Postulat

Pour des pratiques d’entretien des espaces verts et des espaces publics réellement respectueuses des insectes et de la biodiversité
Afin d’enrayer la perte de biodiversité de la faune et de la flore et de rétablir la biodiversité dans les milieux bâtis, la Ville de Lausanne a mis en place depuis les années 1990 des modes de gestion plus écologiques des espaces publics et des espaces verts (entretien différencié) et édité un guide de recommandations à l’attention des particuliers et professionnels intéressés ou chargés de l’entretien de ces espaces. De plus, de nombreuses mesures sont prises pour encourager les Lausannois.es à agir de manière à favoriser la restauration des espaces verts et permetttre à la biodiversité de se rétablir en ville.
Il n’en demeure pas moins que certaines pratiques vont à l’encontre de ces efforts, en particulier l’usage de souffleuses à feuilles pour le ramassage des feuilles et autres travaux d’entretien des surfaces végétalisées ou minérales. Bruyantes et polluantes[1], ces machines ne sont pas seulement une nuisance pour le voisinage humain, elles représentent un véritable danger pour les petits animaux et les invertebrés en les détruisant directement ou en endommageant leurs habitats. Le souffle sortant des machines pouvant aller jusqu’à 320 km/h (200 miles/h) éradique sans distinction les insectes logés dans les feuilles ou la couche supérieure du sol.
Le déclin dramatique de certaines espèces d’insectes, comme les papillons, est observé depuis longtemps mais dans un rapport publié en 2017[2], des scientifiques allemands apportent des preuves irréfutables du déclin à grande échelle du nombre et de la diversité des insectes et, plus largement, des arthropodes. Ce rapport a fait l’effet d’une bombe dans les milieux scientifiques, politiques et auprès du large public en révélant l’ampleur du danger pour la survie des sociétés humaines et en qualifiant le phénomène d’ «arrmageddon écologique» pour en faire saisir la gravité.
Au début de l’année 2019, une autre étude, qui constitue le premier rapport mondial sur l’évolution des populations d’insectes, montre qu’au total, 40 % des espèces sont en déclin et que depuis trente ans, la biomasse totale des insectes diminue de 2,5 % par an[3].
En novembre 2019, le gouvernement allemand a déclaré à ses citoyens que les souffleuses à feuilles sont fatales pour les insectes et ne devraient être utilisées qu’en cas d’absolue nécessité.
Les insectes rendent des services essentiels et irremplaçables desquels l’humanité est totalement dépendante pour sa survie. Acteurs de la pollinisation et de la décomposition de la matière organique, base de la pyramide alimentaire et détenteurs de gènes uniques qui pourraient nous manquer pour élaborer de nouvelles substances contre les maladies.
Il est donc temps de raisonner en considérant les insectes comme des hôtes indispensables à notre survie. Les avantages économiques – en termes d’efficience supposée qui reste à prouver en fonction des conditions de la collecte des feuilles – doivent être relativisés en regard des risques liés à la perte de la biodiversité. La justification du gain de temps n’est pas pertinente dès lors que l’on considère le ramassage des feuilles comme une activité incohérente du point de vue du cycle de la matière organique.
Dès lors, par ce postulat nous avons l’honneur de demander à la Municipalité :

  • d’étudier des alternatives à l’utilisation des souffleuses à feuilles pour le ramassage des feuilles au sein de ses propres services d’entretien des espaces verts et des espaces publics,
  • d’étudier l’opportunité d’informer les particuliers et professionnels sur les conséquences de l’utilisation des souffleuses à feuilles sur la biodiversité et sur l’usage de méthodes alternatives,
  • de définir les périodes de l’année pendant lesquelles les insectes et la microfaune ainsi que leurs microhabitats sont les plus vulnérables à l’action des souffleuses à feuilles et de considérer la possibilité d’interdire ces dernières par exemple pendant les périodes de forte activité biologique du printemps et de l’été,
  • d’identifier les installations ou les lieux permettant le compostage des feuilles in situ ou dans un rayon proche des zones entretenues, ou le cas échéant d’étudier la possibilité d’en créer, ceci afin de boucler les cycles de matière dans une démarche « zéro déchet ».

Karine Roch, Marie-Thérèse Sangra, Valéry Beaud
https://www.bafu.admin.ch/bafu/fr/home/themes/bruit/info-specialistes/mesures-contre-le-bruit/mesures-contre-le-bruit-des-appareils-et-des-machines/ce-qu_il-faut-savoir-sur-les-souffleurs-et-aspirateurs-de-feuill.html
http://www.humanite-biodiversite.fr/article/les-souffleurs-de-feuilles-mortes-qu-en-penser


[1] Ce point avait fait l’objet d’une interpellation de nos collègues vert.es déposée le 19.01.2017: Interpellation de Michaud Gigon Sophie et crts – Les feuilles mortes se ramassent à la pelle et à la souffleuse.
[2] Plos One Journal, More than 75 percent decline over 27 years in total flying insect biomass in protected areas, October 18, 2017
[3] Biological Conservation 232, Worldwide decline of the entomofauna: A review of its drivers, January 2019