Quelle pollution du Léman par les microplastiques depuis le bassin versant lausannois?

Interpellation

La pollution par les microplastiques est une problématique de santé humaine et environnementale majeure et croissante, qui touche l’entier du globe, y compris la Suisse et la région lémanique, avec une quantité estimée à 100 tonnes de plastiques terminant dans le Léman annuellement, dont 75 tonnes de microplastiques. L’interpellation vise à clarifier le devenir des eaux polluées par les plastiques arrivant dans le Léman depuis le bassin versant lausannois.

La pollution par les microplastiques est une problématique de santé humaine et environnementale majeure et croissante, qui touche l’entier du globe, y compris la Suisse et la région lémanique. Il suffit d’ailleurs de se rendre sur les plages du Léman, fréquentées ou non, à Lausanne et dans les autres communes, pour y observer une quantité alarmante de déchets plastiques. Cette interpellation vise à clarifier le devenir des eaux polluées par les plastiques arrivant dans le Léman depuis le bassin versant lausannois. Un postulat déposé de manière concomitante à cette interpellation (intitulé: «Eaux secours du Léman! Pour un plan d’action fort contre les déchets plastiques et les mégôts de cigarettes sur les rives du lac») cible la pollution du Léman provenant des rives du lac.

Les macroplastiques sont des particules ou fragments de plastiques mesurant plus de 5 millimètre (mm). Ils sont principalement rejetés dans l’environnement à la suite d’une élimination inappropriée de déchets plastiques (littering, matières plastiques dans les déchets verts). Ces macroplastiques peuvent se fragmenter en microplastiques, qui mesurent moins de 5mm. Les microplastiques sont majoritairement libérés dans les sols et les eaux par l’abrasion et la dégradation des produits en plastique (abrasion des pneus, peintures des bâtiments et des routes, eaux usées). Les microplastiques se trouvant dans l’eau, peuvent soit sédimenter (et rester au fond des cours d’eaux ou des lacs), rester en suspension et être transportés par les cours d’eaux ou être déposés sur les rives. Quant aux nanoplastiques, ce sont des particules de plastiques mesurant moins de 10 microns et qui posent une problématique potentiellement plus grande encore que les microplastiques en raison de leur abondance, leur réactivité et leur petite taille qui leur permettent de pénétrer plus facilement l’intérieur des cellules d’organismes vivants.

Les microplastiques sont problématiques pour plusieurs raisons. D’abord, ils se dégradent mal et peuvent persister dans l’environnement pendant des décennies. Ensuite, ils entrent dans la chaîne alimentaire et se retrouvent dans les organismes vivants avec des effets toxiques directs sur ceux-ci (altération du système immunitaire, du système digestif, etc). Si ces organismes vivants (poissons notamment) sont consommés par l’humain, ils l’exposent également à une toxicité. De plus, les microplastiques ont la propriété d’adsorber des particules toxiques exposant les organismes et les humains les ingérants à une toxicité indirecte supplémentaire. Les micro- et nanoplastiques peuvent aussi être inhalés par l’humain, et ainsi entrer dans les poumons, et par là, dans la circulation. Des particules de microplastiques sont maintenant retrouvées dans les liquides biologiques des humains (sang, selles, salive) et leurs effets toxiques (pulmonaire, cardiovasculaire, pro-inflammatoire, cancer) est démontré.[1]

L’Office fédéral de l’environnement estime que chaque année, environ 14’000 tonnes de macro- et microplastiques sont rejetées dans l’environnement en Suisse, dont une majorité provient de l’abrasion des pneus.[2] L’eau est particulièrement touchée par la pollution par les microplastiques et le Léman n’y échappe pas.

Une étude portant sur la pollution du Léman par les plastiques mandatée par l’Association pour la sauvegarde du Léman (ASL) et publiée en janvier 2025[3], évalue à environ 100 tonnes la quantité de plastique arrivant annuellement dans le Léman, dont 75% sous forme de microplastiques et 25% sous forme de macroplastiques. Il est estimé que 33% de cette pollution provient de la poussière des pneus de voitures, 18% de la peinture de façade des bâtiments, 9% des emballages à usage unique, 8% des filtres de mégôts de cigarettes, 6% des granulés des terrains de sport synthétique, 5% de la peinture des routes, 4% de la peinture pour bateau. Le reste se compose de petit matériel de chantier, polystyrène expansé, compost, médias filtrants (des STEP) et autres.

Une autre étude réalisée par l’ASL et l’Université de Genève à l’initiative de la Commission internationale pour la protection des eaux du Léman (CIPEL) publiée en août 2024[4], a montré que le nombre moyen de particules de microplastiques (0,3 à 0,5 mm) sur les plages du Léman se monte à 7’600 par mètre carré dont 60% sont des fibres textiles synthétiques. La concentration moyenne en macroplastique quant à elle est de 3,42 éléments par mètre linéaire, dont la majorité sont fragmentés, de petite taille (moins de 2,5 cm) et sont majoritairement des emballages de nourriture, des mégots de cigarette et des pellets (granulés plastiques industriels).

On le voit, l’étendue de cette pollution est alarmante, y compris dans notre région, notre commune et dans le Léman. Léman qui, rappelons-le, fournit de l’eau potable pour la majorité la population riveraine, dont la population lausannoise. Il appartient à l’ensemble des instances gouvernementales, supra-nationales, nationales, et en Suisse, également cantonales et communales, d’agir par tous les moyens possibles pour limiter, dès maintenant, cette pollution et ses conséquences néfastes pour l’environnement et notre santé, pour aujourd’hui et les générations futures. Si le projet d’agrandissement du laboratoire d’analyse de l’eau à Lutry permettant de mieux monitorer la pollution de l’eau potable, tel que présenté dans le rapport-préavis n°2025/02 par la Municipalité, est essentiel et va dans le bon sens, il est aussi impératif d’agir pour limiter cette pollution en amont.

Les actions de sensibilisation du service de l’eau de la ville sur la question du littering dans les eaux-claires, dont l’installation de clous en laitons sur certaines grilles d’eaux-claires, sont également des mesures à saluer. Cependant ces actions sont malheureusement insuffisantes au vu de l’ampleur et des origines diverses de la pollution et la commune doit davantage utiliser la marge de manœuvre qu’elle a pour limiter cette pollution.

Concernant la pollution de l’eau par les microplastiques provenant de l’abrasion des pneus de voiture (estimée 33 tonnes par an dans le Léman) plusieurs mesures permettent de la réduire: réduire l’usage des voitures, privilégier les plaquettes de frein, les pneus et marquages routiers à faible abrasion, préférer les voitures légères, conduire de manière régulière et à des vitesses moins élevées (d’où un avantage supplémentaire de la limite de circuler à 30 km/h versus 50 km/h), nettoyer les routes et traiter les eaux de chaussées polluées. Ces deux dernières mesures relevant notamment de l’action communale.[2]

Concernant la pollution de l’eau par les résidus de peinture des façades de bâtiments et des marquages routiers, la réduction de la pollution passe par le remplacement de peintures ne contenant pas de plastique et la filtration des eaux de ruissellements.

Concernant la pollution du Léman et de ses rives par les fibres textiles synthétiques qui s’y trouvent en quantité massive, les mesures de réduction passent d’abord par la réduction de la consommation d’habits contenant ces fibres, potentiellement de l’installation de pré-filtre sur les machines à laver mais aussi le traitement des eaux usées. Cette dernière mesure relève de l’action communale.[3]

La ville de Lausanne possède douze terrains de sport équipés de pelouses en matières synthétiques[5], ainsi que des stades d’athlétisme, dont celui de Pierre-de-Coubertin. L’étude de l’ASL mentionnée ci-dessus montre qu’une partie significative de la pollution de microplastiques dans le Léman provient des granulés synthétiques présents sur la surface de ces terrains. La filtration des eaux de ruissellement provenant de ces terrains peut participer à limiter cette pollution, ce qui relève de l’action communale.

Finalement, selon les informations du service de l’eau, la commune de Lausanne est parcourue par environ 100 kilomètres de cours d’eau qui peuvent être pollués par les matières plastiques et devenir à leur tour des sources de pollution pour le Léman. La commune peut et doit pouvoir suivre cette pollution et œuvrer pour réduire au minimum.

C’est dans ce contexte que cette interpellation est déposée.

  • 1. La municipalité est elle au fait de l’importance de l’afflux de microplastiques et de son origine dans les cours d’eaux communaux et dans le lac ? Et le cas échéant, comment la municipalité considère-t-elle cette problématique ?
  • 2. Concernant la pollution de l’eau par les microplastiques provenant des eaux de ruissellement (en particulier de l’abrasion des pneus de voitures, des résidus de peinture des façades de bâtiments et des marquages routiers) :
     2a. Comment se répartit la proportion des routes présentes sur la commune dont les eaux de chaussées sont collectées, filtrées ou ne le sont pas ?
     2b. Qu’advient-il des eaux de chaussées collectées mais non filtrées et comment la municipalité évalue-t-elle leur impact environnemental?
     2c. Qu’advient-il des eaux de chaussées non collectées et comment la municipalité évalue-t-elle son impact environnemental ?
     2d. Quels sont les critères utilisés par la ville pour sélectionner les routes dont les eaux de chaussées sont récoltées et/ou filtrées ? Et sur quelles bases ces critères sont-ils fixés ? La ville prévoit-elle d’étendre la récolte et filtration des eaux de chaussées pour limiter la pollution de l’eau ?
     2e. Quelle quantité d’eaux usées contournent la station d’épuration annuellement, pour quels motifs et avec quelles destinations ?
     2f. L’impact environnemental du déversement de ces eaux usées dans l’environnement a-t-il été étudié, notamment concernant la pollution par les plastiques ?
     2g. Les peintures utilisées pour les marquages routiers sur la commune contiennent-elles des matières plastiques ? Si oui, quelles sont les alternatives possibles et la ville prévoit-elle d’y recourir ?
  • 3. Concernant la pollution de l’eau par les fibres textiles synthétiques :
     3a : la ville peut-elle nous confirmer que l’eau émanant des machines à laver le linge est toujours collectées dans les eaux usées, puis filtrées ?
     3b : La ville estime-elle utile le développement et l’installation de pré-filtres captant ces fibres synthétiques sur les machines à laver ?
  • 4. Concernant la pollution de l’eau par des particules de plastiques provenant des terrains de sport à revêtement synthétique : les eaux de ruissellement de ces terrains de sport sont-elles systématiquement collectées puis filtrées ? Si ce n’est pas le cas, la ville prévoit-elle de le faire ? Si oui, dans quel délai ? Si non, pour quelles raisons ?
  • 5. La Municipalité a-t-elle suivi et quantifié l’impact de la mesure de sensibilisation contre le littering qu’elle a mené, plus particulièrement avec l’installation de clous en laiton sur des grilles d’eaux-claires ? Si oui, peut-elle nous informer de ses observations?
  • 6. Le fonctionnement actuel de la station d’épuration de Lausanne permet-il de filtrer les macroplastiques, les microplastiques et nanoplastiques dans leur totalité?
  • 7. Si ce n’est pas le cas, la municipalité a-t-elle une estimation de la quantité et de la typologie des macroplastiques, microplastiques et nanoplastiques qui échappent à la filtration?
  • 8. Si des microplastiques et nanoplastiques échappent à la filtration de la station d’épuration de Lausanne, le traitement des micropolluants prévu en 2026 permettra-il de filtrer ces particules de manière totale? Si non, pour quelles raisons et comment la Municipalité souhaite remédier à cette lacune?
  • 9. Comment la ville évalue-elle la pollution des eaux du lac par du plastiques (de toutes dimensions) provenant des cours d’eau parcourant la commune? Cette pollution est-elle monitorée ? Si oui, que montre les données disponibles? Dans le cas contraire, un monitorage est-il prévu, si oui dans quel délai, et si non, pourquoi?
  • 10. De manière générale, la municipalité a-t-elle une stratégie et prévoit-elle des mesures pour limiter davantage la pollution des eaux et la pollution des sols par les plastiques, en particulier par les résidus de pneus, les peintures et les fibres textiles et peut-elle la détailler? Y’a-t-il des mesures potentielles que la municipalité ne souhaite pas mettre en place et pour quelles raisons?
  • 11. L’eau potable fournie par le service de l’eau est-elle susceptible de contenir des microplastique ou des nanoplastiques? Des contrôles sont-ils effectués concernant cette pollution spécifique? Si oui, depuis quand, à quelle fréquence, avec quelle méthode et quels en sont les résultats?

[1]    Osman, A.I., Hosny, M., Eltaweil, A.S. et al. Microplastic sources, formation, toxicity and remediation: a review. Environ Chem Lett 21, 2129–2169 (2023).

[2]    «Matières plastiques dans l’environnement», Rapport du Conseil fédéral donnant suite au postulat en réponse aux postulats 18.3196 Thorens Goumaz du 14.3.2018, 18.3496 Munz du 12.6.2018, 19.3818 Flach du 21.6.2019, 19.4355 Groupe PDC du 27.9.2019, Berne, 2022.

[3]    Association pour la Sauvegarde du Léman, 2025 : Léman Plastic Action – Rapport final. Genève, 37pp.

[4]    Alexis Pochelon et al., Pla’stock, étude du stock de plastique sur les plages du Léman, Association pour la Sauvegarde du Léman, août 2024.

[5]    Selon le Préavis n°2025/06 «Stade de la Tuilière – remplacement du terrain de football en matière synthétique – crédit d’ouvrage.»