Une victoire retentissante des faits sur les promesses vides
Qui n’a pas, même au sein de nos rangs, déjà vécu ce moment de grande solitude – seul, comme bien trop souvent, ou même accompagné – coincé dans une voiture à subir des bouchons qui semblent interminables ? Et qui, bloqué dans cette tonne d’acier, n’a pas critiqué les autres personnes qui se trouvent dans la même situation et relevé «qu’ils» sont le trafic, sans bien sûr voir sa propre responsabilité dans ce chaos de mobilité?
Alors évidemment, lorsque le Conseil fédéral et le Parlement viennent la bouche en cœur nous promettre fluidification et bonheur grâce à des travaux d’extensions autoroutières ou le percement de nouveaux tunnels, le réflexe évident – et compréhensible – est de voter oui à ces projets. Surtout, toujours au sein de nos rangs, lorsque ces mêmes Conseil fédéral et Parlement nous assurent que, par ce oui, nous agissons en faveur du climat, car la réduction des bouchons viendrait automatiquement réduire les émissions de CO2 et d’autres polluants bien trop présents dans la mobilité motorisée individuelle.
C’est face à cette situation que l’ATE et d’autres organisations ont décidé, il y a maintenant plus d’une année, de lancer le référendum contre un crédit de CHF 5.3 milliards voté par le Parlement pour financer six projets autoroutiers. Un référendum qui, à l’époque, avait été qualifié d’échec annoncé ou de vaine tentative de s’opposer à ces projets, tant la voiture semblait centrale pour la population helvétique et proche de son cœur. Cet amour immodéré pour son véhicule devait donc nous amener à fermer les yeux sur les problèmes qui découlaient de ces projets: plus de 50 hectares de terres agricoles, de forêts et d’autres espaces naturels bitumés? c’était pour la bonne cause. Une augmentation attendue du trafic, des bouchons et de la pollution, comme cela est constaté cas après cas dans les projets d’extension autoroutière? ce n’était que mensonge. Des projets ferroviaires essentiels mis concrètement en danger par la seule extension romande prévue? ce n’était qu’exagération, tant l’espace à notre disposition apparaissait infini. Et, enfin, des milliards dépensés dans des projets finalement inutiles et contre-productifs? ils étaient déjà payés…. Voilà certaines des réponses qui étaient, le plus légèrement possible, apportées par le camp du oui aux interrogations et doutes qui apparaissaient peu à peu au sein de la population. Et largement reprises à coup d’affiches, de publicités ciblées et de déclarations tenues dans les débats. Le tout en estimant vraisemblablement que la population ne se renseignerait pas ou, en tout cas, privilégierait son amour de la voiture sur le bon sens.
Ce dimanche de votation a toutefois prouvé le contraire: avec près de 53% de non, ces projets d’extension autoroutières d’un autre temps ont été sèchement rejetés par les votantes et votants. La preuve que, avec un engagement fort sur le terrain et une volonté d’expliquer le plus possible les effets de telles constructions routières, tout est possible. Une victoire qui est d’autant plus positive qu’elle ne se caractérise pas par un clivage ville-campagne qui avait été annoncé, ni par un Röstigraben. Alors que le sort de ces projets spécifiques est maintenant scellé, il convient d’éviter de croire que tout est réglé et qu’il n’y a plus de risque: notre Conseil fédéral – M. Rösti en tête – et la majorité du Parlement restent encore convaincus que la voiture individuelle doit représenter le socle de notre mobilité. Une vision passéiste et contraire au bon sens qu’il nous faut, encore et toujours, combattre dans l’intérêt de notre nature, de notre environnement, de notre biodiversité, de notre qualité de vie et de nos paysage. Ceci dans l’intérêt tant de la personne qui se déplace exclusivement en vélo que de celle qui apprécie grandement les transports publics ou de celle qui, encore aujourd’hui, dépend de sa voiture pour se déplacer: pour toutes ces personnes, il est impératif d’investir massivement dans les transports publics et les aménagements cyclables, afin précisément de donner à chacune et chacun des alternatives efficaces et attrayantes à la mobilité individuelle. Tout en rappelant, bien sûr, que chaque trajet réalisé a un impact sur l’environnement et se doit, en toute raison, d’être évalué à l’aune de nos impératifs climatiques.
Dans l’ensemble, ce vote est la victoire de la raison et de la réalité factuelle sur les promesses politiques vides. C’est également la victoire de l’engagement citoyen sur les lobbies routiers, automobiles et pétroliers. C’est enfin une lumière dans un environnement politique actuel malheureusement souvent sombre.
Reste encore un point à souligner: ce type de victoire n’a été rendu possible que grâce à l’engagement commun, ainsi qu’à l’activité soutenue des associations actives dans le domaine, dont l’ATE. C’est sur leurs membres que ces associations comptent pour défendre une mobilité durable. Alors, à l’occasion des fêtes de fin d’année, offrez-vous, ou à vos proches , une carte de membre de l’ATE et des autres associations actives dans ce domaine: ce sera toujours une bonne idée et un engagement sur l’avenir. Et ce n’est pas juste une promesse vide de la part du co-président de l’ATE: le succès de ce dimanche en est la preuve!
David Raedler
DéputéCo-président de l’ATE