Intervention

Préavis 2019/16 – 1ère phase
Par ce préavis nous est présentée la première phase du déploiement des compteurs électriques intelligents, il s’agit de la mise en place de la plateforme informatique nécessaire à la collecte et au traitement des données ainsi que des outils numériques visant à faciliter au niveau administratif les futures installations des nouveaux compteurs. 
En quelques mots, cette mesure est imposée aux gestionnaires de réseaux par la LApEl dans le cadre de la stratégie énergétique 2050. Les compteurs intelligents permettront la mesure en continu et la communication dans les deux sens entre les habitations et le gestionnaire du réseau. Les relevés manuel in situ ne seront plus nécessaires. Les coûts de la mise en place sont imputables aux consommateurs finaux. Le compteur s’accompagnera d’une interface utilisateur dont le but est de permettre aux ménages de maîtriser leur consommation d’énergie. Sur la base de la connaissance des profils des clients, les services électriques pourront développer des offres tarifaires spéciales, étendant ce qui est déjà pratiqué pour le tarif de nuit ou de week end. Enfin, il sera possible aux gestionnaires de moduler la distribution en fonction de la demande et de la production en temps réel, afin de gérer les pics de demande et d’approvisionnement variable typique de l’énergie photovoltaïque et éolienne. Techniquement, les compteurs communiquant pourront contrôler l’enclenchement des appareils à forte consommation de courant, en contrepartie par exemple, de tarifs d’abonnement plus avantageux. A noter encore, que la transmission des données se fera sur le support fixe de la fibre optique pour toute la zone qui est couverte par le réseau de la Ville. 
Le déploiement des compteurs intelligents semble donc être une pièce indispensable au puzzle de la transition énergétique.  En réalité, en y regardant de plus près, on voit que c’est un pari industriel, dont l’expansion, n’a pas été l’objet de débat dans l’espace public son processus d’expansion. Pour cette raison ainsi que pour la raison de la pertinence écologique de ces compteurs je m’abstiendrai de voter les conclusions de ce préavis, ce sera également le cas d’autres membres du groupe des Vert·e·s.
La mutation du réseau électrique est donc une mesure imposée par la stratégie énergétique 2050 sur laquelle nous n’avons pas de prise. A notre niveau communal, je vois quand même deux points sur lesquels nous pouvons agir: 
1 – tout d’abord et contrairement à ce qui est annoncé, à part pour quelques groupes de personnes motivées par des initiatives de production et d’auto-consommation, il est illusoire de croire que ces systèmes auront une quelconque influence sur la maîtrise de la demande d’énergie des consommateurs moyens. Ceux-ci ont déjà accès à l’information sur leur consommation par leur facture d’électricité. Après avoir remplacé ses ampoules électriques et acheté un nouveau frigo, et pour des raisons de motivation, de compétences et de manque de contrôle sur les principales causes de la consommation d’énergie (comme le manque d’efficience énergétique des bâtiments …), va-t-on vraiment prendre le temps d’ausculter ses données de consommation et changer son comportement en conséquence ?Ce n’est pas une couche technologique de plus qui va rendre les consommateurs plus attentif à leur rapport à l’énergie. Tout en étant de plus en plus hyperconnectés, nous sommes de plus en plus déconnectés des notions physiques du monde réel. Seule une information et une sensibilisation importante peut remédier à cela et il faut agir sur les notions larges sur l’énergie, pas seulement sur le décryptage des offres commerciales, et en soutenant aussi les initiatives citoyennes non institutionnelles, par exemple via le fonds pour l’efficacité énergétique. 
2 – deuxième point, la mise en doute que le rapport coût-bénéfices du déploiement des compteurs intelligents est positif. C’est ce que dit un rapport de 2012 de l’OFEN « Smart Metering Roll Out – Kosten und Nutzen  », mais dans le même temps en 2014 la commission européenne a publié également un rapport qui montre que pour 11 pays sur 27, les bénéfices coût-investissent du déploiement des compteurs sont négatifs ou peu concluant. 
En France, le rapport de la Cour des comptes publié en février 2018, sur la mise en place du dispositif Linky – 35 millions de «compteurs communiquant» par Enedis (ex-ERDF) conclut « L’analyse bénéfices-coût au niveau de la distribution ne peut à elle seule justifier économiquement le projet et, en l’état actuel des travaux, le système n’apportera pas les bénéfices annoncés en ce qui concerne la maîtrise de la demande d’énergie».
La marge d’économie est donc asymétrique, elle profitera aux services d’électricité qui pourront optimiser la vente d’énergie via les nouvelles offres commerciales basée sur la connaissance des profils des utilisateurs (tant mieux pour nos SIL !), mais il semble important de demander la plus grande transparence sur le report des coûts. Ce point est évoqué dans le préavis, mais aucune estimation de ces coûts n’est pour l’instant fournie. 
Enfin, j’aimerais évoquer la question de la protection des données touchant à la sphère privée. Avec une mesure des courbes de charges au 1/4 d’heure, il est possible de voir l’enclenchement des différents appareils, de connaître les heures de lever ou de coucher, les périodes d’absence, le volume d’eau chaude consommée par jour, le nombre de personnes présentes dans le logement. La courbe de charge peut ainsi permettre de déduire de très nombreuses information relatives à la vie privée. Mon collègue David Raedler complétera ce point de la protection des données.
Karine Roch