de Vaud et/ou l’OFROU et/ou les autres Communes de l’Ouest lausannois en lien avec la possibilité de requalifier le tronçon A1a ?
  6. La Municipalité estime-t-elle qu’une requalification du tronçon A1a améliorerait la desserte au futur éco-quartier des Près-de-Vidy pour les transports publics et la mobilité douce et, partant, son impact en vue d’une qualification de société à 2000W ?
  7. La Municipalité a-t-elle échangé à ce sujet avec des personnes privées et partenaires directement affectés par le tronçon A1a, dont (i) le CIO, (ii) les associations de riverains et (iii) les entreprises privées directement concernées ?
  8. La Municipalité a-t-elle évalué la possibilité de créer un « Boulevard Olympique » permettant de mettre en valeur le siège du CIO sur son territoire, notamment impliquant une requalification du tronçon A1a ?
  9. La position de la Municipalité est-elle influencée par les projets de construction de nouvelles jonctions autoroutières mises à l’enquête en novembre 2018 et l’opposition faite par la Commune de Lausanne ?

1
Voir Archives cantonales vaudoises, SB 281/2/39-47 « Projet de
bretelle autoroutière faisant la liaison entre l’ouest lausannois
et l’autoroute A9, dite “bretelle de la Perraudettaz” ».
Voir aussi 24heures, article du 19 juin 2019 « L’histoire d’Ouchy
relie Weber et Delamuraz dans un drôle de drame ».

2
Plan des mesures OPair2005de l’agglomération Lausanne-Morges
adopté par le Conseil d’Etat le 11 janvier 2006, p. 29 ss.

3
Postulat Elisabeth Müller « Un sud-ouest trop perméable aux
TIM » du 12 mars 2013.

4 Dans l’ensemble, Rapport de la commission n° 42 chargée de l’examen du Postulat de Mme Elisabeth Müller « Un sud-ouest trop perméable aux TIM ».
David Raedler