Intervention

Une voie pragmatique et responsable

Chacun d’entre nous a déjà fait le deuil d’une société sans addiction : le sucre, le café, l’alcool, l’écran, le jeu, le sexe tiennent certains êtres humains sous grande dépendance et ont un impact et un coût sur la société. Sans aucun débat émotionnel, des politiques de santé publique sont menées pour prévenir ces dépendances et en atténuer leurs dégâts, parfois irrémédiables. En revanche, lorsqu’il s’agit de psychotropes, et en particulier de drogues dures, le débat devient émotionnel. Mais regardons ici aussi les faits et regardons les chiffres.
Si les Verts sont précurseurs et progressistes dans le dossier drogue en général, ce n’est pas parce que nous sommes « POUR » la drogue – qui peut l’être ?- , mais bien parce que nous sommes pragmatiques et recherchons des solutions sans idées préconçues. C’est une question de responsabilité envers la population.
La politique des 4 piliers est entérinée depuis 10 ans au niveau fédéral: la répression policière, la prévention, la prise en charge addictologique et la réduction des risques. Un espace de consommation sécurisé fait justement partie du système de réduction des risques. Il n’y a rien d’innovant dans cette solution, une forme de consensus s’est dégagée autour de cette mesure et Lausanne suit ainsi l’exemple de 8 autres villes suisses, et de pays comme le Canada, la Hollande ou l’Allemagne.
Ainsi, puisque nous ne pouvons pas éradiquer la drogue – comme le disait le regretté chef de la police judiciaire neuchâteloise Olivier Guéniat -, nous pouvons au moins soigner et réduire les risques auxquels sont soumis les personnes gravement toxico-dépendantes. J’espère ne jamais avoir un de mes proches dans cette situation, mais je suis convaincue que si c’était le cas, je préférerais le savoir encadré par une équipe de professionnels que seul dans un endroit sordide et sale. La mise en place d’un espace de consommation sécurisé répond spécifiquement à un problème aigu pour une petite frange de la population fragile et marginalisée, qui a besoin d’une aide sanitaire et humaine.
En outre, la population lausannoise demande aussi une action publique qui diminuera les nuisances de la consommation de drogue dans l’espace public.
Après 10 ans, nous avons un recul certain et autant les professionnels que nous avons auditionnés durant ces derniers que les statistiques en fin de préavis indiquent qu’avec un espace de consommation sécurisé les conditions de consommation sont meilleures, ce qui conduit à moins de traitements pour des infections virales ou bactériennes – traitements très onéreux par ailleurs ; les overdoses mortelles diminuent, la consommation baisse lorsqu’on peut le faire dans un endroit propre et sûr, et les prises en charge thérapeutiques augmentent. Par ailleurs, nous assistons à une diminution des injections et de la présence de seringues dans les espaces publics. Ainsi, la réduction de la consommation de drogue dans l’espace public, et la diminution des effets négatifs qui en découlent, est un objectif fondamental tant pour la dignité des personnes concernées que pour la vie quotidienne des habitants.
Pour conclure, je rappellerai un des points sur lesquels les Verts ont insisté en commission:
L’intégration de la population du quartier accueillant le centre doit être optimale, l’information régulière et des contreparties discutées avec le quartier du Vallon.
L’évaluation du projet après 18 mois doit intégrer les effets sur le quartier comme d’ailleurs sur le reste des espaces publics de la ville où une diminution des nuisances est attendue.
Mesdames et Messieurs, chers collègues,
Au nom des Verts, je vous invite à vous fier à l’expérience de ces 10 dernières années et aux statistiques qui indiquent des résultats encourageants. Le statu quo n’est aujourd’hui pas une option. Ce projet-pilote à durée limitée est la voie pragmatique et responsable que nous vous enjoignons à suivre en adoptant ce préavis municipal.
Sophie Michaud Gigon