Réflexion

Feuille verte n°64

Notre système de santé a déjà fait l’objet de milliers d’analyses avant la crise du covid-19. Nous pourrions reprendre le débat là où nous l’avons laissé en nous disant que nous n’avons jamais autant dépensé pour nos systèmes de santé, que nos primes maladies explosent, que notre époque n’a jamais vu une population qui vit aussi longtemps, mais que malgré tout, des failles sévères subsistent. Constat d’échec, mais de nombreux motifs d’espoir : aujourd’hui nous sommes en capacité de reprendre une discussion d’une autre nature en revenant à des fondamentaux que nous avons perdus de vue.

Tout d’abord, en reprenant la définition de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) qui date de … 1948 : « la santé est un état de complet bien-être physiquemental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité » et « La possession du meilleur état de santé qu’il est capable d’atteindre constitue l’un des droits fondamentaux de tout être humain, quelles que soit sa race, sa religion, ses opinions politiques, sa condition économique ou sociale». Depuis là, nous pouvons changer de paradigme.

Premièrement, à la place de concentrer nos efforts au bout de la chaîne de causalité, déplaçons-les en amont : à la place d’attendre que la population soit malade, veillons à ce qu’elle ne tombe pas malade. Ainsi, cela veut dire qu’il faut faire la part belle à la promotion de la santé (qui vient avant la prévention et les soins). Et il faut bien dire que ces dernières années, cette partie de la santé publique a vraiment été mise à mal et s’est réduite comme peau de chagrin.

Deuxièmement, nous devrions allouer les deniers publics de façon efficiente[1]. La communauté scientifique s’accorde à dire que notre santé est fortement déterminée, avant les questions génétiques et comportementales, par des facteurs sociaux et relationnels (aussi bien liés aux contextes professionnel, culturel, familial ou social), économiques et environnementaux. Les systèmes de soins influençant le moins notre santé. Ainsi, nous devrions réallouer les deniers publics sur les bons maillons de la chaîne, là où nous pouvons éviter que la population tombe malade ; et les bons maillons sont ceux en lien avec les déterminants sociaux-économiques et environnementaux. Il va sans dire que tout cela est également valable pour l’affectation des deniers publics pour la recherche.

Troisièmement et pour finir, cette crise du covid-19 nous a réveillés sur des réalités pourtant thématisées par des visionnaires : les inégalités sociales en matière de santé… et pas que : inégalité dans l’instruction, dévalorisation de soi, carences affectives, discrimination et exclusionisolement, faible degré d’autonomie au travail, etc. Ce qui nous montre également un champ d’action de grande ampleur : la santé mentale qui importe autant que la santé physique.

Mais réfléchir la santé dans notre pays, c’est aussi réfléchir notre système politique qui partage les compétences entre les différents niveaux institutionnels. En matière de santé, c’est l’affaire des Cantons, en temps normal. Mais les communes, les Villes, sont en réalité celles qui portent la majeure partie des politiques publiques qui supportent les déterminants économiques, environnementaux et sociaux de la santé. À ce titre-là, il convient de reconnaître enfin le rôle essentiel que les villes jouent et doivent jouer à l’avenir dans la santé des populations. En plus des champs de santé mentale et de lutte contre les inégalités sociales en matière de santé déjà mentionnés, ce sont la lutte contre les nuisances urbaines (pollution sonore, atmosphérique, lumineuse, des sols et des ondes) et contre les changements climatiques (lutte contre ilots de chaleur) qui doivent être au cœur de la conception et de la mise en œuvre des politiques publiques des villes. La loi fédérale sur la prévention des maladies et la promotion de la santé, cette Arlésienne sacrifiée il y a quelques années sur l’autel de marchandages politiques peu glorieux, doit-elle enfin voir le jour ? Nous serions en droit d’hésiter tant les pièges à lobbys sentent encore le souffre. Il serait peut-être plus prudent de choisir une autre voie (il va falloir faire preuve de créativité) pour renforcer les capacités financières des villes à agir pour la santé de leur population, et de renforcer leur légitimité à développer de vraies Stratégies de promotion de la santé.

 

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[1] La définition de l’efficience s’entend ici comme le croisement du coût et de l’efficacité. L’idée étant toujours de choisir ce qui est les plus efficace et coûte le moins cher. Etant entendu que dans le cadre des finances publiques, la contrainte/la limite est fixée sur le coût.