Déposer plainte contre la police… à la police ? Pour une instance réellement indépendante en matière de plaintes

Postulat

Depuis une quinzaine d’années, le Conseil communal a débattu à deux reprises de de l’opportunité de créer une instance indépendante de plainte, ayant pour but d’instruire les dénonciations et les plaintes formulées à l’égard des agents de police.

Refusé à deux reprises, ce projet reste d’une actualité brûlante. Il pourrait bien désormais connaître un autre sort politique lors de cette législature notamment suite à diverses interventions récentes au Conseil communal concernant le suivi de l’action de la police municipale.

L’une des principales critiques formulées contre l’actuelle commission de déontologie concerne son manque d’indépendance vis-à-vis du corps de police et sa direction. En effet, la commission est composée comme suit : un préposé à la déontologie, qui la préside, trois policiers des différentes entités et un spécialiste de la résolution de litiges, non rattaché au corps de police.

La commission est ainsi majoritairement composée de policières et policiers. De plus, pour donner suite aux avis exprimés par la commission, c’est le Commandant de police qui rend ses déterminations sur chaque cas traité et informe la commission sur les suites qui seront données au cas. Cela illustre clairement le manque d’indépendance de la commission vis-à-vis du corps de police dont elle doit traiter des actions.

Dans son dernier rapport, la commission met en avant deux éléments intéressants. Elle souligne que « le nombre de cas soumis chaque année n’augmente pas, plus ou moins constant depuis dix ans. » et que « comme par le passé, il est à noter qu’aucune irrégularité mise en évidence en résolution de litiges n’a été considérée par le Commandant comme étant grave au point de justifier l’ouverture d’une procédure administrative à l’endroit du policier concerné ou de motiver une dénonciation à l’autorité pénale. »

La commission en tire donc pour conclusion que la situation actuelle serait satisfaisante et qu’elle jouerait ainsi pleinement son rôle. Or, le relativement faible nombre de cas soumis et leur non-gravité apparente montre surtout le peu de confiance dont la commission bénéficie auprès d’une partie de la population lausannoise, notamment dans les cas concernant l’usage de la contrainte.

Notons que le modèle lausannois n’est évidemment pas la norme partout. Certains pays connaissent un fonctionnement bien différent en cas de violences policières ou d’intervention jugée illégitime. C’est le cas de l’Angleterre où contrairement à la France et son Inspection générale de la police nationale (IGPN – gérée par des agent-e-s de police), la mission de « police des polices » est confiée à un organisme indépendant (Independent Office for Police Conduct) qui explique prendre ses décisions de manière « totalement indépendante par rapport à la police et au gouvernement ».[1]

Pour fonctionner de façon réellement indépendante, une telle instance devrait l’être sur le plan hiérarchique, budgétaire, voire géographique, pour éviter tout soupçon de partialité dans le traitement des plaintes. De plus, c’est le rôle de la Municipalité, et non du commandant de police, de donner suite aux déterminations émises par ladite instance, le cas échéant en ouvrant une enquête administrative ou en dénonçant le cas à l’autorité judiciaire.

Le présent postulat invite la Municipalité à étudier l’opportunité de créer une instance pleinement indépendante, en remplacement de l’actuelle commission de déontologie, ayant pour but d’instruire les dénonciations et les plaintes formulées à l’égard des agent-e-s de police, et de les soumettre à la Municipalité.

[1] https://www.policeconduct.gov.uk/

Ilias Panchard

Ilias Panchard

Conseiller communal